jeudi 2 octobre 2008

mercredi 1 er octobre - les 5èmes nuits d'aquitaine : bruno maurice et le trio miyazaki à malagar

J'ai souvent insisté dans ce blog, et encore très récemment à propos du concert de Philippe De Ezcurra à Brouqueyran, sur le rôle du contexte dans le plaisir de l'écoute. Je ne crois pas que le jeu des musiciens et les sensations que l'on éprouve soit distinguables de l'environnement où ils ont lieu. Un phénomène est inséparable du site, en tant que lieu et que moment, où il se manifeste. D'ailleurs, on sait bien pour l'avoir expérimenté au moins une fois qu'une position inconfortable, le bruit d'appareils photographiques, une salle trop froide ou trop chaude, un projecteur dans les yeux, un voisin agité, etc... tout cela suffit à gâter tout plaisir, quel que soit le talent des interprètes et la qualité des oeuvres. C'est pourquoi, Françoise et moi, nous attachons une grande importance au fait d'arriver toujours très en avance aux concerts, pour préparer notre attention et pour nous imprégner de l'âme du lieu.

Et pour ce qui est de l'âme du lieu, on ne peut imaginer mieux que Malagar. Au premier abord, on voit une grande maison bourgeoise plantée sur une crête de vallonnement tout en douceur. En s'approchant, on découvre une voie pavée, flanquée de deux bâtiments que l'on peut identifier comme étant d'anciens chais et ouvrant sur un horizon de nuances : gris, bleu, vert, jaune, roux... une sorte d'aquarelle. Le bâtiment de droite, d'allure quasi monacale, est devenu une salle d'exposition et de concert. Les murs sont couverts de vitrines, le faux plafond masque la charpente et améliore l'acoustique. On devine une charpente digne d'un vaisseau de la Royale.


Au bout de cette voie pavée, on débouche sur plusieurs allées parallèles plantées de charmes et l'on est comme aspiré vers le paysage que l'on devine et qui se dévoile un peu plus à chaque pas.

Cette géomètrie de parallèles et de lignes de perspective - on dirait une peinture italienne, quelque chose comme un air de Toscane - cette géomètrie ouvre à son tour sur un monde de rangées de vignes. C'est Euclide qui serait content !

En revenant sur nos pas, de l'autre côté de la demeure, encore des parallèles : vignes et peupliers. Le soleil déclinant joue avec ces lignes en introduisant son jeu d'ombres.


Mais il reste encore beaucoup de temps avant le début du concert. En passant une nouvelle fois devant la salle, nous entendons le trio répéter. Une porte est restée ouverte. Nous nous glissons derrière le dernier rang. Je ne résiste pas au plaisir de faire quelques photographies. Toujours ce goût pour ces moments de tâtonnements, pour ces essais comme autant de pièces d'un puzzle qui trouvera sa réalisation au cours du concert. Bruno Maurice cherche la meilleure position sur la scène, le meilleur rendement acoustique. Manu Solans et Mieko Miyazaki discutent. Les chaises sont toutes vides.



Après des essais acoustiques, le trio se réunit et tâtonne encore. Derniers peaufinages pour ajuster la prestation au lieu.

... Le concert a commencé. D'emblée le charme opère. Pour le coup, les mots me manquent pour traduire nos sensations et nos sentiments.


J'avais déjà noté, à l'occasion de précédents concerts, à quel point le trio est "géométriquement variable". Variable, car "le sommet" Bruno Maurice introduit une sorte de pulsation en s'approchant ou en s'éloignant de ses partenaires. Ce mouvement donne beaucoup de vie à la musique même.

Et puis, un moment solo, très intense. Je parlerais volontiers de recueillement avec l'attention complètement focalisée sur un seul objet : l'accordéon. Son mouvement a quelque chose pour moi de fascinant et de quasi hypnotique.


Mais puisqu'au début de ce texte je notais l'importance primordiale du contexte dans la perception esthétique, je voudrais mentionner ici un comportement du trio qui corrobore mon opinion. Contrairement à certains stakhanovistes de l'accordéon qui enchainent les morceaux sans un mot, sans même en donner les titres, qui parfois même semblent inaptes à la communication orale, les membres du trio savent faire, entre chaque interprétation, une pause pour expliciter le titre ("Asakusa - Notre Dame" (Paris - Tokyo, si j'ose dire), "Caresse", "Saï-Ko", etc...)), pour l'inclure dans une anecdote ou en donner la date, pour dire leur intention, etc... Alors, l'accent de Mieko est délicieux, Manu dévoile tout son humour - il ne faut pas se fier à son allure de nounours ; il faut regarder ses yeux qui pétillent derrière ses lunettes. Alors, Bruno expose toute sa gentillesse, qui est pour moi une très grande qualité. En tout cas, la marque d'une personnalité forte, ouverte, bienveillante.

A propos de l'humour de Manu Solans, j'ai bien aimé ce moment où, expliquant assez longuement l'origine d'un morceau, il s'interrompt pour dire que son explication a d'abord pour but de permettre à Mieko d'accorder son instrument. J'aime bien cette distance associée au plus grand sérieux. Ces parenthèses, ces intervalles, ces interstices font pour moi partie intégrante du charme de ce trio.









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