samedi 29 novembre 2008

samedi 29 novembre - gorka hermosa tangosophy

A la différence de « Mastic Central » que j’ai découvert il y a peu de temps par l’intermédiaire de Françoise Descaillot, il y a maintenant plusieurs mois que j’avais découvert Gorka Hermosa sur Myspace. D’emblée, l’écoute de plusieurs morceaux de « Tangosophy » m’avait donné à penser qu’il s’agissait d’une très grande œuvre. A partir de là, j’ai exploré d’autres sites où, ici ou là, j’ai pu glaner d’autres titres. Pour faire partager mon enthousiasme, j’ai même installé sur ce blog le 4 novembre un lecteur « Deezer » avec quelques titres de Gorka Hermosa. Mais, mes recherches m’ont convaincu qu’il n’était pas distribué en France. J’ai donc cherché à me procurer son album auprès de son éditeur, mais en vain ; auprès d’un distributeur espagnol, Razarecords, mais je me suis perdu dans la procédure ; auprès de Gorka Hermosa lui-même, mais j’ai renoncé devant les frais de virement bancaire… Finalement, avec Françoise, nous sommes revenus sur le site Razarecords et, après maints tâtonnements, notre commande a été enregistrée. A partir de là, c’est allé vite : commande enregistrée mercredi, envoi le jour même, réception samedi matin. Un beau colis… Un vrai paquet de Noël. Et à l’intérieur, comme un nouveau-né dans sa protection de bulles, « Tangosophy ». Sombre, sobre, magnifique.






Par principe et par méthode, j’essaie de maintenir intactes mes capacités d’étonnement et d’admiration, je m’impose de ne jamais parler d’accordéons que je n’aimerais pas, car à quoi bon fabriquer de la bile alors que je n’arriverai jamais à épuiser tous les plaisirs potentiels des concerts et autres disques qui sont pourtant à portée de main ? Du coup, ce blog peut paraître excessivement bienveillant et même quelque peu candide pour tous les pisse-vinaigre obsédés par la recherche de la petite bête et du défaut qu’il faut dénoncer pour paraître connaisseur, j’assume en toute connaissance de cause cette critique qu’évidemment je réfute. Mais si je peux paraître trop bienveillant et trop prompt à l’admiration, je me garde bien de crier au chef-d’œuvre dès que je crois discerner une trace de talent. Et bien, en l’occurrence, tout bien pesé et repesé, je le dis : «Tangosophy» est pour moi - et pour Françoise !- un chef-d’ouvre. Non pas tel ou tel des onze titres, non, l’album en tant que tel, en détail et en totalité. Maitrise technique du Pigini et force inventive… Superbe. Tout mérite d’être écouté avec la plus extrême attention, avec une disponibilité absolue. Pour l’instant, outre la version donnée ici de « Libertango », je dois dire que « L’enfant perdu », « Galliano en Santiago » ou, encore plus si cela est possible, « Anantango » me donnent frissons et chair de poule. A tous les coups. Franchement, je n’ai pas souvenir que cela me soit arrivé un très grande nombre de fois ; je pense à « Tangaria », à « Mare nostrum », à « If » (D. Saluzzi au bandonéon), peut-être à tel ou tel morceau de Daniel Mille, et à quelques autres sans doute, qui m’échappent à l’instant, mais peu importe car il ne s’agit pas de faire un palmarès. En tout cas, je persiste et signe : « Tangosophy » est un chef-d’œuvre.








vendredi 28 novembre - le syndrome de l'ardèche

http://www.lesyndrome.fr/presentation.htm

Le 17 novembre, à 14h25, je recevais un courriel signé de Françoise Descaillot au nom de l’équipe d’ «accordéon sans frontières ». Je cite :

« Fanfare légère et primesautière empruntant au terroir son instrumentation typique (cornemuses françaises, accordéon diatonique) et au jazz son sens de l'improvisation, Le Syndrome de l’Ariège propose une musique originale largement inspirée des mélodies et traditions du Vivarais et des Cévennes, magistralement réinventées par la grâce d’arrangements mutins alternant effets de masse, contrepoints chantants et embardées collectives. Une vivifiante plongée sensorielle et poétique au cœur d’un France mythique et populaire ».

Comme je connais bien l’équipe d’ «accordéon sans frontières », sans hésiter une seconde, j’ai pris contact avec le « contact » du Syndrome, Stéphane Méjean. Je n’ai en effet pas l’habitude d’écouter de la cornemuse, c’était donc pour moi l’occasion de découvrir cet instrument à côté de l’accordéon diatonique et de quelques autres.

Bref, vendredi soir, vers 20 heures, à notre retour de Toulouse, le dernier cd du Syndrome de l’Ardèche, « Mastic Central » nous attendait dans la boite à lettres parmi quantité de publicités et autres prospectus.




Comment dire ? L’écoute de ce disque a été pour nous une vraie révélation. Je sais bien, après ma rencontre récente avec l’Orchestre National de Salilhe, que la bourrée et le jazz ne sont point incompatibles ; mon oreille commence même à s’accoutumer à la collaboration entre la cabrette, les saxophones et la trompette. Je situe bien le projet du Syndrome dans une mouvance apparentée à celui de l’ONS. Mais, comme il y a un son ONS, il y a un son Syndrome. Et c’est ce son qui me touche.

Je note, en page 2 du livret, ces mots : « Le Syndrome de l’Ardèche ou la musique du rebord oriental du massif central. Musique traditionnelle visitée par le jazz ou lecture jazzistique de la musique traditionnelle ? Peu importe, la limite est plutôt tracée dans nos têtes que dans nos cœurs ; la musique doit avant tout véhiculer une émotion. Toutefois, si des territoires distincts existent, retrouvons-nous au poste frontière et là, comme ailleurs : « enrichissons-nous de nos différences ». Stéphane Méjean ».

Trois remarques à propos de ce texte :

- « musique traditionnelle visitée par le jazz ou lecture jazzistique de la musique traditionnelle… ». Peu importe dit S. Méjean. Et en effet je retrouve ici une idée qui m’est chère, à savoir que pour comprendre des projets complexes comme celui du Syndrome, il faut les penser en termes de conjonction («et ») et non en termes de disjonction («ou ») comme le fait la penser analytique, comme nous incite à la faire la pensée cartésienne. A la question : « Finalement, c’est quoi cette musique (sous-entendu, c’est ou bien… ou bien…) ? », la réponse est : « Ouvrez vos oreilles, jetez vos préjugés et autres stéréotypes à la poubelle, vous reconnaitrez que c’est à la fois de la musique traditionnelle et du jazz ». Dépassement dialectique des contradictions apparentes, dirait le philosophe.
- « la musique doit avant tout véhiculer une émotion ». Je retrouve ici la distinction de Roland Barthes, à laquelle je me réfère souvent car elle est pour moi très éclairante, entre studium et punctum. Le plaisir esthétique, et c’est bien le cas lorsque j’écoute « Mastic Central », est à la rencontre de deux plaisirs : plaisir d’ordre intellectuel (le projet du Syndrome ; l’intelligence du texte introductif ci-dessus ; la découverte de la cornemuse, que dis-je des cornemuses, par exemple, 16 et 20 pouces) et plaisir de la sensation (par exemple, « le lion du Panjshir » ou « Valse pour le soleil » ou « Ascension »).
- S. Méjean mobilise ici l’image du poste frontière. Pour ma part, en écoutant ce disque, une autre image me vient à l’esprit, celle du passeur qui fait et refait sans cesse la navette entre deux rives, au point qu’il arrive à tisser de part et d’autre des liens ténus mais impossibles à dénouer. J’aime bien cette image de nœuds entre la musique traditionnelle et le jazz.

Tout cela pour dire que j’ai pris le plus grand plaisir à écouter l’acidité des cornemuses et la rondeur des saxophones, et puis aussi la rencontre du tuba et du diatonique, quel couple !

Je m'aperçois enfin qu'il y a cette indication sur la couverture de l'album : "Jazz & Traditions Nouvelles du Vivarais et des Cévennes". Le concept de tradition nouvelle me parait tout à fait intéressant, car en un sens il me surprend. Une tradition peut-elle être déclarée nouvelle aujourd'hui même ? Ne faut-il pas attendre que l'Histoire se soit développée pour pouvoir identifier des pratiques nouvelles comme étant devenues des traditions ? A moins qu'il ne s'agisse de formes nouvelles données à la tradition ou, en d'autres termes, de traditions vivantes ? Auquel cas, ce que je pense, ce disque témoigne bien de ce mouvement que pour ma part je nomme volontiers de la "culture en acte". Culture qui se fait et pas seulement culture pour des discours savants.











mercredi 26 novembre 2008

mercredi 26 novembre - jacques pellarin trio : à suivre ...

Et voilà ! Je suis depuis ce matin chez "les petits" à Toulouse. On joue "Papou / Mamou". Rôle bien connu et qu'on maitrise assez bien. Françoise vient de conduire les filles à leur leçon de chant choral. En attendant d'aller les rechercher, à 19 heures, j'ouvre ma boite à courriels... Un message de Sylvie Jamet, trop personnel pour que j'en fasse état, sauf pour dire que ce signe d'amitié m'a fait plaisir. On se comprend à demi-mots. Et puis, un autre message, que j'ai plaisir à répercuter : deux nouvelles videos du "Jacques Pellarin Trio" lors de sa prestation au Chris's Jazz Cafeà visionner .

Il s'agit de "Blues sur Nacre" et de "Koloriages", deux inédits...

http://www.philly.com/philly/phrequency/genres/jazz

Si je compte bien, on doit être à cinq vidéos... Pas mal !

lundi 24 novembre 2008

mardi 25 novembre - pulcinella à pau : photonotes 11-15

19h31. En attendant la fin de la table ronde et de pouvoir investir la scène, les membres du quartet se cultivent. La preuve !

19h33. C'est vraiment passionnant ! On remarquera la posture du contrebassiste : l'habitude sans doute.

19h56. "Le déhanchement de la danse des gobelins".


20h09. "Rev'là Raymond".

20h16. Les dernières notes, comme un oiseau qui sort du nid et découvre le monde.


Françoise avait raison : "les loups sortent de la bergerie" est magnifique. Du coup il tourne en boucle en alternance avec "Vie et mort...".
ps : un bonjour amical à "Temps" et merci pour le commentaire de lundi.




mardi 25 novembre - pulcinella à pau : photonotes 6-10

16h48. C'est parti ! Successivement, "Vox populi", "O maïs" et deux autres titres qui m'ont échappé.
16h53.

16h54.
17h00. Les enfants fascinés. Voilà bien le critère que j'évoquais dans le compte-rendu de lundi. Ils rêvent !



17h01.


Pendant que je publie ces images, j'écoute "Requiem" et "Le déhanchement de la danse des gobelins", l'un de mes titres préférés, cependant que Françoise a une préférence marquée pour "Les loups sortent de la bergerie".




mardi 25 novembre - pulcinella à pau : photonotes 1-5

12h40. C'est parti ! Successivement, "Grand Hôtel", "Vie et mort du platane de Prugnagnes", "Maladroite", "Morphée" et "L'Amérique que nous aimons".
12h42.

12h46.
12h55.



13h06.



Pendant que je publie ces images, je suis en train d'écouter "El matador" et "Haletant et court". Il faudra que je consulte d'un peu plus près la revue de presse de "Pulcinella" ; j'aimerais bien y lire des mots qui me permettraient de savoir mieux exprimer le charme que je trouve à la musique de ce groupe. Pour l'instant, je suis sensible à la spécificité de leur son que je trouve unique, en particulier dans la manière dont les instruments s'entrelacent.



dimanche 23 novembre 2008

lundi 24 novembre - l'homéopathie selon pulcinella





Samedi 22. Hall de la foire exposition de Pau. « Pulcinella » joue à trois reprises dans le cadre de « Pau fête du livre » : à 12h30, à 16h30 et à 19h45.

- Alors, « Pucinella », c’était bien ?
- Mieux que ça !
- Imagine un hall de foire d’exposition, immense, avec des allées qui se croisent perpendiculairement, des stands de livres, de bandes dessinées, de vieux papiers, des courants d’air, des gens qui vont et viennent, des affichettes annonçant les tables rondes et autres débats, une absence quasi absolue d’information sur les moments de représentation de « Pulcinella ». Il faut te dire que le salon du livre traditionnel a été boycotté il y a peu par un certain nombre d’exposants, boycott pour d’obscures raisons à la fois économiques et politiques, et qu’il a failli être supprimé. La municipalité a rattrapé le coup, mais l’information sur le programme a été si tardive que la presse locale n’a diffusé que des renseignements incomplets et que les affiches de programme n’ont pu être collées à temps dans l’enceinte même de la fête du livre.
- Dois-je comprendre que les conditions n’étaient pas idéales pour « Pulcinella » ?
- Tu as tout compris. Un espace immense, métal et verrière, tu imagines l’acoustique ; une information insuffisante, tu imagines l’intérêt ; une estrade basse et exigüe, un fond de scène tapissé de pots de bambous et autres plantes du même acabit, tu imagines la liberté de mouvements.
- Et alors ?
- Et bien, c’est là que je les ai trouvés très forts. Ils se sont produits à trois reprises dans la journée. Je te donne le programme :

- 12h32 – 13h06
- "Grand Hôtel"
- "Vie et mort du platane de Prugnagnes"…
abattu pour cause de parking
- "Maladroite"… un inédit, si j’ai bien compris
- "Morphée"… inspiré par le dieu du sommeil
- "L’Amérique que nous aimons"… la vie rêvée de l’Amérique

- 16h47 – 17h06
- "Vox populi"…
déjà entendu à Bagnères
- "O Maïs"… premier titre de « Clou d’estrade »
- ?..?.. ?..
- ?..?..?..
sauf erreur de ma part, les titres n’ont pas été donnés

- 19h55 – 20h18
- "Le déhanchement de la danse des gobelins"…
j’adore !
- "Rev’là Raymond"… plus de dix minutes pour finir en beauté.

- Donc, tu vois, cinq morceaux, puis quatre, puis deux. C’est pour cela que j’ai titré « l’homéopathie selon Pulcinella » : cinq au déjeuner, quatre à l’heure du goûter et deux avant le diner. Un programme bien équilibré, pas "bourratif", mais qui donne envie d’en reprendre encore. Un dosage au trébuchet.
- Pourquoi dis-tu qu’ils t’ont paru très forts ?
- Eh bien, disons que subjectivement j’ai encore mieux apprécié qu’à Bagnères, surtout qu’entretemps j’avais écouté maintes fois leurs deux disques ; je manque trop de culture musicale pour t’expliquer les bonnes raisons de mon enthousiasme, mais je sais de manière certaine que je les écoute avec le plus grand plaisir. Comment te dire, je trouve le quartet très homogène, j’aime beaucoup le jeu qu’ils développent entre eux, une manière de jouer ensemble et de se répondre, une apparente facilité étayée par une organisation sans failles. Françoise dit, à juste titre, que malgré leur nom, ils lui font moins penser à la Commedia del Arte qu’à « L’illustre théâtre » de Molière. Tu te rappelles l’environnement : le hall, les bruits parasites, l’estrade, etc… Eh bien, ils sont arrivés, ont déballé leur matériel, fait les essais et les réglages habituels, et puis, devant quelques rangs de spectateurs, ils ont fait surgir leur monde. Comme ça, tout simplement, comme si de rien n’était. Un monde imaginaire, vachement construit. J’aurais du mal à te définir leur jazz, mais j’y prends grand plaisir. Disons que chaque morceau me raconte une histoire et qu’ils font ainsi défiler sous mes yeux, dans mes oreilles si tu veux, un kaléidoscope d’images que je découvre émerveillé comme un enfant. Et justement, il y a des indices objectifs de leur qualité. J’en retiens deux : l’après-midi, quand ils ont joué entre quatre et cinq, il fallait voir les gosses. Ils avaient lâché les mains de leurs parents ; assis à même le sol, ils étaient fascinés. Sages comme des images, attentifs, pleins d’images dans leurs têtes. Comme dans un rêve. C’est pas un indice objectif ça, les parents attendant leurs enfants, sans avoir à les rappeler au calme. Et puis, un autre indice. Le soir, le troisième set était prévu entre 19h45 et 20h00. Tu vois ça : un quart d’heure. L’organisateur est vraiment trop bon ! Mais, attends, voilà qu’une table ronde s’éternise et que la sécurité, le pompier de service, commence à dire qu’il faut annuler la prestation de « Pucinella » parce que le hall doit être vide à 20h00. Bref, ça négocie un peu et le quartet s’empare de la scène à 19h55. On nous annonce deux morceaux. Bon, c’est mieux que rien. On est finalement bien contents. Le premier morceau dure un peu plus de cinq minutes. Je note que les gens qui se dirigent vers la sortie marquent un temps d’arrêt puis intéressés par ce qu’ils entendent s’arrêtent, comme subjugués. Le second, où Florian, l’accordéoniste, se déchaine littéralement, dure plus de dix minutes. Que va dire le pompier. Eh bien le pompier, il semble avoir oublié sa fonction : il écoute et manifestement ça lui fait plaisir. A la fin, de longs applaudissements. Même le pompier qui applaudit longuement. Il n’est plus pressé. Il est content. Pour un peu, il demanderait un rappel.
- C’est sûr, le comportement des gosses et du pompier, ce sont des critères objectifs. Tu m’as donné envie de les écouter.
- Je te ferai écouter les deux disques, mais j’ai une bonne nouvelle à t’annoncer : le 13 décembre, ils sont au Mandala, à Toulouse. Tu viens ?
- Sûr !
- Bon, je publie notre petite conversation sur mon blog et d’ici peu, dès que possible, tu pourras y trouver aussi quelques photos. Il faut que je les trie et que je les classe, mais j’ai bon espoir de faire ça vite.

vendredi 21 novembre 2008

dimanche 23 novembre - jacques pellarin trio

... reçu un courriel de Jacques Pellarin qui m'informe de la mise en lignes de vidéos enregistrées au cours de la prestation du "Jacques Pellarin Trio", au Chris's Jazz Cafe, à Philadelphie, le 6 novembre.

Ouvrir le lien ci-dessous, ouvrir sur le site de ce lieu voué au jazz la rubrique "Calendar", on est alors impressionné par la vitalité et l'effervescence qu'on y devine, ouvrir le "6 novembre" : on lit alors "Sunset Sessions, 5:00 pm to 8:00 pm, Jacques Pellarin Trio, etc...". Cette information est lapidaire, mais elle nous réjouit tant sa densité et son intensité symbolique doivent être fortes pour les trois membres du groupe. On ne peut s'empêcher de penser au parcours de Jacques Pellarin entre les tournées du "Baïkal Duo", que Sylvie Jamet m'avait fait découvrir, et ce trio outre-atlantique.

http://www.chrisjazzcafe.com/

En explorant un peu plus les alentours de ce site, nous en découvrons un autre, ci-dessous, qui donne à voir et à écouter trois morceaux joués "live from Chris's Jazz Cafe" lors de cette session du 6 novembre :

- "Recuerdos de la Mancha"
- "Free Tango"
- "Blush"

Vidéos introduites par un paragraphe de quatre lignes situant le style du trio.

http://www.philly.com/philly/phrequency/genres/jazz/

Comment dire ? Ce courriel, plein d'amitié, ces nouvelles d'une tournée prometteuse, ce calendrier du Chris's Jazz Cafe et ces vidéos, tout cela nous met de bonne humeur. Encore une bonne journée ! Il nous reste à faire un voeu : que quelques organisateurs de concerts d'accordéon de notre grand sud-ouest - disons dans le triangle Bordeaux / Montpellier via Toulouse / Biarritz - ait connaissance de ces informations. Peut-être que la caution américaine pourrait les inciter à inviter le trio...

jeudi 20 novembre 2008

samedi 22 novembre - classer

Jeudi, jour anniversaire de Françoise, aller-retour Pau/Hossegor. Il fait froid. Le temps est incertain. A l'aller, durant tout le trajet sur l’autoroute, les Pyrénées sur notre gauche. « Hénaurmes ! ». Elles se dressent, sombres et inquiétantes dans la partie basse, mais la ligne des sommets est lumineuse et même éclatante. A peu près à mi-hauteur, une écharpe grise d’épaisseur variable : on imagine la beauté de la mer de nuages qui s’étend sur des dizaines de kilomètres.

Le but de notre aller-retour ? Récupérer un demi-jambon que « les petits » avaient acheté chez Oteiza à l’occasion de leur dernier week-end à la villa et qu’ils ont oublié sur le bar en partant. Heureusement que la ventilation conserve la villa bien sèche et qu’au frais le jambon ne risque pas de se gâter. Tout de même, il fallait bien se décider à aller le récupérer.

En cette mi-novembre, c’est le moment creux à Hossegor et nous savons qu’il nous sera difficile de trouver un restaurant où déjeuner. C’est pourquoi nous nous arrêtons, sur le coup de midi, chez « Kebab », à Saint-Vincent de Tyrosse. Nous n’avons jamais été déçus ; « les petits » et « les filles » adorent. Et la cuisine, et les coussins moelleux autour de tables rondes pour six convives. Manger et faire la sieste, c’est le régal de Charlotte et de Camille, qui retrouvent ainsi spontanément un art de vivre romain.

Avant de rejoindre la villa, nous passons par la place des Landais. Vide. En regardant bien, on peut voir deux surfers dans les vagues et un troisième qui se prépare à les rejoindre. Les rouleaux sont réguliers, sans malice, et de hauteur tout à fait raisonnable. Des traces de pneus indiquent que même en cette saison les engins d’entretien cherchent à domestiquer le sable. Travail de Sisyphe ! Quelle constance ne faut-il pas pour faire croire aux gens que la nature est naturelle ! Et, moins poétique, combien d’impôts locaux !

















Après avoir aéré la villa et récupéré le jambon des « petits », nous récupérons aussi deux dvds oubliés sur le poste de télévision, un coffret de quatre disques de Barbara intitulé « Le temps du lilas », où l’on peut entendre Joss Baselli et Roland Romanelli, qui l’accompagnent, et un livre sur la corrida que je relis chaque année au moment des fêtes de Dax : « Toreros » d’A. Lafront, critique taurin connu sous le nom de Paco Tolosa.

Dans cet ouvrage, A. Lafront explicite une classification des toreros, de leur style, en quatre grandes catégories :

- les scientifiques
- les artistes
- les belluaires
- les pathétiques

Grosso modo, les scientifiques sont ceux qui « savent » beaucoup. On pourrait les assimiler à des théoriciens ou du moins à des toreros qui abordent ce combat qu’est la corrida sous l’angle des règles de l’art. Règles qu’ils connaissent parfaitement. Parfois un peu froids, ils donnent une impression de maîtrise, comme si ce qui va se passer devait se dérouler nécessairement suivant le plan qu’ils ont conçu, comme si le toro était d’abord un problème à résoudre. Les artistes, a contrario, donnent l’impression de jouer avec leur tempérament et leur imagination. On parle à leur sujet de duende ou d’inspiration. A l’opposé du torero géomètre, le torero intuitif, imprévisible, capable de séduire par l’élégance, la pureté et souvent le rythme de son geste. Ils provoquent des émotions fragiles comme le frôlement d’un tissu de soie. Ils provoquent parfois la chair de poule chez les aficionados médusés par tant de beauté. Les belluaires aussi peuvent provoquer la chair de poule, mais ce n’est pas la même que celle des artistes. Alors que ceux-là arrivent à faire oublier les difficultés de l’art tauromachique et donnent une illusion de facilité, ceux-ci rappellent sans cesse la présence du danger et de la mort. Exhiber les risques est le ressort de leur art. Durant toutes leurs faenas, on a peur. On tremble de peur. Bien loin de la finesse des passes rusées des artistes, les belluaires recherchent la violence du combat au corps à corps. Quant aux pathétiques, ils jouent sur le pathos. Suivant l’expression populaire, « ils en rajoutent », « ils en font trop ». Ils cherchent l’émotion à tout prix : froideur du scientifique, oui… mais froideur excessive et sur-jouée ; délicatesse de l’artiste, oui… mais une délicatesse mièvre, qui se dégrade en préciosité et simple afféterie ; courage du belluaire, oui… mais un courage qui se confond avec les rodomontades d’un gladiateur décervelé.

En parcourant ce livre une nième fois, je me dis que cette classification pourrait bien s’appliquer, mutatis mutandis, aux accordéonistes. Il y aurait les scientifiques, dont la technique parfaite et le savoir musical transmettent une impression de maîtrise absolue. Toute interprétation est résolution de problème. On admire. Parfois, c’est un peu distancié, un peu froid, un peu prévisible. Il y aurait les artistes, qui à chaque nouveau concert éblouissent par leur inventivité. Il peut leur arriver de « se planter »… peu importe, ils savent susciter le plaisir esthétique. On les aime pour ça. Il y aurait les belluaires. On en trouve beaucoup dès que l’accordéon s’aventure dans le monde du rock. Pour eux, l’accordéon est un instrument qui se conduit comme un camion. Toujours au bord du précipice, ça passe ou ça casse. Et puis, il y aurait les pathétiques, ceux qui à proprement parler font du pathos, de l’excès de sensiblerie ou de sentimentalisme, leur fonds de commerce. Je pense à tous ces accordéonistes dont le sourire béat découvre des dents blanches impeccables. Dois-je l’avouer, ce ne sont pas ceux que je préfère. Il m'arrive de les trouver pathétiques en effet.







mercredi 19 novembre 2008

vendredi 21 novembre - alain bruel un marginal sécant

Il y a un peu plus d’un mois, je ne connaissais pas le nom d’Alain Bruel. Et puis, nous avons assisté au concert donné par le Jean-Marc Padovani Quartet à Toulouse, à l’hôtel du département, le 16 octobre à 22h30. Nous nous attendions à écouter Didier Ithursarry, mais c’était Alain Bruel qui officiait à l’accordéon. A l’issue du concert, nous avons acheté « De Nulle Part », disque de Jean-Marc Padovani et du quintet Chants du Monde, dont est membre Alain Bruel. Plus tard, à l’occasion d’une visite à la boutique Harmonia Mundi de Tarbes, nous avons découvert « Cantilènes », toujours avec Alain Bruel. D’écoute en écoute, nous commençons à saisir son style. Mais, et a priori cela nous surprend, nous retrouvons sa trace dans le disque « Orchestre National de Salilhe », dont il a fait onze arrangements sur treize morceaux.

Une visite au site de Jean-Marc Padovani nous confirme bien qu’Alain Bruel est membre de son quartet Chants du Monde :

http://www.jeanmarcpadovani.com/groupes.htm

Une visite à son site nous indique qu’il revendique deux constantes dans son travail : les musiques traditionnelles, en particulier d’Auvergne, et l’improvisation :

http://www.amta.com.fr/fr/musiciens/musicien.asp?codemusicien=50


En parcourant ces deux sites et en lisant les présentations des trois disques, l’idée me vient à propos de la situation d’Alain Bruel qu’on pourrait le définir comme étant en quelque sorte à l’intersection de deux directions : les musiques traditionnelles et l’improvisation. Cette idée d’intersection me parait en effet intuitivement donner du dynamisme à l’idée de constante. Sans pouvoir expliciter cette idée, je sens bien que la notion d’intersection s’impose à moi. A la réflexion, je crois comprendre pourquoi.

Dans leur ouvrage de sociologie, « L’acteur et le système », Michel Crozier et Erhard Friedberg définissent la notion de « marginal sécant ». Je les cite : « … [le marginal sécant est] un acteur qui est partie prenante dans plusieurs systèmes d’action en relation les uns avec les autres et qui peut, de ce fait, jouer le rôle indispensable d’intermédiaire et d’interprète entre des logiques d’action différentes, voire contradictoires. Le voyageur de commerce, avec son capital de relations extérieures, mais aussi l’ouvrier responsable syndical, dont le comportement peut être déterminant dans le déclenchement d’une grève, en sont des exemples parmi d’autres ». Ils ajoutent que cette position confère ipso facto au marginal sécant un pouvoir d’action considérable.

Un pied dans les musiques traditionnelles, un pied dans l’improvisation, la démarche d’Alain Bruel est bien celle d’un marginal sécant…

mardi 18 novembre 2008

jeudi 20 novembre - radiotree

J’avais découvert il y a quelques jours l’existence d’un disque, « Radiotree », par l’intermédiaire d’une chronique de Françoise Jallot dans le numéro 80, novembre 2008, de la revue « Accordéon & accordéonistes », page 66, rubrique « jazz & contemporain » :

- « Radiotree / Radio.String. Quartet. Vienna, Klaus Paier ». 2008 ACT Music. Distribution Harmonia Mundi.

Qui dit Harmonia Mundi, dit boutique de Tarbes, dit Bruno G. Il ne restait plus qu’à aller le chercher. Vendredi 17, après-midi.

C’est un disque magnifique, mais pour l’instant, après plusieurs écoutes, je me sens comme immergé et submergé sous des sensations multiples, et je n’arrive pas à me donner la distance de l’analyse pour les traduire en mots. Il faut dire que les dix morceaux manifestent à la fois une grande homogénéité et une grande diversité. Le paradoxe n’est qu’apparent. Diversité des inspirations et même des styles, unité dans le rapport entre les divers instruments.

Il s’agit donc d’un quartet de cordes : deux violons, un alto et un violoncelle auxquels se joint un accordéon ou un bandonéon joué par Klaus Paier. L’album comprend dix morceaux : six composés par Klaus Paier, trois par Joe Zawinul et un par Werner Pirchner. Les six morceaux composés par Klaus Paier sont présentés comme des pièces conçues pour un quintet, non pour un quartet plus accordéon.

Comme le note Françoise Jallot, on passe, en écoutant ce disque, du tango au jazz, de la musique classique, des accents baroques dirais-je, à une écriture franchement contemporaine. Mais tout cela, comme je le notais plus haut, garde une grande unité entre fluidité de masses sonores et stridences, entre sérénité et violence. Un très beau disque : un univers sonore singulier et attachant. Tellement singulier et attachant que, comme je le notais ci-dessus, je n’arrive pas à me donner, sinon un recul critique que je ne cherche pas, du moins la distance nécessaire à l’analyse de mes sensations et à l’explicitation du plaisir que j’éprouve. Mais, bon, pour l’instant je me sens assez bien à me laisser flotter au gré de mes impressions.

Pour information, les dix titres avec leur durée :

- 01 FlyUp, K. Paier, 3 : 43
- 02 Musical Journey In Three Movements, K. Paier, 7 : 05
- 03 In A Silent Way, J. Zawinul, arrangements J. Dickbauer, 4 : 05
- 04 Tarantella, K. Paier, 3 : 52
- 05 Cannonball, J. Zawinul, arr. B. Mallinger, 4 : 49
- 06 Humoreske, K. Paier, 2 : 58
- 07 Prelude & Circulo, K. Paier, 6 : 47
- 08 So The Story Runs, K. Paier, 4 : 33
- 09 Hosent’raga, W. Pirchner, arr. B. Mallinger, 6 : 17
- 10 A Remark You Made, J. Zawinul arr. K. Paier, 5 : 56

En cet instant, mes préférés sont “Musical Journey In Three Movements”, “Tarantella” et “Hosent’raga”, sans doute parce que je commence à les reconnaître et donc à pouvoir être plus attentif au jeu des musiciens et à la place de l'accordéon ou du bandonéon. En cet instant aussi il m’a semblé entendre ici ou là des échos de Piazzolla et un bandonéon qui m’évoque le jeu de Saluzzi.

.........

Chemin faisant, quelques amers pour essayer de s'orienter...

"FlyUp", où l'on saisit d'emblée qu'il s'agit d'une composition pour ce quintet et non pour un quartet + accordéon.
"Musical Journey In Three Movements", au-delà de Piazzolla et de la musique baroque.
"Cannonball", au-delà du monde des ballades irlandaises ou nordiques jusqu'aux limites de la dissonance sans jamais les franchir.
"Prelude & Circulo", encore Piazzolla...

mercredi 19 novembre - plaisir du texte

J’imagine que Françoise a été dans une vie antérieure ou sera dans une vie future… documentaliste. Elle a le don de mettre la main sur des documents de première importance, comme des dates de concerts, des comptes-rendus de tournées, des revues de presse, des interviews d’accordéonistes, des mises à jours de sites, toutes choses qui m’auraient échappé, occupé que je suis à chercher des disques. C’est une manière entre nous de se répartir les tâches. Bref, ce matin, au petit déjeuner, pendant que le thé infuse, que le café percole (ça se dit ?) et que le pain grille, elle me dit : « Hier soir, j’ai visité le site de Beltuner, ils te citent ; ça te fait plaisir ? »
Moi : « Oui ! ». Faussement détaché. Elle ajoute : « J’ai noté aussi un texte qui devrait t’intéresser et te plaire ; tu devrais aller y jeter un coup d’œil, je t’ai envoyé le lien avec confirmation de réception ». Merveille de l’internet : nos bureaux se font face, bord à bord, mais on communique par un espace virtuel. Moi : « Je vais voir ça tout de suite ». Elle : « Prends au moins le temps de boire ton thé »… Etc… etc… En fait, elle est bien contente que je manifeste un tel intérêt pour son conseil, toutes affaires cessantes. Voyons ça !

http://www.pulsations.fr/beltuner/dossiers/BELTUNER%20-%20revue%20de%20presse.pdf

http://swingjo.apinc.org/articles.php?id=58

Bref, le conseil était en effet de premier ordre. Un texte, signé Amati, implanté sur « SwingJo » et, de fil en aiguille, un autre, du même, sur un concert de Galliano et Tangaria. Le style est remarquable et la pertinence des informations ne l’est pas moins. Une manière de parler de la musique vivante et particulièrement de l’accordéon comme on en rêve. Outre la qualité de la langue et la pertinence dont je viens de parler, ce qui m’a le plus frappé, c’est le point de vue proposé. J’ai pensé à des photographies comme celles de Cartier-Bresson, que j’admire sans réserve. Une manière non pas de décrire la réalité, de vouloir l'imiter, ou de chercher à l’expliquer, de vouloir en rendre raison, mais une manière de la dévoiler, d’en dégager les lignes de force pas forcément perceptibles pour l’observateur lambda. Une manière de saisir les instants décisifs et de leur donner forme, de les mettre en forme. Une manière d'évidence construite.

Mais ce dévoilement va au-delà du compte-rendu. Il est aussi une manière de donner un cadre pour percevoir et pour écouter en général. C’est ainsi que je viens d’écouter « Richard Galliano & Tangaria Quartet » et « Luz Negra », et que ce faisant j’ai pu me remémorer les concerts de Marciac et du New Morning. Eh bien, ce texte les a en quelque sorte éclairés d’un jour nouveau.

En l’occurrence, le plaisir du texte est en même temps le plaisir d’apprendre à mieux écouter. La mise en texte d'un moment particulier fonctionne comme une mise en forme générale de la perception, mais comme une mise en forme qui n'a rien d'abstrait, ni de théorique, puisqu'elle fonctionne sur un concert particulier.

Bientôt, il sera temps de penser au déjeuner. Peut-être que Françoise va me dire qu’elle m’a mitonné un autre message du même tonneau…

dimanche 16 novembre 2008

mardi 18 novembre - orchestre national de salilhes

J’avais découvert l’orchestre national de Salilhes par une chronique de Françoise Jallot dans le numéro 80 de la revue « Accordéon & accordéonistes », page 66, rubrique « Jazz & trad’. ». Le texte m’avait paru suffisamment attrayant et intriguant pour que j’aie envie d’écouter son disque. Courriel, commande, chèque, réception par retour du courrier. Une affaire qui tourne.

Dans la mesure où j’avais lu la chronique de F. Jallot sur ce disque, je n’ai pas été surpris à proprement parler. J’étais prévenu. Je savais qu’il serait question de la rencontre improbable de la cabrette et d’improvisations à la manière jazzy. Je me disais que ça devait être un peu allumé vu l’effet produit sur le commentaire de la chroniqueuse, commentaire hyper-lyrique et hyper-enthousiaste. Eh bien, je n’ai pas été déçu. Au point où j’en suis de mon écoute, je perçois cet album comme composé de deux parties : les six premiers morceaux, un intermède joué à la cabrette solo (J.-C. Rocher), les six derniers morceaux (que l'on pourrait subdiviser encore en quatre, un air à la cabrette solo par I. Kernéis et un dernier inspiré par le répertoire d'un accordéoniste chromatique).

Notons, avant d'entrer dans le détail, que l’orchestre est composé de sept instruments : banjo, batterie, cabrette (deux musiciens se partagent les treize titres), saxophone ténor, saxophone baryton, accordéon diatonique et trompette.

Les six premiers morceaux m’ont semblé grosso modo construits sur un même format : introduction par la cabrette, classique et traditionnelle, puis intervention des cuivres, improvisations plus ou moins délirantes. Le banjo, l’accordéon et la batterie maintiennent le cap de la danse. Chaque titre est scrupuleusement référencé. Par exemple, « 4. La bourrée de Gustave Ythier, issue du répertoire d’un forgeron violoneux du Falgoux, Cantal (03;43) ». C’est dire le souci de l’orchestre de s’ancrer, de s’enraciner dans une tradition locale. Mais la liberté des arrangements et des improvisations dit assez aussi que cette tradition est vivante en ce qu’elle donne lieu à un jeu libre et créatif. Les six derniers morceaux sont situés comme inspirés par des morceaux entendus sur des 78 tours de la collection « Le soleil » de Martin Cayla. Je les ai trouvés attachants, fidèles à une tradition sentimentale et nostalgique. On y trouve une scottish, deux valses, une mazurka et deux bourrées. Le dernier cependant boucle le cd sur une tonalité très jazzy.

A l’heure actuelle, mais je sens bien que mes goûts varieront avec le temps, je suis particulièrement touché par trois morceaux de la première partie : rencontre de la tradition et de l’esprit du jazz, « La bourrée de Gustave Ythier », « Mazurka du lanternaïre » et « La borrèla en Auvernhe ».

En écoutant ces trois morceaux, par une association d’idées dont les ressorts m’échappent, je pense au « petit chaperon rouge ». Bon, ça demande un peu d’explication, j’en conviens. Dans ce conte, la mère du « petit chaperon rouge » lui dit qu’il faut aller droit son chemin, ne pas s’en éloigner ni battre la campagne. Il faut être sage pour échapper aux dangers du monde. Tout cela, « le petit chaperon rouge » le sait bien. Elle sait bien que sa mère a raison. Mais son inconscient lui dit aussi que si elle ne désobéit pas, elle n’apprendra rien. Elle sait bien qu’il est risqué de rencontrer le loup, mais qu’il serait encore plus dramatique de ne pas le faire. Elle sait bien que sa mère grand a vécu son temps et, quel que soit l’amour qu’elle lui porte, elle a conscience qu’une génération chasse l’autre, que le monde ne peut pas rester en l’état et qu’il faut s’égarer un peu en chemin pour mieux le connaître et en faire un lieu privilégié d’expériences et d’apprentissages. De même, les musiciens de l’orchestre national de Salilhe savent bien que pour découvrir du nouveau, pour inventer de l’inouï, il faut sortir des sentiers battus. Mais ne pas faire n’importe quoi pour autant. La cabrette donne la direction ; le banjo, la batterie et l’accordéon balisent le droit chemin, mais les deux saxophones et la trompette marchent dans l’herbe haute des talus, s’égarent pour aller cueillir quelques fleurs et peut-être des champignons bariolés, font semblant de faire les fous, semblant seulement, car ils savent bien comment retrouver leur route.

Bref, un disque réjouissant, qui respire l’intelligence et l’humour, qui est comme la traduction en acte d’une culture musicale profonde, située (bourrée), et étendue (improvisations des cu-ivres).

samedi 15 novembre 2008

lundi 17 novembre - harmonia mundi et l'ons

Vendredi après-midi, le temps est frais, le ciel est immense. Pas un nuage. Le soleil est comme découpé au scalpel sur cette immensité. La lumière est si intense qu'elle fait mal aux yeux. Nous roulons vers Tarbes par la route (pour cause d'indigestion d'autoroute), où un disque nous attend à la boutique "Harmonia Mundi". Tarbes est plein est par rapport à Pau. Environ 40 kilomètres. Les Pyrénées se dressent sur notre droite comme une barrière éclatante. Leur blancheur acide fait aussi mal aux yeux. La neige est basse, c'est pourquoi l'air est vif et pique un peu. Le Pic du Midi de Bigorre domine toute la chaîne. Son sommet brille comme de l'argent.

Boutique "Harmonia Mundi". Le disque que j'avais commandé à la suite de la lecture d'une chronique dans le dernier "Accordéon & accordéonistes" est arrivé ce matin. Il s'agit de "Radio.String.Quartet.Vienna, Radiotree, Klaus Paier (accordéon, bandonéon)", ACT. 2008. Bruno, le responsable du magasin, ne connait pas ce disque. Nous nous gardons bien de l'écouter sur place. Nous préférons en garder la primeur pour une première écoute à la maison. Nous discutons un moment de tout et de rien. A bâtons rompus. On en vient à parler d'harmonica, ce qui nous incite à acheter le dernier album de J.-J. Milteau. L'harmonica n'est-il pas cousin de l'accordéon ? Chemin faisant, Bruno nous rappelle que pour les cinquante ans d'Harmonia Mundi, le troisième cd est offert pour l'achat de deux. C'est ainsi que nous nous laissons tenter par " Cantilènes" de Jean-Marc Padovani avec Alain Bruel à l'accordéon. Un disque Soleart de 2005. Et puis, en fin de compte, Bruno nous offre un quatrième disque pour notre fidélité. Que choisir ? Je tombe sur un disque d'Alfredo Marcucci au bandonéon avec le Philarmonische Cellisten, six violoncelles, et une contrebasse. Orfeo 2000. "Piazzolla - Tschaikowsky, Jahreszeiten".

Après avoir bu un chocolat, retour à Pau. Les Pyrénées sur notre gauche. Un voile de nuages sombre plane au-dessus des sommets sans les cacher. A l'horizon, le ciel est rouge comme si un vaste incendie dévastait "l'outre-monts". Nous hésitons, puis nous décidons de ne pas commencer à écouter en voiture l'un de ces disques, malgré notre envie.

Samedi matin, petit déjeuner de découverte. Thé "Métis", lait, pain grillé et aucun projet de courses ou autre obligation. Une longue matinée pyjama / accordéon s'annonce. Vers 10h30, un coup de sonnette. La factrice (facteure ? facteuresse ? préposée à la distribution du courrier postal ?), bref une gentille jeune personne habillée de bleu et jaune et munie d'un vélo conforme aux exigences de son service, donc une jeune fille sympathique me remet un colis, que je n'attendais pas si tôt. Heureuse surprise ! "Orchestre National de Salilhes". Arrangements musicaux écrits par Alain Bruel. AVEC Production. Enregistrements à l'auditorium de Saint-Céré (Lot) le 23.07.2004 et le 13.03.2005, et le 04.12.2004 au Celtic Tavern à Aurillac (Cantal).
















Evidemment, on est un peu débordé par cette abondance. On commence par une écoute en diagonale, en picorant deci-delà. On voudrait tout écouter en même temps. on ne sait plus où donner des oreilles. Mais, bon, il est temps, presque 13 heures, d'aller se doucher, de ranger les reliefs du petit déjeuner et de penser à préparer le déjeuner...









dimanche 16 novembre - sound painting

A l’occasion d’un échange de courriels avec Florian Demonsant, accordéoniste, membre de la « Fanfare P4 », de « Pulcinella » et du « Grand Toz » entre autres, je viens de découvrir ce qu’est le « sound painting », dont j’ignorais jusqu’ici et la notion et la pratique. Il m’informe en particulier d’un « sound painting » au Mandala, à Toulouse, le 17 décembre, donné par le « Grand Toz ». Site de cette formation ci-dessous.

http://profile.myspace.com/index.cfm?fuseaction=user.viewprofile&friendid=264448152

Dans le même message, j’apprends que « Pulcinella » animera une initiation au « sound painting » à Orthez du 14 au 16 mars. Mais d’ores et déjà, sans plus attendre, j’ai pu trouver des informations sur Wikipedia…

http://fr.wikipedia.org/wiki/Soundpainting

et sur YouTube :

http://www.youtube.com/watch?v=kGsaWJXkYWU&feature=related

http://www.youtube.com/watch?v=HFO0A0aCjX0&feature=related

A la lumière de ces connaissances, je me dis que, sans le savoir, le vendredi 7, vers 22h10, dans la halle aux grains de Bagnères, j’ai assisté à un moment de « sound painting ». Je me rappelle que cela m’avait plu. J’avais bien saisi le rôle de chef d’orchestre joué par l’un des membres et j’avais bien aimé la relation entre les quatre « collègues » : réactivité et inventivité. Mais évidemment il m’avait manqué les intentions, le projet.




Maintenant, j'ai bien envie d'en savoir plus et surtout d'en entendre/voir plus...



jeudi 13 novembre 2008

samedi 15 novembre - gotan project live

Jeudi après-midi. Après une visite à ma mère à Nay et un détour par Baliros, où réside mon père, retour à Pau où je rejoins Françoise à l'hypermarché au rayon des fromages. Deux faits m'intriguent : il n'est question que de crise et sans doute est-elle durement éprouvée par beaucoup de gens, mais j'observe que le parking de la grande surface est toujours quasiment plein et que les attentes aux caisses sont longues. Longues car les caddies débordent. Le rayon des laitages ressemble à un étalage de Corée du Nord ou d'Albanie. Peu de produits, mais de nombreuses affichettes annonçant que les produits de grandes marques ont été retirés de la vente, sous-entendu à la suite d'une intervention de paysans et d'éleveurs excédés par les écarts entre les prix d'achat qui leur sont donnés et les prix de vente en magasin.

Après avoir rangé dans la voiture les sacs, biodégradables forcément, fournis par l'hypermarché, une pause à Théoucafé : un thé rouge "Métis" et un chocolat. Après... un détour par l'espace culturel. Tout de suite, en tête de gondole, une couverture rose, rose foncé, sur laquelle figure une photographie d'une rose, rose clair. Un peu kitsch. "Gotan Project Live". Il s'agit de deux cds :"deux tournées, deux albums pour un nouveau tango".

- "la revancha del tango tour". Enregistrement au Forum, à Londres, en décembre 2003
- "lunatico tour". Enregistrement au Festineuch, à Neuchâtel, en juin 2007.

Nous connaissions les albums, mais il s'agit bien ici de versions inédites et exclusives. Il faudra cependant les écouter dans d'autres conditions qu'au bureau. Il me semble en effet que ces morceaux live doivent être écoutés avec une puissance sonore élevée, sinon les plans sonores se confondent et manquent de relief ou de profondeur. Un essai avec le lecteur du séjour a commencé à me convaincre que cette musique exigeait des conditions techniques de restitution particulières. Parmi ces conditions, l'absence d'un voisinage immédiat.

vendredi 14 novembre - jacques pellarin aux states

... reçu un courriel de Jacques Pellarin et de son trio. Des échos excellents de sa tournée à Philadelphie [cf. dimanche 26 octobre] et des photos. J'en retiens deux. "Chris' Jazz Cafe"... Sans commentaires. Tout me porte à croire que l'aventure ne fait que commencer.



En tout cas, Françoise et moi, nous sommes drôlement contents. Après l'Est (Baïkal Duo), une autre aventure à l'Ouest !
Sur le site de Jacques Pellarin, on a le plaisir d'écouter quinze extraits, dont dix sont de nouvelles compositions. On sent qu'une prochaine galette se prépare.

mercredi 12 novembre 2008

jeudi 13 novembre - apprendre à parler

Après plusieurs mois de travail, Françoise vient de mettre en ligne, ce matin, un fonds de fiches d’activités à l’école maternelle, activités où, chemin faisant, on apprend aussi à parler. A parler en situation. Bientôt, ce premier jeu de fiches destinées aux enseignants sera suivi d’un « petit ouvroir de grammaire ».

On arrive donc au terme de plusieurs mois de travail. Ce temps, qui peut paraître long, a été nécessaire pour mettre au point et en forme ce jeu de fiches. Il est à la mode aujourd’hui de parler à tout propos de pédagogie. Dois-je l’avouer, son usage par les hommes politiques et par les journalistes et autres communicants a pour effet de me mettre en colère, tant dans leur bouche et dans leur tête le sens de cette notion est dévoyé. La pédagogie se confond en effet pour eux avec un discours destiné à convaincre leurs auditeurs, considérés comme des crétins, qu’ils sont vraiment crétins et qu’il est temps de faire confiance absolue aux élites qui pensent bien. Et donc, pour ce faire, ils sont priés de mettre leur esprit critique entre parenthèses ou mieux encore d’oublier qu’ils ont le pouvoir légitime d’en faire usage.

Si l’on veut savoir ce qu’est un parcours d’apprentissage, un chemin pédagogique, on peut se reporter à ce jeu de fiches que j’évoquais en introduction. Jeu de fiches que Françoise s’est résolue à mettre en ligne après avoir fait l’expérience de la pusillanimité des responsables éditoriaux de l’éducation nationale. Tous ont reconnu, de trimestre en trimestre, la qualité de ce travail, son ancrage théorique et expérientiel, mais au moment d’éditer il fallait toujours attendre la sortie des nouveaux programmes, attendus le trimestre suivant. Plus on monte dans la hiérarchie de cette noble et vieille institution, plus on monte dans l’échelle de pusillanimité : surtout ne pas prendre ni initiative ni risque pour garder son poste et sa place. On comprend ainsi, à la lumière de ce principe d’action, d’inaction, devrais-je dire, pourquoi le mammouth parait tellement ankylosé. Fort heureusement, sur le terrain, comme on dit dans les bureaux ministériels, il y a des gens, des acteurs, qui font leur boulot jour après jour et j’ai bon espoir qu’ils trouveront dans le travail de Françoise une aide pertinente et efficace. Modeste, mais effective. Exactement ce qui suscite chez moi un sentiment d’admiration. La pédagogie comme un chemin que l’on trace en marchant…

http://pagesperso-orange.fr/f.et.m.rebinguet/

Quel rapport, me direz-vous, avec l’accordéon ? Eh bien, justement, ce travail de conception, d’élaboration et de mise en forme des fiches, que j’évoquais plus haut, s’est réalisé suivant un mouvement que l’on peut assimiler à celui d’un accordéon avec ses alternances d’ouverture et de fermeture, de respiration et d’inspiration. Et s’il fallait compléter cette image, je dirais que le comportement des responsables éditoriaux évoqués ci-dessus m’a souvent donné des boutons…

mardi 11 novembre 2008

mercredi 12 novembre - en piste !

Mardi. Pas un bruit dans le quartier. Pas le moindre écho, même lointain, d’une circulation. Quand le ciel bas et lourd pèse comme un couvercle... Ce matin, je suis allé faire quelques achats à l’hypermarché. Il y avait un peu d’animation. J’ai observé que beaucoup de couples emportaient des pots de chrysanthèmes, sans doute bradés. En parcourant les rayons de l’espace culturel, je me suis laissé tenter par un double cd de « Gotan Project ». Le titre « Gotan Project Live ».

Françoise est à Toulouse. Elle joue le rôle de Mamou auprès de Charlotte et Camille. Elle joue aussi le rôle de cuisinière pour "les petits", qui aiment bien ses soupes, ses rôtis et ses pommes de terre au four. S’il lui reste un peu de temps, elle s’occupe du linge, de le trier, de le laver et sécher en machine, de le repasser et ranger à la main. En allant chercher les filles à l’école, il lui arrive aussi de faire quelques courses. C’est pourquoi elle n’oublie jamais de se faire accompagner de son caddy. Il faut dire que « les petits » sont en manque de femme de ménage et que, semble-t-il, en trouver une soit chose fort difficile de nos jours.

Comme diverses contraintes m’ont retenu à Pau, nous nous téléphonons plusieurs fois par jour, mais il me reste beaucoup de temps pour écouter depuis ce matin le cd « En piste ! » de « Pulcinella ». Il s’agit de cinq titres enregistrés en public. La prise de son m'a surpris par sa qualité.

- 1. « El Matador » et 3. « Requiem » enregistrés à Bidache le 17.02.07
- 2. « Haletant et court » et 5. « Funghi » enregistrés à Daumazan le 21.04.07
- 4 « Le déhanchement de la danse des gobelins » enregistré lors du festival Toulouse d’été le 02.08.06.

Je sens que ce disque va tourner en boucle jusqu’à ce soir, où j’irai chercher Françoise à la gare. Elle rentre par un train régional. On peut donc espérer moins d’une heure de retard. S’il s’était agi d’un TGV, il aurait fallu tabler sur plusieurs heures, sauf coup de chance improbable.

J’ai plaisir à écouter ces cinq titres, avec une préférence pour « El Matador » et pour « Le déhanchement de la danse des gobelins ». J’ai plaisir à les recopier. C’est ma manière de me les approprier. En tout cas, ils me semblent bien caractéristiques, voire emblématiques, du style du quartet. Disons, mais j’aurais du mal à analyser cette impression, que j’entends vraiment un ensemble, pas une collection d’instrumentistes. Et puis toujours présent, latent mais à fleur de peau, l’humour… Je note que les cinq titres ont été enregistrés en public dans trois lieux différents. Il s’agit bien de jazz délocalisé.

« Il est passé par ici, il repassera par là… il court, il court…»

lundi 10 novembre 2008

mardi 11 novembre - pulcinella jazz a-topique

Lundi. Je suis allé chercher mon père à Baliros pour l'accompagner à la clinique M., à Pau, où il devait passer des examens post-opératoires au cours de la matinée. La température extérieure est de 5°. Nous sommes de retour à 11h30. Son impatience entre les visites m'agace, m'irrite et, pour tout dire, est épuisante. L'impatience et la fébrilité des hyper-vieux est une observation banale, qui me surprend toujours. Entre midi et 13 heures, je déjeune à Nay, où ma mère réside dans une maison de retraite. Le marché, qui occupe tout le pourtour de la mairie, est débordant d'activités. Des fruits, des légumes, des fromages, des vêtements, ds bijoux fantaisie. Il y a une trentaine d'année, j'avais acheté à cet endroit même une veste noire en moleskine de paysan. Fort cher. Mais, aujourd'hui encore elle n'est pas usée. Comme j'ai pris sinon du poids du moins un peu d'épaisseur due à l'âge, c'est Françoise qui la porte. Je suis attaché à ce vêtement increvable et finalement assez snob tant il est décalé et hors d'âge. En parcourant le marché, j'ai la surprise de voir qu'un camion de vêtements porte le même nom que celui où, trente ans plus tôt... C'est le fils de mon vendeur qui a repris la boutique ambulante. Un jour ici, un jour là, sans point fixe. Presqu'un don d'ubiquité. Nous discutons un peu. Il me dit que ce type de veste n'existe plus. Ce serait invendable à cause du prix. Je me rappelle alors l'étiquette, cousue sur la poche intérieure gauche, du côté du coeur. Lettres rouges sur fond blanc : "Au fusil". Peu après 13h30, je rends visite à ma mère pour lui porter de l'eau de Cologne, un tube de dentifrice, une savonnette, de la poudre (parce que son nez brille après la toilette), de la crème hydratante pour le visage. J'arrive à la fin du repas. Il fait chaud. La température extérieure est de 22°, le soleil tape fort sur les vitres des chambres et de la salle à manger. Il y a une atmosphère à couper au couteau. On pourrait dire qu'il y a de l'électricité dans l'air. C'est le moment, juste après le repas, où les aides-soignants doivent remettre les lieux propres et accompagner les résidents aux toilettes. La tension est palpable. J'aide ma mère, clouée dans un fauteuil roulant, handicapée par de l'arthrose, à ranger son cabinet de toilette, à trouver une place pour chacune des choses que je viens de lui apporter. Mais je sens bien qu'elle n'a plus de lieu personnel. Elle pour ainsi dire à la fois vissée sur son fauteuil et déplacée, tant il est certain - et elle le sait - qu'elle ne reviendra plus jamais à Baliros, dans sa villa. Chez elle.

De retour chez moi, j'ai un coup de pompe carabiné. Il me faut trouver une source d'énergie sans délai. Dans un premier temps, un café fort ! Et puis, écouter les deux disques de "Pulcinella" que nous avons ramenés de Bagnères de Bigorre. Le remède est souverain. C'est comme si je m'étais immergé dans une source de jouvence. Sur son site, le quartet se définit comme une formation de jazz délocalisé, ce que j'interprète comme l'expression d'une volonté de ne pas s'enfermer dans des formes fixes, comme l'intention de jouer en toute occasion les passe-murailles, comme une manière de se dire nomades et de le revendiquer.

Tout en écoutant "Vie et mort du platane de Prugnanes", "Je suis dans la dèche", "Sale gosse" ou "Hippocampéléphantocamélos", qui évoque un être fantastique, composite, hybride, à l'image du style du quartet, et bien d'autres titres encore, un mot me vient à l'esprit : "a-topique". C'est cela, une musique a-topique. Une musique qui n'a pas de lieu, qui ne veut pas s'enfermer en un seul lieu, en un lieu unique. Une musique à géomètrie variable. Curieusement, je pense au marchand forain, ici ou là, ici et là. S'il a un lieu, c'est, comme son nom, forain, l'indique, un lieu hors les murs, hors le centre ville. Je pense aussi à ma mère, dépourvue de lieu, âme errante, ailleurs entre quatre murs.

"A-topie", fil rouge de ce lundi, veille de 11 novembre. Je n'ai jamais compris pourquoi cet adjectif d'origine grecque signifiant l'absence ou la privation de lieu défini, et pourquoi pas l'ubiquité aussi, pourquoi donc cet adjectif avait été supplanté par "U-topie" dans notre langage courant ? Pourquoi Thomas Morus a-t-il choisi ou-topon pour titrer son oeuvre et non a-topon ? D'autant plus que le mot ou-topon n'existe pas en grec, alors qu'a-topia et a-topos existent,qui signifient "qui n'est pas en son lieu ou place, donc extraordinaire, étrange, insolite et aussi extravagant, absurde, insensé". Peu importe. Il reste que cette idée que "Pulcinella", qui se présente comme du jazz délocalisé, est bien une musique non localisable, a-topique, et une musique u-topique, imaginaire. Une musique sans local. A ciel ouvert. A l'air libre. Nomade. Extravagante, c'est-à-dire vagabonde, qui se déplace sur des chemins qui ne sont pas ceux du sens commun. Une musique à sens multiples.

Il est temps de penser à aller casser une petite croûte. Le lecteur et les disques sont chauds. Le soir semble ne pas vouloir s'éteindre. Pour garder une image visuelle de "Pulcinella", je choisis ces deux photographies dont je force les contrastes pour les rendre moins réalistes, plus imaginaires.




dimanche 9 novembre 2008

lundi 10 novembre - photonotes : pulcinella et florian demonsant

Après quelques hésitations, j'ai retenu ces dix photonotes parce qu'elles traduisent assez fidèlement les impressions que j'ai éprouvées au cours du concert de "Pulcinella" à la Halle aux grains de Bagnères de Bigorre, un soir de novembre. Impressions que j'ai éprouvées et que par l'intermédiaire de ces quelques images je voudrais conserver en mémoire. Comme des traces rassemblées dans une boite virtuelle à souvenirs.

21:22. Le quartet commence à "monter" son monde comme des maçons montent les murs d'une habitation rêvée par un architecte-poète. Ils ont un plan, mais ils le respectent à leur guise, sans s'interdire d'improviser un peu.


21:25. Tout est en place. La flûte traversière a remplacé le saxophone, je devrais dire l'un des saxophones. Ce n'est que l'un des premiers changements à vue...


21:34. Le métallophone a remplacé saxos et flûte. Frdinand Doumerc se déplace ici ou là comme un ludion faussement imprévisible. Les autres sont comme les piliers sur lesquels il peut s'appuyer en toute confiance. On a affaire à un univers qui oscille entre le vacarme des rues de New-York, les grands espaces du Far-West et les cris d'animaux dans une forêt tropicale. Un cheval fou dans Manhattan !


21:37. Ces deux images traduisent assez bien la posture de Florian, l'accordéoniste. Grand, attentif à ses collègues.

21:38.





21:50. Cette photographie traduit bien cette impression de vide entre la scène et le premier rang : comme une étendue d'eau calme et profonde. Intervalle que le quartet a su peupler de ses fantasmes, de ses histoires et de ses rêveries. Intervalle, espace transitionnel, où l'auditeur a tout loisir de projeter ses propres images mentales, ses rêves éveillés.






22:10. Le saxophoniste-flûtiste-métallophoniste se mue en chef d'orchestre. Dialogue avec les trois autres membres du quartet ; dialogue qui prend la salle à témoin. Dialogue avec la salle.






22:16. Chorégraphie du quarte : deux duos. Avant-scène et arrière-plan. L'espace transitionnel est investi par la musique.


22:17. Un monde, celui de "Pulcinella", est là, avec évidence. On a traversé, de l'autre côté de cette sorte de miroir d'abord dressé entre le quartet et le public. De l'autre côté, c'est du jazz. Un jazz, ce qui n'est pas toujours le cas, que j'aime : une ligne claire et lisible, des variations et des improvisations qui ne s'égarent jamais, mais qui explorent les alentours au risque d'en extraire des trouvailles surprenantes.



22:29. Pour terminer, une dernière image de Florian : bien campé sur ses jambes interminables, tourné vers ses collègues, dans un cercle de lumière crue. Comme l'artiste au milieu du rond du cirque.