dimanche 28 décembre 2008

mardi 30 décembre - just married

En parcourant le site de Bruno Maurice à la recherche de dates de concerts qu'il aurait pu donner à une distance raisonnable de notre ville de Pau, nous sommes tombés, Françoise et moi, sur un lien vers le site du trio Miyazaki. On y trouve une présentation fort intéressante par Mieko Miyazaki elle-même de sa biographie, de ses créations et de ses projets, notamment avec le trio. Mais on y trouve aussi, sous le titre "just married" un document vidéo qui vaut son pesant de sushis et autres sashimis.

En tout cas, un document, plein de chaleur et de pudeur, qui suscite l'émotion et la sympathie.

http://www.triomiyazaki.com/

lundi 29 décembre - galliano b.j.o. ten years ago

Même si j’ai pu me ménager quelques moments pour écouter les dix titres, la période de l’entre-réveillons n’est guère propice à une appréhension attentive de cet album. Une impression pourtant s’impose à moi (punctum), la qualité de la rencontre entre le Victoria de Galliano, solo, l’orchestre en tant qu’entité (big band) et différents solistes (saxophone soprano, saxophone alto, saxophone ténor, saxophone baryton, trombone, trompette). Mais je sens bien qu’il me faudra pouvoir m’immerger dans cette musique pour en éprouver tout le plaisir qu’elle recèle.



Pour l’instant, j’accompagne mon écoute de la lecture de différentes informations (studium). Par exemple, et sans ordre d’importance : toutes les compositions sont de Richard Galliano, sauf « Michelangelo 70 » de Piazzolla. Parmi ces compositions, l’une m’était inconnue, « Rue de Maubeuge ». Le disque comporte la mention suivante « recorded, editing and mixing at the VRT (Flemish Radio and Television) Studio Toots in Brussels on April 21, 22 and 23 2008 ». Un temps très court pour réaliser l’ensemble de ces opérations, et qui semble correspondre à une stratégie déterminée de la part de Richard Galliano. Je note que cinq arrangements ont été faits par Bert Joris, cinq par Richard Galliano, lui-même. Le rédacteur de la présentation dit que l’approche des deux arrangeurs lui parait très différente. Celle de Galliano serait celle d’un accordéoniste qui hausse sa musique aux proportions d’un big band, alors que celle de Bert Joris lui parait prendre le point de vue du big band, créant un contexte particulier pour l’accordéon… Je me propose d’être attentif à cette distinction que je n’ai pas perçue en premières écoutes. Je note également que le Brussels Jazz Orchestra est composé, dans cette configuration, de quinze musiciens. Cinq dans la catégorie «woodwinds » : saxophones alto et soprano, flûte ; saxophones alto et soprano, clarinette, flûte ; saxophone ténor, flûte, clarinette ; saxophone ténor, clarinette ; saxophone baryton, clarinette. Quatre dans la catégorie « trumpets and flugelhorn ». Quatre dans la catégorie « trombones ». Une contrebasse. Une batterie. En consultant le site du B.J.O., il m’a semblé voir qu’en configuration habituelle, l’orchestre comprend seize membres. Ce seizième membre est la pianiste. La seule femme. Absente de cet album.



J’ai remarqué que cet album a pour titre « Ten Years Ago », du nom de l’un des morceaux qui avait été destiné à Barbara. Mais Barbara est morte avant d’en avoir fait une chanson. L’enregistrement lui est dédié. D’autre part, le livret de présentation donne, en dernière de couverture, le texte manuscrit du magnifique poème d’Apollinaire (orthographié ici Appolinaire), « Le pont Mirabeau ». Et Galliano de nous prévenir : « Tous les titres, dans ce disque, évoquent des moments forts de ma vie… Le poème d’Appolinaire (sic) illustre pleinement mon sentiment et l’atmosphère de cet album ». Est-ce un effet de l’âge de Richard Galliano, mais il me semble de plus en plus attaché à l’évocation de son passé, soucieux d’en garder traces, et en même temps à celle de l’amour (pensons à « L’hymne à l’amour » ou à « Love Day » ou encore à « Que reste-t-il de nos amours ? » in « Mare Nostrum"). Il ne s’agit pas de bilan d’une vie, loin de là, car la notion de bilan connote le calcul, mais, me semble-t-il, d’un travail de synthèse, comme s’il s’agissait de mettre ensemble des moments intenses, de leur donner forme pour leur donner sens. Comme une relecture d’un parcours foisonnant, lecture / écriture d’un même élan et dans un même projet. Avec, si l’on considère le temps très court, exceptionnellement court, de production de ses derniers disques, cette impression que Richard Galliano est dans l’urgence. Comme si le temps lui paraissait compté.



« Passent les jours et passent les semaines / Ni temps passé / Ni les amours reviennent », mais aussi, et ce n’est pas contradictoire : « Vienne la nuit sonne l’heure / Les jours s’en vont je demeure ». Et, je l’avoue, cette tension entre le temps irréversible, cette fuite irrémédiable des instants, d’une part, et la construction d’une identité, d’un parcours, d’une permanence, et donc d’un sens qui n’est jamais simplement donné, d’autre part, cette tension me touche beaucoup (punctum). A bien des égards, je puis même dire qu'elle "informe" mon écoute.





dimanche 28 décembre - de l'utilité d'être superstitieux

J'ai raconté hier comment vendredi soir, las d'attendre en vain le disque "Richard Galliano, Brussels Jazz Orchestra ; Ten Years Ago", expédié de Belgique depuis le 4 de ce mois, j'avais décidé de le télécharger par Virgin. Cette décision avait en fait une double motivation : d'une part, comme je l'ai dit, pouvoir écouter les titres de cet album, faute de mieux, d'autre part, déclencher l'arrivée du colis attendu en faisant ce téléchargement. Cette seconde motivation étant déterminée par la pure superstition. C'est qu'en effet autant je suis convaincu qu'une attitude superstitieuse n'est pas soutenable en toute rationalité, autant je crois qu'elle est assez raisonnable en bien des circonstances. Je pense que des causes objectives sont bien à l'origine du retard de la distribution du disque en question et qu'il faudrait agir sur ces causes pour y remédier, mais en l'absence d'une connaissance de ces causes, je m'en remets à une attitude magique avec le secret espoir que ce sera efficace. Me voilà donc en ce vendredi soir muni d'une version téléchargée de ce disque désiré, version bien réelle, et quasi convaincu d'avoir fait la bonne opération magique pour le recevoir enfin dans toute sa matérialité.

Mais, samedi, une autre occupation nous appelle à Hossegor. "Les petits" ont projeté en effet de passer les jours précédant le réveillon du 31 et de le fêter dans la villa. Pas question de les laisser arriver dans une villa vide et glaciale. Quand nous arrivons sur place, le thermomètre affiche 6°. Quand nous repartons en fin d'après-midi, les convecteurs ont commencé à faire leur office : 14°. Et le réfrigérateur est plein de bonnes choses. Finalement, ce soir, dimanche, à leur arrivée, la température est montée à 18°. Je me dis que tout ça n'est pas très écologique, des convecteurs qui chauffent pendant vingt-quatre heures pour préparer l'arrivée des "petits". Mais bon, c'est aussi la mission de Papou/Mamou de veiller à ce que Charlotte et Camille ne finissent pas les vacances la goutte au nez et la gorge en feu. Avec de la fièvre en prime.

Pendant que la villa retrouve température plus humaine, nous en profitons, Françoise et moi, pour aller déjeuner chez "Amigo" (autrefois "Les Amigos"), près de la place des Landais. Les murs sont couverts d'affiches de corridas.


Toutes ces affiches, ça fait de la lecture et ça réveille des souvenirs en attendant les tapas : filets d'anchois au vinaigre ("bocquerones"), lamelles de poivrons, jambon Serrano, mini-brochettes de seiche. Un pichet de rosé Navarra, bien frais. Après, un filet de bar au piment d'Espelette. Un café bien serré.

Par la fenêtre, on aperçoit des immeubles du bord de la plage. Tous volets clos.



Après le déjeuner, et pour laisser les convecteurs faire tranquillement leur office, un petit tour jusqu'à la plage. La terrasse de "l'hôtel de la plage" est dressée et quelques personnes, bien emmitouflées, sirotent un café ensoleillé. La géométrie des lieux me plait.



La baraque à glaces est toujours à sa place. Les couleurs et là encore la géométrie de cette placette me font plaisir. La ligne de rencontre entre le ciel et l'océan structure l'espace horizontalement, les côtés de la baraque le structurent verticalement.


Finalement, il fait plutôt froid. Il est temps d'aller prendre un autre café avant d'aller voir comment se comportent les convecteurs. Il n'est pas encore 15 heures, le soleil est bas à l'horizon : il s'essoufle, mais en vain, à essayer de monter dans le ciel.


Le soir, vers 19 heures, en arrivant à Pau, un colis nous attend dans la boite à lettres. Pas de doute, c'est bien lui. De l'utilité d'être superstitieux !





vendredi 26 décembre 2008

samedi 27 décembre - faute de mieux


Au début de ce mois, un courriel de Patrick E. m'a alerté sur la sortie d'un disque de Richard Galliano et du Brussels Jazz Orchestra, intitulé "Ten Years Ago", du nom de l'un des dix morceaux. Dès cette nouvelle connue, suivant les conseils de Patrick, j'ai commandé ce disque en m'adressant directement au site du B.J.O. Commande le 3 décembre ; envoi par le manager du groupe le 4. A ce jour, je n'ai rien reçu. Entre temps, j'en ai informé l'expéditeur qui, fort aimablement, m'en a envoyé un autre. J'attends. S'agit-il de courrier égaré, de retard dans la distribution, d'un vol ? Aucune des hypothèses n'est à écarter si je me fie à l'évidente dégradation du service postal ou à cette condamnation récente pour vol d'un agent d'un centre de tri de la banlieue de Pau.

D'autre part, je note que toutes les commandes de disques que j'ai faites en cette période sont assorties de cette restriction qu'il est impossible d'assurer le délai de distribution : plus de trois semaines dans le meilleur des cas, après les fêtes le plus souvent. Une fois même, le vendeur m'a conseillé de passer commande l'an prochain, car en fin d'année on ne peut rien garantir.

Patience donc... Mais Françoise, toujours à la recherche de bonnes pistes, m'a signalé avant-hier que l'album de Richard Galliano et du Brussels Jazz Orchestra était accessible sur Deezer. Heureuse surprise ! J'en ai fait aussitôt une playlist. Faute de mieux, c'est déjà bien agréable. Mais, du coup, chemin faisant, je suis allé voir s'il ne serait pas possible de le télécharger sur Virgin où j'ai un compte. Effectivement, il y était : 9,99 euros les dix morceaux.

Eh bien, voilà ! Pour accompagner l'écriture de ces quelques lignes, j'écoute donc "Michelangelo 70", "Teulada", "Ten Years Ago", etc... etc... Faute de mieux, faute d'avoir en main la pochette et d'avoir le plaisir physique de mettre le cd sur le lecteur, c'est déjà un vrai plaisir. Déjà quelques impressions, mais attendons pour mieux savourer et digérer ces nouveautés.

mercredi 24 décembre 2008

mercredi 24 décembre - mario stefano pietrodarchi

En ce jour de 24 décembre, dire que Françoise et moi, nous sommes un peu débordés par la préparation du réveillon serait un euphémisme. Entre les courses, la cuisine, les paquets-cadeaux et que sais-je encore, on ne voit pas le temps passer. Sans compter les projets de décoration de Charlotte et Camille... Chacun peut me comprendre à partir de sa propre expérience. J'ai tout de même pris le temps de consulter mon courriel. Parmi beaucoup de messages publicitaires, surprise, le message ci-dessous adressé à une liste de diffusion dont je fais partie à mon grand étonnement. J'ai grappillé encore un peu de temps pour aller voir ce qu'il en était sur le site de cet accordéoniste et pour aller visionner quelques unes de ses prestations sur YouTube. Maintenant le devoir m'appelle, mais d'abord j'ai plaisir à répercuter cette information...


MARIO STEFANO PIETRODARCHI, wishes Merry Christmas and happy New Year.

Listen to the preview of the new album on Youtube.com at:
http://it.youtube.com/watch?v=VmXIlsFWsfw&feature=related




http://www.mariostefanopietrodarchi.com/

info: vaccariniandrea@libero.it, (VACCARINI ANDREA)

dimanche 21 décembre 2008

dimanche 21 décembre - accordéon & accordéonistes

Petit tour d’horizon – très subjectif – sur le dernier numéro de 2008 de la revue « Accordéon & accordéonistes », n° 81.

- En « tête d’affiche », une visite dans l’album photos d’André Verchuren, « un géant du musette ». Les quinze pages qui lui sont consacrées restituent bien une époque, une ambiance, un parcours. Les commentaires des photographies sont d’André Verchuren lui-même et ce regard personnel manifeste bien sa personnalité et son style de vie. Anecdotique, mais intéressant et même touchant.

- Sous la rubrique « Nous y étions », comptes-rendus du « Grand Soufflet » de Rennes et de « Roubaix à l’accordéon » & « Tourcoing Jazz festival ». Les textes sont de Françoise Jallot, toujours aussi lyriques et enthousiastes. On se réjouit pour ceux qui ont pu participer à ces événements. L’accordéon dans tous ses états.

- Un « entretien » avec Laurence Lamy, directrice de la Cité de l’accordéon et des « Nuits de nacre », conservateur du patrimoine du Pôle Accordéons / Armes de Tulle. Cet entretien est la seconde partie d’un entretien paru dans le numéro 80. Je me rappelle qu’en janvier 2006 nous avions passé deux jours à Tulle avec le projet de pouvoir visiter ce pôle des accordéon, ses instruments et ses documents. En vain. Après moult recherches, j’avais trouvé un bureau où se trouvaient quatre jeunes gens qui avaient semblé amusés par ma requête. L’un d’eux m’avait répondu, masquant mal son fou rire, qu’il serait ouvert dans une quinzaine d’années. Il ne me reste plus qu’à attendre jusqu’en 2021… à condition que le projet ne prenne pas de retard. En attendant justement, je suis plein d'admiration pour la présentation qui en est faite. J'espère que ce ne sera pas un pôle conceptuel... comme on parle d'art conceptuel. Mais je suis optimiste car les instruments sont bien à l'abri des regards et les acquisitions continuent.

- Sous la rubrique « Spectacle », le compte-rendu d’un événement qui a dû être étonnant : il s’agit de la création, à l’initiative de Laure Chailloux, de « L’usine à soufflet », dans l’espace de la Condition publique, une vaste halle industrielle à Roubaix. Un parcours multiple jalonné par Frédéric Daverio, Didier Laloy et Nano. Le mélange de textes, de photographies et de citations des trois accordéonistes traduit remarquablement la situation et les sensations qui en émanent. Excellent article. La description d’un projet qui donne à rêver. Peut-être moins conceptuel que, quoique…, que le projet du pôle accordéons de Tulle, mais avec l’avantage d’exister déjà. En tout cas, on imagine assez bien ce que peut avoir de détonant un parcours balisé par ces trois accordéonistes.

- Un « entretien » qui donne envie d’écouter un peu de quoi il s’agit : Annette Ezechiel, chanteuse et accordéoniste d’un groupe, « le Golem ». Elle définit la musique du groupe, telle qu’elle s’exprime dans l’album « Fresh Off Boat" comme influencée par toutes leurs références et leurs passions, à savoir les cultures russes, yiddish, tziganes, « infiltrées par les courants modernes qui traversent la ville de New York ». C’est un propos que l’on pourrait retrouver chez beaucoup de groupes, c’est pourquoi il vaudrait la peine d’écouter la traduction artistique de cette inspiration. Pour vérifier comment on passe du concept à sa mise en oeuvre.

- « Pour l’histoire », dernier volet de l’histoire du tango en France par William Sabatier. La signature suffit à promettre intérêt et qualité. Quand on écoute William Sabatier, par exemple avec le trio PSP, on comprend à quel point son jeu est lourd de culture, une culture en acte. Pour ma part, en l’écoutant, j’ai une impression d’intelligence profonde, c’est-à-dire de compréhension intime du tango et même, si j’ose dire, de l’âme du tango. Ce qui finalement est plus rare qu’on pourrait le croire, tant le tango se prête aux effets faciles.

- Parmi les chroniques, deux disques retiennent mon attention : « Bucharest Tango » de la chanteuse Oana Catalina Chitu, avec l’accordéoniste serbe Dejan Jovanovic, d’une part, et, d’autre part, en musique contemporaine, « A deux » de Klaus Paier, accordéon, et Asja Valcic, violoncelle. Ces deux musiciens font partie d’un groupe Radio.String.Quartet.Vienna & Klaus Paier, dont j’avais beaucoup apprécié « Radiotree » produit, comme "A deux", par ACT et distribué par Harmonia Mundi [cf. jeudi 20 novembre].

PS.- Il se trouve qu'après avoir écrit cette page, je suis allé, une nouvelle fois, faire un tour sur le blog de Caroline Philippe, blog consacré à l'accordéon de concert :
http://bayan.skyrock.com/

Et je me dis in petto qu'une telle rubrique, dédiée à l'accordéon de concert, fait vraiment défaut dans une revue comme "Accordéon & accordéonistes". Sa présence pourrait, me semble-t-il, équilibrer l'accordéon musette, l'accordéon jazz et l'accordéon contemporain, alors qu'aujourd'hui il n'existe qu'à travers des photographies un peu convenues et plutôt figées dans un habit de concours.

jeudi 18 décembre 2008

samedi 20 décembre - songs of an other

L’après-midi est consacré à préparer le séjour des « petits » pendant la semaine de Noël. Installer le sapin acheté chez Jardiland, les boules de verre fin comme du papier à cigarettes, les guirlandes lumineuses ; faire l’argenterie et la vaisselle de fête ; passer chez le boucher, chez le charcutier, chez le poissonnier, chez le pâtissier pour déposer les commandes ; accrocher l’échelle du Père Noël dans le prunier et le Père Noël à son échelle ; suspendre des boules de gras aux branches du prunier pour les oiseaux de passage. Toute une mécanique bien rôdée au fil des années. Mais, un grain de sable, si j’ose dire… Alors que Françoise repasse une nappe, son fer tombe en panne. Ce fer était à lui seul une véritable machine de pressing et voilà qu’il nous trahit au pire moment.

Mais l’hypermarché n’est pas loin et l’incident est bientôt réparé.

Evidemment, il est difficile de s’en tenir à cette visite purement utilitaire à notre temple de la consommation préféré. Comment rentrer sans faire d’abord un détour par l’espace culturel ? D’autant plus qu’il y a quelques jours, j’ai repéré un disque assez tentant. Un disque ECM, ce qui est toujours l’assurance d’une grande qualité. Un disque qui, conformément à l’allure des productions de cette maison, se présente dans sa livrée janséniste : une palette de gris, du clair au foncé, en excluant les extrêmes, le blanc ou le noir. Sobre, très classe, identifiable d’un seul coup d’œil. J’espère qu’il sera encore sur les rayons. Tout juste. Il m’attendait !

- « Savina Yannatou / Primavera en Salonico / Songs Of An Other », 2008, ECM Records, 52:17.


Douze morceaux traditionnels arrangés et orchestrés par Kostas Vomvolos, accordéoniste du groupe de sept musiciens qui a interprété ce disque. Outre cet accordéoniste, le groupe comprend Savina Yannatou, voix ; Yannis Alexandris, oud, guitare ; Kyriakos Gouventas, violon et alto ; Harris Lambrakis, nay ; Michalis Siganidis, contrebasse ; Kostas Theodorou, percussions et contrebasse. Les différentes pièces de l’album sont issues de morceaux traditionnels d’Arménie, de Macédonie, de Bulgarie, de Serbie, du Kazakhstan, de Grèce, d’Albanie, etc… La voix de Savina Yannatou, omniprésente, fragile et pure, donne une grande homogénéité à l’ensemble. Le travail de K. Vomvolos contribue également, je suppose, à cette impression d’homogénéité. Il s’agit bien d’une musique de la partie orientale de la Méditerranée : les timbres et l’inspiration ne permettent pas de s’y tromper. Mais, c’est un disque ECM et donc de forme sinon classique du moins rigoureuse. On reconnaît bien la caractéristique du label : rien de brillant, pas d’effets faciles, mais, et c’est en cela qu’on pourrait parler de classicisme, la recherche constante du maximum d’effet esthétique avec un minimum de moyens.

Ce disque a quelque chose d’envoûtant et, suivant une notion qui m’est chère, l’album se présente comme un système au sens où l’ensemble des morceaux est plus que la somme ou que la succession de ses parties.

Un morceau m’a particulièrement touché : le 6.- « Albanian lullabye ». L’accordéon tisse une sorte de toile de fond, disons de décor gris, sur lequel la voix vient se détacher, dialoguant avec une flûte poignante. On entend comme des cris d’oiseaux déchirant de leurs coups de scalpel le ciel lourd et menaçant. Je me rends compte alors que cette image, qui me vient spontanément à l’esprit, correspond très exactement à la photographie de la couverture. Curieusement, je me dis alors que cette atmosphère, comme annonciatrice d’un orage violent, est en décalage avec le titre « Primavera en Salonico ». Comme quoi ECM, ce n’est pas du folklore. On est loin des guides touristiques ; on est loin des dépaysements sans surprises.

samedi 20 décembre - un peu de philosophie

J’ai lu jeudi matin un entretien du philosophe Jacques Rancière dans le numéro 3074, pages 16-20 de « Télérama ». C’est un penseur que j’apprécie particulièrement. Dans cet article, je note deux idées qui font écho à mes propres réflexions et qui donc renforcent ma propre conception du monde :

- « Les intellectuels sont devenus des spécialistes des symptômes, des médecins qui font des diagnostics, qui déplorent et jouent les oracles, mais ne soignent pas […] Ils sont là pour dire que la société est malade… et le répéter encore et encore, en convoquant tous les lieux communs par lesquels depuis très longtemps, les élites déclarent la maladie de leurs contemporains ». J’ajouterais que les soi-disant élites sont d’autant plus péremptoires et arrogantes que leurs prédictions ne sont jamais confrontées à la réalité. Les journalistes ont d’autres chats à fouetter, d’autres catastrophes à annoncer et d’autres flux d’informations à gérer dans l'urgence quotidienne. La fuite en avant. Autre remarque : quand la maladie prend la forme d’une crise généralisée, alors les intellectuels en effet se découvrent tels qu’en eux-mêmes, des charognards. Les intellectuels de la sphère médiatique j’entends. Dont on peut noter que Jacques Rancière ne fait pas partie. Sans doute occupe-t-il son temps à penser et à construire patiemment une pensée. On ne peut tout faire.

- En réponse à la question de savoir « face au discours des experts et des intellectuels, qu’apporte la philosophie ? », il dit ceci : «ça dépend de ce qu’on entend par philosophie. Ma perception et ma pratique, en tout cas, s’opposent totalement à l’idée qu’elle doive produire des diagnostics. La philosophie est une activité qui déplace les compétences et les frontières : elle met en question les savoirs des gouvernants, des sociologues, des journalistes, et tente de traverser ces champs clos. Surtout sans jouer les experts ! Car ces compétences sont une manière de rejeter ceux qu’on dira incompétents, alors que le philosophe cherche justement à mettre en évidence la capacité de penser de chacun. Son but est de sortir de cette vieille tradition intellectuelle qui consiste à expliquer à ceux-qui-ne-comprennent-pas et de mettre en valeur des capacités d’intelligence qui appartiennent à tous, exerçables par tous ». Ces propos méritent d’être médités. Pour ma part, j’y retrouve une position que j’ai maintes fois exposées dans ce blog, à savoir que le recours à la notion de pédagogie par les hommes politiques aujourd’hui donne la mesure du mépris qu’ils portent à leurs électeurs, au peuple. Ils savent, ils ont raison, ils sont tellement plus experts que le vulgum pecus qu’au mieux ils ne peuvent qu’essayer d’expliciter leurs pensées. Quant à écouter la parole d’autrui et à chercher à en comprendre le bien fondé, c’est une autre affaire, une autre conception du monde, du rapport entre les gens.

Le rapport avec l’accordéon ? Comme il n’est pas en crise, chers amis amateurs d’accordéon, profitons de notre chance, il n’intéresse pas les intellectuels, ni, que je sache, les hommes politiques. Le monde de l'accordéon n'est pas encore un réservoir d'électeurs à séduire. On peut y prendre plaisir par soi même sans que des experts viennent nous expliquer d’abord le pourquoi et le comment de nos sensations. C’est une chance, car cette situation n’est déjà plus celle de la peinture, de la littérature ou du cinéma… Trois champs artistiques où les commentaires et autres gloses font obstacles à une appréhension immédiate des œuvres… quand les œuvres ne se réduisent pas elles-mêmes à leur commentaire, conformément à la mort de l’art annoncée par Hegel.

mercredi 17 décembre 2008

vendredi 19 décembre - accordéons des thés, accordéons divers

Samedi après-midi. Mi-temps d’un match de coupe d’Europe de rugby. Pour échapper à la litanie des publicités, je zappe… Et je tombe sur une émission, sur FR3 je crois, où l’on voit un accordéoniste, au premier plan, accompagné d’une basse, d’une batterie et de je ne sais qui encore. La caméra ouvre son champ, on découvre des couples qui dansent. C’est un moment de thé dansant. Les couples sont d’un âge certain : la génération du baby-boom. Ils sont attentifs, concentrés. Ils tournent avec application au son d’un accordéon rassurant. Ils ont l’air de vivre un moment de bonheur calme et paisible.

Je zappe… Puis je reviens au thé dansant. L’accordéon est toujours là. L’accordéoniste aussi. Les couples dansent. Une impression bizarre : une impression de déjà vu et déjà entendu. A y regarder de plus près, je m’aperçois que l’accordéoniste n’est plus le même. L’accordéon ? Je ne sais pas tant ses couleurs fluorescentes m’éclaboussent. L’accordéoniste a changé, mais, et c’est cela qui d’abord m’a trompé, son visage est quasi identique au premier : même sourire inaltérable, même impassibilité sans aucune ride d’expression. Quant aux morceaux, je me rends compte qu’il s’agit d’un medley que j’arrive mal à différencier de celui qui était joué par le premier accordéoniste.

Je zappe… Puis je reviens au thé dansant par souci de vérifier mes impressions. A nouveau, quelque chose de déjà vu, de déjà entendu. Mais cette fois je sais ce que je cherche. Les couples sont les mêmes. La même application, le même calme. Pour désigner leur attitude, les anciens philosophes grecs auraient parlé d’apathéia ou d’ataraxia. Des retraités d’aujourd’hui ! L’accordéoniste n’est pas le même. Et pourtant est-il si différent des précédents ? Curieuse impression : les accordéons flashants et les accordéonistes, que l’on croirait sortis du musée Grévin, sont comme des clones. Un monde de clones. Un monde de medley.

Je me dis que décidément les accordéons des thés (dansants) ne sont pas divers. Mais en même temps, il y a dans toute cette émission, au fil des fragments que j’en saisis, une atmosphère d’entre-monde. Comme si l’on était dans des limbes. Une certaine image du bonheur. Je me dis, mais sans pouvoir le vérifier, que cette émission a dû être enregistrée sur un paquebot de croisière, quelque part en Méditerranée ou dans le triangle des Bermudes. En tout cas, la mer est d’huile.

Je zappe… Le match de rugby a repris. Au sortir d’une mêlée houleuse (on est loin du medley lénifiant, même si la mélée se contorsionne comme un soufflet d'accordéon), deux piliers se castagnent avec une jubilation intense. A voir leur visage, on se dit, suivant l'expression rugbystique, qu'ils ont mangé chaud. Et même un peu trop brûlant !

Je zappe... Mon bel accordéon a disparu entraînant avec lui les couples de danseurs. L'écran est occupé par des publicités qui vantent les attraits de la vie au troisième âge : assurances de toutes sortes, prothèses en tous genres, crédits d'obsèques, quartiers sécurisés, villages-vacances et croisières aux Antilles... au son des flons-flons d'un accordéon customisé.

mardi 16 décembre 2008

vendredi 19 décembre - un peu d'épistémologie

En explorant la notion de musicothérapie par Google, je suis tombé sur un article posté le 07/01/2006 sur le site ci-dessous. Article qui m’a paru si intéressant par sa problématique et par sa clarté que je prends la liberté de le citer in extenso et de le commenter un peu.

http://musicotherapie.blog4ever.com/blog/article-12640.html

L'écoute musicale en musicothérapie : argumentaire de la recherche

François-Xavier VRAIT
Directeur de l'Institut de Musicothérapie de Nantes Coordinateur des enseignements, diplôme universitaire de musicothérapie, faculté de médecine de Nantes, Université-Formation continue


L'histoire de la musicothérapie en France fut marquée dans les années 60-70 par un courant comportementaliste dominant. Probablement d'ailleurs sans que les promoteurs des premières recherches et pratiques à cette période ne l'aient véritablement souhaité, ni que ce soit même une préoccupation de leur part. Mais plus simplement parce que la méthodologie qui s'est imposée à ce moment-là reposait sur cette simple constatation : un patient triste ou déprimé est plus sensible à de la musique triste, et au contraire, un patient euphorique, hypomane par exemple, réagira plus facilement à une musique entrainante et rapide. Jacqueline Verdeau-Paillès écrivait alors :"Pour que le contact affectif se produise, il faut une résonance entre l'état affectif du sujet et la musique." Il s'agissait là d'un premier pré-supposé : chaque personne reçoit la musique en rapport avec ce qu'elle vit intérieurement. Cette constatation s'est immédiatement assortie d'un second pré-supposé : chaque extrait musical contient en lui-même un pouvoir particulier, de même que les associations musicales entre elles. Le musicothérapeute doit connaître les divers effets des musiques qu'il fait auditionner. Un fichier est alors constitué, classifiant des interprétations musicales en fonction des effets produits (traités statistiquement). La méthodologie est donc apparue évidente : donner à écouter une musique à travers laquelle le patient va se retrouver affectivement, puis, une suite de musiques permettant de modifier cet état affectif. Ce fut ce que Jacques Jost a appelé la "technique des trois œuvres" qui est devenue dès lors le prototype de toute musicothérapie.
Depuis lors la pratique clinique a fort heureusement évolué. Les travaux de recherche réalisés par les professionnels, notamment dans le sillage de l'Association Française de Musicothérapie, autour de Edith Lecourt, ont permis une prise de distance considérable avec cette première période.

Nous avons, et notamment à Nantes, délimité très précisément le terrain des "techniques psychomusicales" (utilisation des effets psycho-affectifs et psycho-physiologiques de la musique) et celui de la musicothérapie proprement dit. La place du patient, celle du thérapeute, celle de la musique y sont radicalement différentes. Il ne s'agit plus de se poser la question de savoir "ce que la musique fait au patient"; mais au contraire "ce que le patient fait de la musique" qui lui est donnée à entendre. C'est lui, le patient, qui est le sujet, qui est au centre, qui est le moteur même de son prope soin, dans une expérience musicale proposée dans un cadre thérapeutique. C'est en cela, et à cette condition, que la musicothérapie peut être entendue comme une art-thérapie; c'est aussi en cela qu'elle peut être comprise comme une forme de psychothérapie.
Il n'est donc plus question de connaître, de maitriser, de savoir quel est l'impact, quels sont les effets a priori de telle ou elle musique. Il s'agira davantage de s'interroger avec le patient sur son vécu sonore, sur sa manière de vivre cette musique, sur ce qu'il ressent, sur le sens que cela revêt pour lui dans son histoire, dans ses difficultés, etc. Il s'agira d'utiliser cette expérience musicale partagée comme moyen d'expression, de communication, de structuration identitaire, et d'analyse (nous rejoignons là la définition de la musicothérapie donnée par Edith Lecourt).
Cependant, ce changement radical de positionnement du thérapeute, centré sur le patient, n'a pas pour autant résolu la question du choix des musiques! Au contraire ! Il était plus simple de se référer à des effets escomptés, à un
pouvoir exercé par telle musique, sur le plan physiologique, de la détente corporelle, ou au niveau des sentiments, des affects, des émotions.
Qu'en est-il aujourd'hui, dans la pratique quotidienne des musicothérapeutes? Comment choisissent-ils de faire entendre tel CD, tel extrait musical? Qu'est-ce qui guide leur choix? Quelles questions se posent-ils au moment de sélectionner une œuvre? ...
Ce questionnement ne me semble pas vain, ni futile. Il a été relégué depuis quelques années, du fait de la précision conceptuelle au sujet de la musicothérapie, et donc de cette heureuse
avancée des pratiques cliniques, centrées aujourd'hui sur le patient.
Ce questionnement peut donc revenir, sereinement, nettoyé et dégagé du soupçon concernant une possible instrumentalisation de la musique à des fins comportementales. Mais il doit revenir, car la question reste posée. Elle se pose chaque jour aux professionnels, et mérite que l'on y réfléchisse ensemble.
MERCI DE VOTRE COLLABORATION.
Très cordialement, et confraternellement,

François-Xavier Vrait

Je trouve cet article particulièrement intéressant, d’abord en tant que tel en raison de sa problématique intrinsèque et de la clarté de son exposition, mais aussi par les échos que j’y perçois d’une réflexion épistémologique générale et incidemment de la réflexion pédagogique qui en découle.
Il me semble en effet retrouver dans cet article trois moments de la conception de la construction du savoir et de la logique des apprentissages que l’on peut en déduire. Le premier moment peut être défini comme celui du réalisme et de l’objectivité : le monde existe en soi et nos sensations ou nos perceptions sont comme imprimées en nous de l’extérieur par les objets qui nous entourent. Moment qui semble exprimer la conception du bon sens, mais moment mis en question par le fait d’expérience que les mêmes stimuli ne produisent pas chez tout le monde les mêmes effets. Des goûts et des couleurs… Le deuxième moment, qui est comme le résultat du dépassement critique du premier, peut alors être défini comme celui de la subjectivité et si l’on peut dire de l’idéalisme. Historiquement, on passe d’une pensée rationnelle classique au romantisme, à la pensée inspirée, à l’intuition créatrice, par opposition au respect scrupuleux des règles de l’art du premier moment. Mais ce second moment, qui est celui de la reconnaissance du sujet et de l’individualisme a pour conséquence quasi inéluctable de rendre la communication difficile, voire impossible. On s’exprime, on exprime son ressenti comme disent les psychologues, mais le discours se perd dans un flux d’expressions inouïes ou inaudibles. Pour dépasser les apories inhérentes à ces deux moments, il est donc nécessaire de prendre comme objet de réflexion non plus seulement les objets extérieurs, comme les sons des instruments, ni seulement l’intériorité des sujets écoutants, mais l’interaction entre les deux. On passe d’une perspective dichotomique, l’objet ou le sujet, à une perspective dialectique : quelle interaction entre ce morceau de musique (sa structure, sa forme, etc…) et tel ou tel sujet (sa psychologie, sa culture, son histoire, etc…) ? Explorer et essayer d’expliciter cette relation, d’abord au cas par cas, avant d’en tirer par induction logique et par tâtonnements successifs des règles générales, voilà une voie qui me parait de nature à avancer d’un même mouvement dans l’explication des effets de la musique et dans la compréhension de sa réception. Voilà, me semble-t-il, une piste de nature à nous aider à élucider un peu la question du plaisir ou non pris à l’écoute de tel ou tel morceau. Question qui ne se réduit ni à l’analyse formelle des œuvres pour en chercher les caractéristiques intrinsèques de beauté, ni à l’analyse du discours des sujets écoutants pour en déduire les traits caractéristiques de leur psychologie, mais qui implique de tenir ensemble ces deux pôles de la perception esthétique pour essayer d’en saisir l’interaction.
C’est parce qu’il me semblait suggérer une telle piste que cet article m’a paru digne d’être cité et que j’ai eu envie de le commenter un peu.

vendredi 19 décembre - petit ouvroir de grammaire

J'avais signalé le jeudi 13 novembre sous le titre "apprendre à parler" que Françoise venait de mettre en ligne un site dédié à l'apprentissage du langage : lire et écrire. J'avais dit, sans aucun parti pris, toute mon admiration pour cette entreprise, qui n'a bénéficié, il faut le dire aussi, d'aucun soutien institutionnel. Passons...

Aujourd'hui, j'ai le plaisir de pouvoir annoncer que, sur le même site, Françoise a mis en ligne des fiches dédiées à l'apprentissage de la grammaire. Apprentissage au jour le jour en lisant des livres de littérature enfantine. D'un même mouvement fonctionnel, former des lecteurs par le plaisir de lire et des écrivants (des écrivains ?) par le plaisir de la belle expression.

http://pagesperso-orange.fr/f.et.m.rebinguet/

Le rapport avec l'accordéon ? Peut-être le mouvement de production de ces deux fichiers, un mouvement en accordéon. Le rythme de la vie, quoi !




jeudi 18 décembre - pulcinella à toulouse : photonotes

"Pulcinella" au "Mandala", rue des Amidonniers à Toulouse, c'est quatre potes et un poteau. La scène correspond à peu près en volume à quatre cabines téléphoniques londoniennes. Une pour chacun des instrumentistes. Le poteau sert juste à jouer à cache-cache.

Coucou ! C'est l'accordéon qui sort du bois !

Comme je n'ai pas le projet de faire un compte-rendu objectif de cette soirée, je m'en tiens à six images. Un moment à la fois particulier et emblématique de l'esprit du groupe. Entre 23h45 et 23h47, un essaim de guêpes envahit les lieux. On ne sait pas très bien si c'est Florian qui guide son mouvement ou s'il ne fait que feindre d'organiser un phénomène qui le dépasse. En tout cas, c'est bien lui qui a introduit cet essaim entre les spectateurs et le plafond bas. Deux minutes : "un essaim de guêpes : sa vie, son oeuvre". Dès le début, l'essaim rue dans les brancards. L'image est audacieuse, j'en conviens.

Il est passé par ici, il repassera par là. L'essaim tel un boomerang rebondit sur les murs et se multiplie en explosant contre le poteau central.


On l'attend de zig, il arrive de zag.


Co-errance des guêpes ! Est-ce encore un essaim ? Incohérence de l'essaim !



Aux abris ! Les guêpes attaquent ! Pas folles les guêpes ! Pas question, une fois lancées, d'arrêter leur jeu de billards.


Il faut voir comment Florian, soutenu par ses complices, fait vibrionner l'essaim de guêpes ("les seins de guêpes" ? Ne dit-on pas "une taille de guêpe" ?).
Il faut entendre ça ! On fait musique de tout bois ! Bon, c'est pas tout ça :"Rev'là Raymond !"... Et c'est reparti ! A propos de "Rev'là Raymond", faut-il entendre "Revoilà Raymond" ou "Rêve là Raymond" ? Les deux je suppose. Fine guêpe le Raymond.














mercredi 17 décembre - macias à bordeaux : photonotes

18h47 ! Le projecteur découpe un cercle lumineux. J'imagine qu'en cet instant le trac, comme par enchantement, s'évapore. Peut-être même que les douleurs aux poignets, aux doigts, au dos, ces douleurs qui font douter de pouvoir mener au bout la performance, que ces douleurs laissent place à une étrange souplesse. Comme dans un rêve. Solo. J'imagine...

18h56.

18h59. Est-ce que la salle existe encore en cet instant où Michel Macias semble relié directement à son monde d'inspiration dont il nous livre des échos ? En un sens, cette image me parait emblématique de la situation : solo.

19h07. J'aime beaucoup cette photographie. Les yeux clos ; l'extrême concentration. j'ai l'impression qu'il va chercher très loin, au plus profond de ses intuitions, quelque chose qu'il s'agit de traduire en sons pour nous le transmettre.


19h13.




19h23. L'accordéon est aussi un instrument de percussions. Un complice de corps à corps. L'accordéon, c'est physique !





19h27. Ces deux photographies, en dépit de leur qualité technique, me touchent beaucoup. En dépit ou peut-être à cause de leur faible qualité technique. J'en aime assez le bougé. Je pense à un Pierrot lunaire ou, encore plus, au Gilles de Watteau. Une fragilité extrême. Un tremblement suspendu. Intense instant. Solo !




19h28. Et puis cette dernière image. Je suis content d'avoir pu la saisir. Je pourrais essayer d'analyser les raisons de cette satisfaction, mais je m'en tiendrai à deux traits : la direction du regard et sa détermination. Un rêve maitrisé ! Solo.













lundi 15 décembre 2008

mardi 16 décembre - triangulation

Jeudi 11 décembre, après-midi. Pau – Bordeaux, direction Nord. 200 kilomètres. On déjeune dans la voiture sur une aire près de Captieux. Sandwiches au jambon blanc et au fromage. Clémentines. Eau minérale d’Ogeu. Il fait froid. Un hôtel près de la gare. A 18h30, concert solo de Michel Macias au théâtre Molière. La ville nous paraît de plus en plus belle et majestueuse. La façade XVIIIe, quel ensemble architectural splendide. Nous parcourons le triangle à pieds. Les boutiques de luxe se suivent et se ressemblent. Avant le concert, nous nous rendons au service culturel de la mairie de Bordeaux. Nous avons appris en effet que Bruno Maurice devait donner un concert le 23 janvier au Grand Théâtre, mais, renseignements pris auprès de cette institution, il nous a été dit que c’était la mairie qui l’organisait. Le service culturel est perplexe, mais nous insistons. Finalement, il s’avère que ce concert a lieu dans le cadre des vœux du maire et donc sur invitation. Nous disons aux secrétaires de l’accueil que nous ne refuserons pas l’invitation du maire. Je me rappelle que je suis né à Bordeaux et que nous nous sommes mariés dans cette même ville. Ces arguments me paraissent de nature à convaincre le maire du bien fondé de notre démarche. Nous attendons une réponse postale. Avant le concert encore, nous repérons les lieux : le hall du théâtre Molière est investi par les amis de Daqui, qui ont installé leurs productions sur une grande table blanche. Le site est chaleureux. Après le concert, plaisir de quelques instants de conversation avec Bruno Maurice et sa compagne, puis avec Michel Macias avant d’aller diner avec Anne-Marie et André Bonneilh : huitres, crépinettes, tourtière pommes-pruneaux, un blanc de Graves. On parle accordéon. Anne-Marie a bouclé la programmation de Trentels. Evidemment je ne peux rien en dire, sinon que ça promet une bonne cuvée. Nous rentrons par le tramway qui, pour cause de travaux, s’arrête après une station. Las d’attendre un bus de remplacement, nous rejoignons notre hôtel près de la gare pedibus cum jambis depuis le cours d’Alsace et Lorraine. Combien de kilomètres ? Je ne saurais dire, mais en tout cas on a eu largement le temps de digérer.

Vendredi 12 décembre, entre 11 heures et 15 heures, direction Sud / Sud-Est, Bordeaux – Toulouse. 230 kilomètres. Nous déjeunons à Agen, au « Périgord », 42 cours du XIV juillet. La cuisine est raffinée, le service impeccable. C’est notre restaurant d’étape chaque fois que nous passons par Agen.

Samedi 13 décembre. Nous déjeunons à Toulouse chez « les petits ». Le soir, à 21 heures, concert de « Pulcinella » au « Mandala », rue des Amidonniers. Il fait froid, il pleut ; nous avons pris le métro jusqu’à la station Saint Cyprien. Presqu’un kilomètre à pied, avec traversée de la Garonne sur un pont balayé de bourrasques. Le fleuve est magnifique dans la nuit noire. Sombre comme une masse de métal lourd. On mange juste en face du « Mandala ». Un bar à tapas plein de charme. A minuit et demi, course pour ne pas rater le dernier métro. Toujours aussi froid. Des giboulées de décembre. La pluie ruisselle sur notre visage et sur nos vêtements. Depuis le pont, la Garonne est magnifique. On dirait que sa surface est immobile.

Dimanche matin, direction plein Ouest, Toulouse – Pau. 200 kilomètres. On roule entre 10 heures et midi. Il neige autour de Lannemezan. La circulation est fluide. Pas de camions, peu de voitures. Nous n’avons guère envie d’écouter un disque. Après un déjeuner rapide et quelques bons cafés, bien serrés, Françoise s’occupe de remettre la maison en état de marche. Je vais rendre visite à ma mère dans sa maison de retraite à Nay via Baliros où vit mon père. Retour à Pau via Baliros. A l’aller comme au retour, je n’ai pas le cœur d’écouter quelque disque que ce soit. J’ai branché France Info en fond sonore.

De Pau à Pau, deux concerts donc : Michel Macias solo à Bordeaux et le quartet « Pulcinella » à Toulouse.

- Michel Macias : il joue de l’accordéon debout, il joue de l’accordéon assis. Il explore des voies multiples : Bach revisité à sa manière, Nougaro en invité inattendu, reprises répétitives du même thème par glissements, décalages, extensions, à la limite de la mélopée, quelque chose qui évoque Ravel, quelques accents acides comme un accordéon cajun, duo voix – accordéon, la voix qui accompagne et redouble l’instrument, la voix qui dialogue avec l’instrument, des ruptures comme des signes d’humour. Toujours des stridences et des fulgurances, moins nombreuses cependant que lors des derniers concerts auxquels nous avions assisté. Pièces pour un disque à venir. Un puzzle se met en place. Et puis toujours cet air faussement candide de Pierrot lunaire, le visage tourné vers le ciel, faussement étonné de déclencher de longs applaudissements. Les yeux clos, il visite son monde et nous le restitue, solo. Morceau après morceau, il nous le fait partager et nous nous laissons guider avec plaisir. On a même parfois l’impression de participer à sa recherche, car, c’est sûr, il n’est pas du style à se reposer sur des certitudes tranquilles. Je parierais volontiers que Michel Macias, c’est plutôt un anxieux. Un perfectionniste donc.

- Le quartet « Pulcinella », sur une scène minuscule, dans un espace où se trouve deux fois plus de spectateurs qu’il est possible d’en faire entrer, et qui de plus boivent de la bière, sur une scène minuscule donc le quartet fait éclore un univers qui me fait penser, encore plus qu’à la Comedia del Arte, au monde de Rabelais, à la guerre Picrocholine, au monde de Michaux, tel qu’il le décrit dans son imaginaire « voyage en Grande Garabagne ». On a reconnu et aimé l’histoire du platane sacrifié pour cause de parking ; on a aimé « R’vla Raymond » et son délire contrôlé. Mais je tiendrais volontiers pour emblématique du groupe cette histoire dont le titre m’a échappé où il est question d’un essaim de guêpes qui traverse la salle à la manière d’un mouvement brownien. Je me rappellerai ce moment comme « l’essaim de guêpes : sa vie, son œuvre ». L’espace, je l’ai dit, est minuscule, une sorte de New Morning dans le monde de Lilliput, mais cela n’empêche pas le quartet de se livrer à de multiples chorégraphies et même à un moment de sound painting. Et puis, in fine, un instant rare, quand Jean-Marc Serpin-Morin pète les plombs et entraine sa contrebasse dans une danse folle… à moins qu’il ne soit emporté par son instrument et obligé de le suivre dans son délire.
Même un verre cassé qui participe à la fête musicale ou comment faire du beau avec du presque rien, en tout cas de l’accidentel.



vendredi 12 décembre - accordeonissimo

Hier, jeudi, nous avons eu l'occasion de converser quelques instants avec Bruno Maurice à l'issue d'un concert de Michel Macias, auquel nous venions d'assister. Conversation pleine d'informations et, comme lors de nos rencontres précédentes, fort agréable. On parle de tout et de rien, un peu à bâtons rompus, et c'est bien. Parmi les informations, j'en retiens deux :

- comme nous disions à Bruno à quel point nous trouvions son nouveau site parfaitement réussi quant à la lisibilité et à l'esthétique, il nous apprit que c'était là en grande partie l'oeuvre de sa compagne, responsable de cette entreprise de relooking. C'est sans doute une information qui pourrait paraître inessentielle ; pour nous, cela fait partie de la sympathie qu'ils inspirent l'un et l'autre. Parenthèse à ce sujet : nous avons toujours été frappés, à Bordeaux, à Trentels, à Malagar, par la gentillesse et la disponibilité de Bruno. Bien sûr, ces qualités ne suffisent pas pour définir un grand artiste, mais quand elles s'ajoutent au talent, elles rejaillissent sur le plaisir que l'on peut prendre à l'écouter. Son attention aux autres se manifeste aussi et immédiatement dans ses compositions, par exemple.

http://appassionata.free.fr/index.htm


- au détour de notre conversation, Bruno nous a signalé l'existence du "site des accordéonistes du conservatoire de Bordeaux", en fait ses élèves. Eh bien, ce site vaut la peine d'une visite. On a vraiment une impression de vitalité et de rigueur... Et le sentiment qu'il va prospérer et se développer au fil des jours.

http://noedrocca.free.fr/index.htm

Pour notre part, nous avons bien aimé retrouver la présence d'Alan Bern, que nous avions écouté au conservatoire de Bordeaux en janvier dernier, ainsi que l'ambiance de cette séance, avec la participation des élèves.

mardi 9 décembre 2008

jeudi 11 décembre - site de bruno maurice

Est-ce un effet de ma mémoire défaillante ou bien est-ce que Bruno Maurice a mis son site à jour, tant pour les informations que pour la mise en forme, toujours est-il que Françoise, à la recherche de dates de concerts qu'il donnerait dans la région, m'a fait découvrir un site que je ne connaissais pas ausi attrayant.



Il vaut vraiment la peine d'être consulté. Les informations sur la biographie de Bruno Maurice, sur certaines de ses oeuvres ou interprétations et sur son instrument exceptionnel sont complètes et fort intéressantes, mais pour l'heure je retiens surtout une vidéo et des extraits sonores :



- Vidéo YouTube - 8:30, 7 décembre 2008 - accessible par la page "Accueil" : "Die Verschundenen (Les disparus)". Poème d'Erich Fried, musique de Bernard Cavana. Chant, violon, violoncelle et accordéon. Elle a été enregistrée au théâtre de Genevilliers.

http://appassionata.free.fr/index.htm


- Onglet "Concerts". Plusieurs choix sont proposés : Récital d'accordéon solo, Trio Miyazaki, Orgues et accordéon, Tangos symphoniques, Concerto "Cri de Lame", Violon et accordéon, Création et musique contemporaine, etc... En particulier, des extraits de trois morceaux du concerto pour accordéon et orchestre à cordes, "Cri de Lame" (mai 2007) : "Cri de Lame", "Caresse" et "Mitango".

lundi 8 décembre 2008

mercredi 10 décembre - agenda : bruno maurice sur france-musique

En consultant le site de Bruno Maurice, je note l'information suivante :

6 janvier : diffusion sur France Musiques 10h-12h.

"Le matin des musiciens" accueille Bruno Maurice. Présentation : Corinne Schneider.

"Cri de Lame".

Le 6 janvier est un mardi. A vos agendas.

Je note aussi, parmi d'autres dates de concerts, cette information assez lapidaire, mais pleine de promesses :


6-7 avril à confirmer, Bordeaux- conservatoire
Création de l'oeuvre "De part et d'autre" de Jean-Yves Bosseur, dédiée à Bruno Maurice. Pour accordéon solo.

mardi 9 décembre - prolégomènes à une approche systémique du plaisir de l'écoute

Je citais il y a quelques jours cette phrase de Bernard Lavilliers, qui continue de résonner dans ma tête : « La musique, ça ne s’analyse pas », sous-entendu, le plaisir qu’on éprouve à l’écouter est immédiat ou il n’est pas. La réflexion n’a pas sa place dans ce processus. La relation entre les sensations et le jugement de plaisir ou non est immédiate. Aucune médiation intellectuelle n’est capable de produire ni d’expliquer l’effet produit dans l’instant de l’écoute.

Admettons… même si, comme je l’ai écrit, j’ai l’intuition que le phénomène n’est pas si simple. Et, de toute façon, même si l’on peut adhérer à l’idée que le plaisir esthétique (écoute d’une œuvre musicale, contemplation d’une œuvre plastique, etc…) ne peut être rendu intelligible par une explication rationnelle, un enchainement logique de propositions discursives, il reste légitime d’essayer d’en comprendre le fonctionnement. Le fonctionnement, pas le mécanisme, ce qui serait retomber dans la réduction analytique. Le fonctionnement, c’est-à-dire « ce qui se passe chez le sujet écoutant ».

Il y a quelques mois, j’avais essayé de formaliser ce fonctionnement, c’est-à-dire de construire un modèle de nature à rendre compréhensible, d'abord pour moi-même, le processus par lequel on éprouve un plaisir plus ou moins grand à l’écoute d’une œuvre musicale, qu’il s’agisse d’un concert ou de l’audition d’un disque. Il ne s’agissait pas pour moi d’un travail d’analyse, de mise à plat ou de mise en pièces des éléments de ce processus, mais plus exactement d’un travail de type « approche systémique » pour mieux comprendre la complexité de cette expérience. Par approche systémique, je veux dire qu’en la matière les interactions entre les facteurs en jeu sont déterminantes et qu’il ne s’agit en aucun cas de réduire cette expérience à la somme pure et simple de ses éléments. Il ne s’agit pas d’arithmétique des sensations, ni de réduction du qualitatif à du quantitatif, mais d’un essai de construction / compréhension de ce phénomène en tant qu’il est complexe. Bref, il s’agit d’abord d’une tentative à visée heuristique.

Eh bien, en reprenant la formule que j’avais essayé de construire, d’abord à mon propre usage, c’est-à-dire pour mieux comprendre comment je fonctionne quand telle écoute suscite en moi du plaisir, en reprenant donc cette formule, je la trouve encore aujourd’hui assez « aidante ».

L’idée directrice est la suivante : « l’écoute esthétique », que je différencie de l’écoute objective (par exemple avec une visée scientifique), de l’écoute distraite (par exemple sans attention particulière) ou de l’écoute ciblée (par exemple avec une visée d’information précise dans un ensemble plus ou moins confus), l’écoute esthétique désigne une écoute visant prioritairement la recherche d’un plaisir sensible et/ou intellectuel. C’est l’attitude que j’adopte lorsque j’assiste à un concert ou lorsque j’écoute un disque. Cette écoute esthétique est, me semble-t-il, fonction d’un certain nombre d’éléments, que l’on peut considérer comme les paramètres la constituant. Parmi ces éléments, j’en retiens deux du côté de l’auditeur : son identité (son histoire, sa situation sociale, sa culture, sa pratique ou non d’un instrument, sa psychologie personnelle), d’une part, et son projet d’écoute, ici et maintenant, d’autre part. Du côté de l’œuvre, je retiens trois éléments : l’œuvre en tant qu’objet (qui justement est analysable en tant que tel), le compositeur (et je retrouve ici son histoire, sa situation sociale, sa culture et ses influences, etc…) et les interprètes (pour lesquels je retrouve les mêmes caractères que pour l’auditeur et pour le compositeur). J’ajoute deux autres éléments : l’un, technique, à savoir la qualité de la chaine matérielle de l’enregistrement à la restitution ou les conditions du concert, l’autre, matériel, à savoir les conditions spatiales et temporelles de l’écoute. Je suis tenté d’ajouter un dernier élément, quasi circonstanciel, qui serait le climat affectif dans lequel on se trouve au moment de l’écoute. La notion d’humeur du moment correspondrait assez bien à cette idée.

Encore une fois, pour comprendre « ce qui se passe » et le plaisir induit qui en résulte lorsque j’écoute un disque ou un concert, il n’est pas question de décomposer mon expérience en ces éléments. Il s’agit d’essayer de saisir, dans leur complexité, comment ces différents facteurs se combinent et interagissent entre eux. C’est ainsi que la déficience de l’un d’entre eux suffit à mettre à bas tout l’édifice. Par exemple, des bruits parasites extérieurs, même discrets, peuvent réduire à néant toute possibilité de plaisir. Mais inversement, tel passage un peu plus faible d’un morceau peut être englobé dans l’impression globale qu’il m’inspire.

Cet essai de formalisation n’a pas la prétention de rendre totalement compréhensible le plaisir que j’éprouve, mais du moins il a l’intérêt de ne pas s’en tenir à l’idée simpliste que ce plaisir est un mystère, qu’il est ineffable, voire subjectif, adjectif qui souvent signifie « de cela, des goûts et des couleurs, on ne discute pas ». Où l’on retrouve d’ailleurs le propos de Lavilliers : « La musique, ça ne s’analyse pas ! ». Si elle ne s’analyse pas, du moins, je le crois, peut-on essayer de comprendre comment elle fonctionne.

La formule résumant cette tentative de formalisation :

- Ee : l’écoute (à visée) esthétique
- f : est fonction de…
- Su : le sujet -auditeur
- P : le projet d’écoute de l’auditeur
- O : l’objet – œuvre (telle qu’elle est objectivée sur une partition)
- C : le compositeur
- I : l’interprète ou les interprètes
- M : la chaine matérielle de l’enregistrement à la restitution
- Si : la situation, c’est-à-dire les conditions spatiales et temporelles de l’écoute
- A : le climat affectif du moment, l’humeur

Si maintenant on essaie de formaliser cette attitude, je pense qu’en première approximation et sous réserve du travail critique, qui reste à faire, on peut écrire la formule suivante :

Ee = f [(Su, P),(O,C,I),(M,Si)].A

................

PS. Suite à la publication de cette page inspirée par une bouffée de délire théoricien, j'ai reçu un courriel de Sylvie Jamet, qui me parait devoir être ajouté ici, car il apporte des précisions qui manquaient à mon texte, cette absence n'étant en rien due au hasard ; j'y reviendrai.

Je cite Sylvie :

"concernant cet élément circonstanciel, l'"humeur", je dirais que ce climat affectif, de même qu'il se rapporte à l'auditeur, affecte également l'interprète (qui est dans un certain état au moment de l'interprétation, ce jour-là, à cette heure-ci, ou ce mois-là, ou cette année-là en fonction des aléas de sa vie et des aléas logistiques, humeurs...). Par contre il ne me semble pas pouvoir de la même façon se rapporter à l'auteur, sa composition étant moins liée à un moment particulier et pouvant mieux s'étendre dans la durée que dans un instant (on trouve donc cette "humeur" de l'auteur dans la caractéristique "C : le compositeur" (sa vie, ses caractéristiques, ses expériences)... "

Cette remarque me parait en effet tout à fait pertinente et, comme je l'indiquais ci-dessus, si elle m'avait échappé, ce n'est pas par hasard. Je ne pratique ni l'accordéon, ni aucun instrument, alors que Sylvie joue de l'accordéon. Manque d'expérience d'un côté ; expérience effective d'interprète de l'autre. Dans la mesure où j'ai l'expérience de concerts en tant qu'auditeur / spectateur, je pense d'autre part que le facteur "humeur de l'interprète" est particulièrement présent dans le cas de concerts et de musique live. Il est sans doute moins important dans le cas d'enregistrement de disques où plusieurs prises sont possibles et où, comme pour le compositeur, la durée devient une variable majeure.

Merci Sylvie pour ta contribution aux "Prolégomènes...". La boite à suggestions est ouverte !

Sylvie l'Accordéonaute Bio,
Blog Généraliste de Musique et d'Accordéon
Accordion and Musique Blog
http://sylviejamet.over-blog.com/
AccordionSpace : http://www.myspace.com/blogaccordeonmusique

jeudi 4 décembre 2008

dimanche 7 décembre - taratata vie violence

Dans le cours d'un échange de courriels avec Patrick E. au sujet de Galliano et du Brussels Jazz Orchestra, de Tuur Florizoone, de sa musique de film et de "Tricycle", de Gorka Hermosa et de "Tangosophy", une vidéo extraite de "Taratata" : Nougaro chante "Vie violence". Doit-on dire que Galliano l'accompagne ? La fin ferait plutôt penser à un duo.

Je me dis que lorsqu'aujourd'hui Galliano joue ce morceau, la présence encore plus que le simple souvenir de tels moments doit inévitablement nourrir et inspirer son interprétation. On comprend mieux la densité de son jeu. Cette densité immédiatement perceptible correspond assez bien à ce que j'appelle une culture en acte, c'est-à-dire tout un fonds d'expériences et de réflexions, de pratiques et d'idées qui se cristallisent ici et maintenant.

En tout cas, j'ai plaisir à répercuter à mon tour cette "trouvaille" :

http://www.mytaratata.com/Pages/VIDEO_page_video.aspx?sig=iLyROoaftlkn

En écoutant et en regardant cette vidéo, je suis sidéré par cette sorte de ligne claire qui résulte à la fois du phrasé et de l'articulation de Nougaro et d'autre part de la pureté du jeu de Galliano : rien de trop, pas une fioriture gratuite.

samedi 6 décembre - tango sensations

Ce jeudi, Françoise est allée rendre visite à sa sœur à Dax pour la journée. Départ à 10h30, retour à 20h45. Le premier jeudi du mois, le chef de « L’Ombrière », un restaurant d’employés et d’ouvriers à quelques pas de chez nous, propose un couscous, tellement réputé qu’il est bon d’arriver à midi pile ou même de retenir sa place. Le patron nous connaît. Il nous serre la main, il m’a offert aujourd’hui un style bille marqué du nom de l’établissement. Il est étonné de me voir venir seul. C’est sûr, déguster son couscous tout seul, c’est moins bien… mais, bon, j’avais vraiment trop la flemme de me faire à manger. D’habitude, nous buvons du vin rouge. Pour l’occasion, j’ai bu une pression de bière basque.

Autour de moi, les gens ont l’air plutôt triste. Je n’entends ni éclats de voix, ni éclats de rire. L’atmosphère n’est à tout le moins pas détendue. En écoutant un peu la conversation des huit personnes de la table la plus proche, je n’entends que « plan social », « vacances forcées », « entretiens individuels », « appréciation », « jugement », « compétence », « audit », « cabinet externe », etc… Je note que les huit personnes, sans hésiter, ont choisi la formule la plus complète : entrée, couscous, dessert, vin et café. Tant que l’appétit va, tout va… Oui, mais…

Après le repas, je me dis que je ferais bien un petit tour jusqu’à la Fnac, même si je n’attends plus rien depuis longtemps du rayon disques. Il fait froid. Une sorte de pluie quasi invisible, mais fort humide, étouffe la ville. Peu de circulation en ville. Je me gare au parking Clémenceau, à deux pas de la Fnac. Je laisse mollement errer mon regard sur les cds présentés. L’un d’entre eux attire mon regard :

- « Tango sensations », Alban Berg Quartett, Per Arne Glorvigen, 2004, EMI Classics Records.

Une couverture austère dans des tons de rouge. Je connais Per Arne Glorvigen comme bandonéoniste pour avoir écouté « Virgin and Whore, Bach and Piazzolla », que j’avais beaucoup apprécié.

Au dos, je lis que les treize titres se décomposent en quatre titres d’A. Piazzolla (for string quartet and bandoneon), un d’Eduardo Arolas (for solo bandoneon), un de Juan Carlos Cobian (for solo bandoneon), un de Julio de Caro (for solo bandoneon), cinq de Kurt Schwertsik – « Adieu Satie » op. 85 – (for string quartet and bandoneon), un de Piazzolla (for string quartet) – « Tristezas para un AA ».

La rencontre du tango classique, du tango nuevo et de la musique de chambre… C’est très beau ! En particulier, je ne connaissais pas le nom de Kurt Schwertsik, compositeur autrichien né en 1935. Il propose ici une relecture de Satie, ni pastiche, ni imitation, ni paraphrase, mais quelque chose que je dirais de la même famille que celui-ci. Pince sans rire, sans avoir l’air d’y toucher, très intellectuel, mais sans se prendre trop au sérieux non plus. L’élégance de faire en sorte de passer pour léger.

vendredi 5 décembre - la part de l'analyse

Il y a quelques jours, dans le cadre du « Grand Journal » de Canal +, j’ai entendu Bernard Lavilliers dire que « la musique, ça ne s’analyse pas… la peinture aussi, peut-être… » et commenter peu après ces propos en précisant que le plaisir de la musique, le plaisir de l’écoute (il ne s’agissait pas ici de pratique instrumentale, mais seulement d’écoute), ne dépend pas de ce que l’on sait dans ce domaine, ni de connaissances sur le sujet. Un peu plus tard, il précisait encore sa pensée en disant que ce plaisir est d’abord affaire de chair de poule, ce qui ne pouvait que recevoir mon adhésion puisque j’ai moi-même dans ce blog défendu souvent cette idée que cette sensation est le critère ultime du plaisir de l’écoute.

Mais, alors même que spontanément je me sentais sur la même longueur d’ondes que Bernard Lavilliers, je me disais qu’après tout les choses n’étaient peut-être pas si simples. On reconnaît bien dans cette position l’expression de ce que l’on peut appeler la pensée inspirée. La musique serait affaire d’inspiration, de don, du côté de l’artiste et d’accord immédiat, de disponibilité, presque de don du côté de l’auditeur. Affaire d’inspiration et non de réflexion, encore moins de conceptualisation. Don artistique d’une part et symétriquement don esthétique d’autre part. Même s’il est vrai que la création comme la réception d’une œuvre d’art implique de laisser advenir quelque chose qui est irréductible à l’analyse, il me semble un peu trop simple d’exclure tout travail analytique de ces processus.

Moi qui ne connaît rien à la musique, je serais tenté évidemment d’adhérer à cette thèse, ne serait-ce que parce qu’elle apporte une justification à mes lacunes et à mon inculture. Mais, en pensant aux partitions, qui sont bien la forme analytique d’une œuvre musicale, je me dis que celui qui est capable de les lire doit bien trouver dans cette opération matière à un plaisir, autre que celui de l’écoute, qui m’est inaccessible. Si je m’en tiens à ce que je suis capable de faire, j’ai bien conscience que le fait de pouvoir situer tel album ou tel morceau dans le parcours d’un compositeur, que le fait de pouvoir inscrire une œuvre dans un courant, dans une histoire, dans un réseau, dans un style, que tout cela, qui est bien de l’analyse, augmente le plaisir qu’a pu me donner la simple écoute. L’expérience me montre ici que l’analyse, en tant que travail de décomposition d’un objet artistique et de mise à distance de mes impressions immédiates, multiplie les raisons d’y trouver du plaisir. En revanche, s’il est vrai que ce travail prolonge, approfondit, développe et multiplie le plaisir immédiat de la sensation, il est non moins vrai qu’il ne peut n’y en tenir lieu, ni s’y substituer, ni même le produire. De même, je doute que la simple maitrise technique suffise à un compositeur ou à un interprète pour susciter le plaisir esthétique chez ses auditeurs.

Pour aujourd’hui, je m’en tiens à ces quelques réflexions jetées en vrac pour en garder traces. Il faudra approfondir tout ça. Pour l’instant, je pencherais plutôt pour cette idée que ce n’est pas une approche analytique d’une œuvre qui suffit à en faire une source de plaisirs, que cette approche soit technicienne du côté de la composition ou de l’interprétation, qu’elle soit conceptuelle ou cognitive du côté des auditeurs. Mais j’ajouterais tout aussitôt qu’une approche analytique est très probablement source d’autres plaisirs quand elle vient se greffer sur le dynamisme de l’inspiration ou de la disponibilité, deux manières de laisser venir au monde une expression sans concepts. Expression infra-conceptuelle ? Supra-conceptuelle ? Peu importe, en tout cas, venue d’ailleurs… de l’inconscient peut-être ?

Bref, au terme provisoire de cette analyse un peu foutraque, je me dis que l’affirmation de Bernard Lavilliers, à la quelle spontanément j’adhérais, était sans doute trop simple. L’opposition frontale entre l’inspiration et l’analyse est simpliste. Le plaisir esthétique est un peu plus complexe.

mercredi 3 décembre 2008

jeudi 4 décembre - sur les pistes de patrick

… reçu mercredi vers 21 heures un courriel de Patrick E., plein d’informations comme il a le génie de savoir en trouver. Sherlock Holmes dans le monde de l’accordéon ! Et avec ces informations, le mode d’emploi. J’ai eu tellement de plaisir à suivre sa piste qu’à mon tour je me fais un devoir de les répercuter :

- en allant faire un tour sur le site du "Brussels Jazz Orchestra", on fait une découverte bien réjouissante…

http://www.brusselsjazzorchestra.com/cds_fr.html

… et en cliquant sur ce lien, on approfondit cette découverte et l’on se prend à rêver… Et déjà l’impatience…

http://www.brusselsjazzorchestra.com/video_fr.html


- en allant faire un tour sur le site Myspace de Tuur Florizoone, on découvre encore d’autres belles choses et quelques informations de première importance.

http://www.myspace.com/tuurflorizoone

Voilà ! J’avais à cœur de ne pas garder pour moi toutes ces pistes.

Merci Patrick !

mardi 2 décembre 2008

mercredi 3 décembre - gorka hermosa catalogue

A la suite d'un échange de courriels avec Gorka Hermosa, nous avons reçu ce message. L'information me parait suffisamment importante pour la répercuter et la diffuser telle quelle. En espérant que les accordéonistes en feront leur miel.


From: <gorka@gorkahermosa.com>
To : "undisclosed-recipients:"
Sent: Monday, December 01, 2008 9:35 PM
Subject: Nueva editorial para acordeón: "EDICIONES NUBERO"
Estimados amigos

Tenemos el placer de comunicaros la creación de una nueva editorial dedicada al acordeón : "EDICIONES NUBERO". El catálogo de publicaciones que ponemos a vuestra disposición está formado por :
- "MÚSICA DE CÁMARA PARA ACORDEÓN": 10 obras a dúo para acordeón y violín, cello clarinete o flauta de los compositores José Manuel Fernández, Ángela Gallego, Germán Díaz y Gorka Hermosa. Se incluyen particelas y un cd que contiene grabaciones de las 10 obras. Creemos que esta publicación puede ser muy útil para ser utilizada en la asignatura de música de cámara en conservatorio, donde la literatura para acordeón no es excesivamente extensa o para que las personas que han acabado sus estudios toquen música tonal de vanguardia (mayoritaria en esta publicación) junto con otros músicos. PRECIO: 50 euros
- "TOCCATA" para acordeón solo de José Manuel Fernández. Obra serialista con sutiles armonías que exploran con mucha clase las posibilidades del acordeón en la música contemporánea. Dificultad aproximada: Enseñanzas Superiores de Acordeón. PRECIO: 10 euros. Además hemos reeditado otras publicaciones editadas en el pasado en la "Editorial Hauspoz" y que estaban actualmente agotadas como :
- "DOS PIEZAS DE CONCIERTO" (Gernika, 26/4/1937 y Fragilissimo) de Gorka Hermosa. PRECIO: 10 euros
- El libro "EL REPERTORIO PARA ACORDEÓN EN EL ESTADO ESPAÑOL" de Gorka Hermosa. PRECIO: 30 euros.
Para hacer un pedido sólo es necesario responder a este mail indicando vuestra dirección postal y os responderemos indicando el nº de cuenta en el que deberá hacer el ingreso quien desée alguno de los artículos de nuestro catálogo.

Recibid un cordial saludo.

Gorka Hermosa

lundi 1 décembre 2008

mardi 2 décembre - jahreszeiten

Le vendredi 14 novembre, à l’occasion d’une petite visite à la boutique « Harmonia Mundi » de Tarbes et d’une opération promotionnelle (3 disques choisis : 2 achetés, 1 offert), mon attention avait été attirée par le nom d’Alfredo Marcucci sur un album un peu bizarre de prime abord. Il se présentait ainsi :

- « Piazzolla – Tschaikowsky, Jahreszeiten, Philarmonische Cellisten, Alfredo Marcucci – Bandoneon », 2000, Co-production Orfeo et Bayrischen Rundfunk.

La composition du disque me paraissait en effet plutôt bizarre et, évidemment, cela suffisait pour me donner envie de l’écouter. Il est en effet composé de deux parties inégales :

- Astor Piazzolla, « Die Vier Jahreszeiten, 1. Primavera portena ; 2. Verano portena ; 3. Otono portena ; 4. Invierno portena » ; 23 :59.
- Piotr I. Tschaikowsky, « Die Jareszeiten, 5. Januar……. 16. Dezember »; 42 :02.

D’une part, les quatre saisons ; d’autre part, les douze mois. Curieuse idée curieux concept, comme on dit aujourd’hui. Un compositeur du XXe siècle, 1921 – 1992 ; l’autre du XIXe, 1840-1893. Etc… etc…

Mais la composition des instrumentistes est elle aussi inhabituelle : un sextuor de violoncelles, un bandonéon. Raison supplémentaires d’aller explorer cet album. Sans compter, ce n’est pas un détail, que le terme « Cellisten » évoque tout de suite l’image d’instruments « célestes ».

Les circonstances, certaines obligations et d’autres priorités m’ayant empêché d’écouter plus tôt cet étrange objet, c’est hier après-midi seulement que j’ai pu le faire. Eh bien, cet objet est effectivement curieux : si Marcucci est en effet très présent sur les quatre saisons de Piazzolla, il est absent des douze mois de Tschaikowsky, qui sont interprétés par le seul sextuor de violoncelles. Je me demandais quel serait le rôle du bandonéon. Voilà la réponse.

Quant aux quatre saisons, je dois dire que j’ai beaucoup aimé l’interprétation qu’en donnent les six violoncellistes et Marcucci. Une interprétation lumineuse ; une lecture limpide de Piazzolla. En plus, il n’est pas si fréquent de pouvoir écouter les quatre saisons à la suite, même par Piazzolla, et le plaisir de les tenir ensemble, si j’ose dire, augmente le plaisir d’en écouter chaque partie.

Un disque bizarrement composé, mais justement plein de charme, aussi à cause de cette caractéristique.

Notons que l'on trouve ce cd sur Alapage pour la somme de 23, 24 euros et qu'il est présenté de la manière suivante : Quatre saisons (arrangements de Piazzolla de l'oeuvre de Tschaïkovsky) Sic !.



Notons enfin que l'on peut voir et écouter A. Marcucci sur YouTube, où les images de ses prestations ne manquent pas.



http://video.google.fr/videosearch?hl=fr&q=alfredo+marcucci&um=1&ie=UTF-8&sa=X&oi=video_result_group&resnum=4&ct=title#