samedi 31 janvier 2009

dimanche 1er février - photonotes après la tempête... prévert

Une semaine après la tempête, la rue qui mène directement à la villa est encore un peu encombrée.

Sur la plage, des rencontres insolites, quelque chose de surréaliste. Il faudrait un Prévert pour en faire l'inventaire. Mais il faudrait qu'il soit rapide, car bientôt les engins municipaux auront effacé toutes ces incongruités.























Le golf de Seignosse-Hossegor : un drapeau bleu flotte, dérisoire. Sur l'autre rive, un pin déraciné. Nul doute que tout cela sera promptement réparé avant le retour des golfeurs et autres propriétaires des villas au bord du parcours de 18 trous.












dimanche 1er février - kali sultana

… vendredi, en fin de matinée, nous avons écouté le dernier opus de Titi Robin, « Kali Sultana ; L’ombre du Ghazal », 2008, Naïve. Plus exactement, vers 11 heures, nous avons commencé à écouter le cd 1 de cet album, qui en comprend 2. Ce premier cd dure 41 :45 ; le second, 45 :36.

Après une première écoute, nous avons eu envie de revenir sur certains morceaux et en particulier sur ceux où l’on entend Francis Varis. Nous les avons écoutés et réécoutés, si bien que nous n’avons pas vu le temps passer. Vers 13 heures, une petite faim nous a saisis. Aucune envie alors de se mettre à la cuisine. Dans ce cas, nous allons déjeuner à « L’Ombrière », un bistrot à quelques centaines de mètres de la maison, dans une zone d’activités. Bistrot de midi fréquenté par des employés et des ouvriers, souvent aussi par des stagiaires d’un centre de formation tout proche. Nous y avons nos habitudes et le patron nous offre régulièrement le café. Trois formules : plat du jour / plat du jour et entrées à volonté ou dessert / entrées et plat du jour et dessert. Le quart de vin est compris, pas le café. A la place du plat du jour, il y a la possibilité de manger « bavette / salade / frites ». En arrivant, vers 13h15, surprise ! La terrasse est couverte de tables protégées par des parasols. On n’y croit pas. Mais il faut se rendre à l’évidence : le thermomètre affiche 19°. Nous déjeunons donc dehors en ce dernier vendredi de janvier, une semaine après la tempête, dont les dégâts sont loin d’être effacés dans la région. D’ailleurs, en face du bistrot, il y a trois troncs de mimosas explosés, qui obstruent à moitié la rue.

A notre retour à la maison, nous nous préparons quelques tasses de café – Costa Rica, évidemment ! – pour accompagner l’écoute du cd 2. Qui est aussi beau que le cd 1.

A une époque où, me semble-t-il, beaucoup de musiciens s’inspirent d’airs venus des mondes méditerranéens ou des confins de l’Asie ou de l’Afrique, mais s’en tiennent trop souvent à l’écume musicale, aux formes les plus extérieures, au point qu’il est difficile de les différencier, Titi Robin propose ici une création tout à fait originale. A certains égards, son entreprise me fait penser à celle de Renaud Garcia-Fons. La composition d’ensemble est comme une sorte de mélopée scandée par des morceaux envoûtants. Les instruments contribuent grandement à cette impression : oud, bouzouq, altos, violoncelle, accordéon, percussions, daph kurde, etc… Je ne saurais dire pourquoi, mais j’écoute cette musique comme le résultat d’une méditation longue et approfondie sur les mondes désertiques. Sur la vie des mondes apparemment désertiques. Quelque chose comme une méditation de caravanier. En tout cas, c’est ainsi que mon imaginaire réagit.

Et puis, samedi, nous avons dû aller à Hossegor, l’assurance nous ayant demandé de lui fournir les photographies des arbres brisés par la tempête. Pour accompagner notre route, nous avons emporté un seul disque, ou plutôt deux, les deux cds de « Kali Sultana ». Comme nous traversions Saint-Vincent de Tyrosse sur le coup de 13h15, nous avons eu envie de déjeuner d’une assiette kebab au bistrot turc, « Le Bosphore ». Nous avons évidemment parlé de « la catastrophe » avec la patronne. Alors que je réglais la note, elle a dit au serveur : « Les cafés, c’est pour moi ! ». Etrange journée, rythmée par l’alternance de zones intactes et de zones où il ne reste quasiment plus un pin debout. « Kali Sultana » accompagne ce parcours de sa couleur : bleu ! Bleu de l’inquiétude à l’aller (« allons-nous découvrir des dégâts inaperçus jusqu’ici ? », bleu de la tristesse et d’un certain soulagement au retour.

Avant de prendre le chemin du retour, nous faisons un détour par la plage d’Hossegor : le sable a recouvert les plantations de thuyas et fait disparaître plusieurs sentiers tracés à flancs de dunes, plusieurs rues sont impraticables, soit à cause du sable, soit à cause des amas de troncs et de branches en travers de la chaussée. La plage me fait penser à une plage à l’ancienne : les services municipaux n’ont pu la nettoyer ; les marées ont apporté leur masse de déchets venus d’Espagne. En suivant la trace de toutes ces choses entassées sur le sable, à la frange des vagues, je me dis qu’il faudrait un Prévert pour en faire l’inventaire. Je me dis aussi que ce que l’on gagne en confort et en propreté grâce au travail régulier des engins municipaux, on le perd en poésie, en possibilité de rencontres surréalistes. On ne peut tout avoir. Avant de quitter Hossegor, nous longeons le golf. Etrange image : un drapeau bleu flotte sur un green entouré d’eau, sur l’autre rive un pin énorme, déraciné, est couché sur la moquette verte. Incongru !

En arrivant devant la maison, à Pau, nous n’avons pas besoin de parler. Nous sommes bien d’accord : « Kali Sultana » est un bel album. Je dirais un disque de méditation, tout en intériorité, l’œuvre de quelqu’un qui a longuement ruminé son affaire. Le contraire de ces musiques, que j’évoquais ci-dessus, qui surfent sur les vagues de la mode. Et puis, comme je suis de parti pris, évidemment, je suis à l’affût des interventions de Francis Varis. J’ai pour lui la même sympathie que pour Jean-Luc Amestoy.

samedi 31 janvier - tuur florizoone

… reçu un courriel de Patrick E., fort intéressant, si bien que je m’en voudrais de le garder égoïstement pour moi. Il s’agit d’une interview de Tuur Florizoone, accordéoniste et pianiste. Il y dit des choses fort pertinentes sur l’accordéon-jazz, avec beaucoup de recul critique, et il donne des informations de première main sur ses projets. Pour lire cette interview, suivre le chemin ci-dessous :

http://www.jazzinbelgium.com:80/

- rubrique actualités, cliquer sur 29.01.2009
- rubrique actualités, cliquer sur « Jazz in Belgium »
- rubrique « Jazz in Belgium », cliquer sur l’image de couverture du n° 65
- texte (en format pdf) : pages 21 à 23, avec en prime une photographie pleine page magnifique.

mercredi 28 janvier 2009

samedi 31 janvier - cordes et lames

J’écoute avec un plaisir sans mélange le disque de Francis Varis et ses collègues, « Cordes et Lames ». Plaisir sans mélange, plaisir multiple. Plaisir d’écouter un disque que j’avais fini par considérer comme définitivement épuisé. Plaisir d’écouter un 33 tours et, pour ce faire, de retrouver des gestes - que dis-je ? – des rituels d’une autre époque : poser le disque sur le plateau du phonographe, d’abord la face A, faire démarrer le dit plateau, dégager le levier, poser le diamant, écouter les cinq morceaux de la face A pendant une quinzaine de minutes ; recommencer les opérations pour écouter les quatre morceaux de la face B. Plaisir de tenir entre mes mains un disque neuf enregistré en 1983 et de me demander quel a été son destin avant de sortir de sa pochette, le 28 janvier 2009. Plus d’un quart de siècle dans l’ombre et puis, aujourd’hui, à Pau… Plaisir – celui-ci est primordial – de la musique et en particulier du toucher et de l’inventivité de Varis, que je trouve trop rare. Plaisir d’un jazz que j’appellerais volontiers distancié, bien tempéré, par opposition à un jazz volcanique, torride, excessif. Plaisir suscité par le charme de deux valses : "Varis-Orly" de Didier Roussin et "Sweet Valse" de Varis. Respectivement, 2:42 et 3:48.

Et puis, au dos du disque, il y a un texte signé Alain Antonietto (dont je ne sais rien) plein d’intérêt et par son caractère informatif quant au rôle de l’accordéon dans le jazz et par ses prises de position quant aux caractéristiques comparées des accordéons à boutons ou de type piano. Je retiens en particulier ce passage :

« … c’est un certain Philippe-Joseph Bouton (au nom prédestiné) qui, en 1852, eut l’idée de ce système [clavier piano]. D’une pratique moins aisée, rendant périlleux les traits de virtuosité (en raison de l’écart entre les touches piano) il a une étendue de notes inférieure au système à boutons, le clavier ne comportant que deux rangées au lieu de trois.[…] On ne joue donc pas de l’accordéon-piano avec la désinvolture digitale commune aux as de la boite à punaises, friands de triolets, dont les performances de dactylo tiennent trop souvent lieu de pensée musicale. Il est alors compréhensible qu’en France, patrie du musette, l’accordéon-piano n’ait eu que peu d’adeptes. Mais Varis est avant tout jazzman… ».

Cette référence à la dactylographie comme modèle de virtuosité m’enchante. Elle me rappelle cette anecdote : un accordéoniste français ayant débarqué aux Etats-Unis avec son instrument à boutons, les journalistes, dit-on, ne comprenaient pourquoi il se déplaçait toujours avec sa machine à écrire et pourquoi il en prenait tant de soin.

samedi 31 janvier - joël louveau par retour du courrier

Huit heures. La dame factrice, qui ne sonne toujours qu'une fois, dépose en coup de vent un paquet facilement identifiable devant la porte. Elle est passée par ici, elle ne repassera pas !

Rituel : le paquet bien à plat sur la table. Le temps de rêver un peu à son contenu. L'adresse de l'expéditeur ne me laisse aucun doute.
A l'intérieur, plein de choses belles ou sympathiques. De la documentation sur l'entreprise de Joël Louveau et trois disques. Devant cette profusion de couleurs, je suis comme un enfant. J'assume avec délice cette puérilité. J'espère bien la cultiver jusqu'à mon dernier souffle. C'est une manière, qui en vaut bien d'autres, de retomber en enfance.

Bref ! Dans le colis, trois disques : deux cds et un 33 tours :
- "Cordes et Lames", que toutes mes informations me donnaient comme épuisé. Une vraie résurrection. Fracis Varis, accordéon, Dominique Cravic, guitare, Yves Torchinsky, contrebasse, Jean-Claude Jouy, batterie et Dominique Pifarely, violon, sur un titre. Editeur : Jamuz. Enregistrement et mixage entre le 29 mars et le 9 juin 1983.
- "Trio Elbasan / Un voyage du Danube à la Méditerranée". 2008. Thierry Vaillot, guitare, Héloïse Lefebvre, violon, Christian Toucas, accordéon.
- "Yuri Shishkin / Sonata n° 6 d'Anatoly Kusiakov / Pictures an Exhibition de Modest Mussorgsky". 2008, Waldemar Gudi.

Ma première impression se confirme : l'entreprise Joël Louveau est digne de confiance. Cela vaut la peine d'être signalé, car finalement il n'est pas si fréquent que les délais entre commande et réception soient aussi scrupuleusement respectés. Et puis, je l'avoue, ce 33 tours me touche car j'en avais fait (difficilement ) mon deuil.
Il est temps d'abandonner mon clavier d'ordinateur et de faire chauffer la platine de lecture. D'autant plus que nous avions emporté pour notre voyage à Bordeaux le dernier opus de Titi Robin, "Kali Sultana" (2 cds), avec Francis Varis à l'accordéon, et qu'évidemment nous ne l'avons pas écouté. Trop de tension à l'aller ; pas le coeur au retour.


vendredi 30 janvier - et après... pas de photonotes

Dimanche, notre retour à Pau via Hossegor s'est fait sur une route tellement dévastée par la tempête qu'une sorte de pudeur nous a interdit de prendre des photographies. Les images que nous garderons de ce parcours seront donc exclusivement celles que nous avons enregistrées dans nos mémoires, chemin faisant.

Et si devais garder une seule trace matérielle de cet événement catastrophique, ce serait ce courriel que Françoise, dès notre retour à la maison, a adressé à des copains :

"Nous voici enfin rentrés à bon port ce soir après une bien triste traversée de nos Landes massacrées par la tempête. Forêt de moignons d'arbres brisés, route tracée entre des congères de débris végétaux, accumulation de poids lourds parqués sur les aires d'autoroutes, pluie battante...la gorge nouée , nous sommes allés voir notre chère chaumière d'Hossegor : des arbustes lacérés, mais les grands arbres apparemment intacts et notre maison sans dommage visible !!! Soulagement égoïste dans toute cette désolation environnante... ".

vendredi 30 janvier - photonotes capc entrepôt lainé

Le vaste espace des entrepôts Lainé est sombre et silencieux. Quelques visiteurs se déplacent comme des ombres dans la travée centrale transformée par la magie d'une installation en forme de vitrail gigantesque en une sorte de nef de cathédrale.

A peine éclairé, entouré de quelques personnes qui semblent attendre quelque Godot, un violoncelliste, seul dans son monde, répète le concert qu'il va donner dans quelques minutes. Une création mondiale en présence d'Eliane Radigue, le compositeur (la compositeure ? la compositrice ?)...
Parmi les oeuvres conceptuelles et les installations exposées, un paquet dont la présence nous intrigue. Nous nous interrogeons, mais nous restons avec nos interrogations... Nous ne pouvons croire, ce qui pourtant est le plus probable, qu'il s'agit d'un sac de gravats oublié par des ouvriers. a moins que ce ne soit une manière de nous faire voir les gravats autrement que comme des gravats.

Et puis, cette sculpture étrange. Ni titre, ni fiche descriptive, ni nom d'auteur, ni date. Rien. J'ai déjà dit qu'il y avait d'autres sculptures identiques dans d'autres salles et que j'avais été choqué par l'attitude de certaines personnes qui n'avaient rien trouvé de mieux que de s'asseoir dessus, sans vergogne. Un objet d'art n'est pas un objet utilitaire. Non ?



Plus tard, alors que toutes les lumières ont été éteintes, sauf un projecteur débile, une applique portant la mention "sortie de secours" en vert fluo et une autre portant l'indication vivement éclairée "toilettes", le violoncelliste a commencé son concert. L'entrepôt Lainé ressemble non plus à une cathédrale, mais à des catacombes. On a l'impression d'être convié à une cérémonie mystérieuse d'une secte improbable. La pénombre pour ne pas dire l'obscurité et le son continu du violoncelle qui étire le temps nous plongent dans un état physique étrange. On a pour ainsi dire perdu nos repères d'espace et de temps : hallucination cénesthésique. On est loin de la lumière et de l'éclat du concert de tango ! Autre lieu, autre musique.







vendredi 30 janvier - photonotes musée des beaux arts : henri martin

16h30. Musée des Beaux Arts. Jardin de la mairie de Bordeaux. Il y a environ une heure que le concert "Tango Piazzolla" s'est achevé. Un gardien vient de nous ouvrir le portail pour nous permettre d'entrer dans le musée. L'atmosphère est étrange : le ciel est dégagé, parsemé de quelques rares nuages ; pas un souffle de vent. Un panneau affiché sur le portail annonce que la traversée du jardin est interdite à cause d'une alerte de tempête. Nous demandons confirmation de cet avis au gardien qui semble aussi perplexe que nous, mais qui applique les ordres.

L'exposition temporaire est consacrée à Henri Martin, un peintre que nous ne connaissons pas. une peinture surprenante au croisement du pointillisme, du néo-impressionnisme, au plan technique, et du néo-classicisme, au plan de l'inspiration. Une technique très élaborée et une imagination qui me laisse rêveur. Je me demande quel pouvait être l'inconscient d'Henri Martin, que j'imagine se promenant, méditatif, dans la forêt ci-dessous et fabriquant dans sa tête ces images de nymphes vêtues de probité candide et de lin blanc, comme dirait le poète.
Curieusement, ces images me font penser à quelque harmonie pythagoricienne. Je leur trouve une structure musicale. Etonnant, non ?



Henri Martin a peint beaucoup de paysages. Beaucoup en restituent l'atmosphère avec justesse. On y sent la chaleur, les vibrations de l'air, le grain des pierres, l'humidité des champs... Ce tableau, en particulier, m'intéresse, c'est pourquoi j'essaie, en quatre photographies, d'entrer dans sa technique. Intéressant, non ?
























mardi 27 janvier 2009

vendredi 30 janvier - photonotes concert tango piazzolla

Suivant les sources d'information, le concert était annoncé pour 14h15 ou pour 14h30. En arrivant à 13 heures, nous pensions naïvement être suffisamment en avance pour aller prendre un café en surveillant les premiers arrivants. Mais, à cette heure, ils étaient déjà installés devant la porte d'entrée. Pas de café donc ; il faut prendre rang. C'est en de telles circonstances que l'on peut vérifier à quel point les seniors sont costauds et pointilleux sur le respect de l'ordre des arrivées. Heureusement, nous sommes plus en forme que la plupart d'entre eux, ce qui nous permettra de dépasser presque tous ceux qui nous précédaient dans les longs couloirs du Grand Théâtre. Pas de cadeau !

14h34. Trois des musiciens. On ne voit pas la pianiste, au fond, ni le contrebassiste, à gauche. L'acoustique du lieu est magnifique. L'accordéon donne au tango un je-ne-sais-quoi plein de suavité.

14h51.

14h55.



15h06. Les postures du guitariste, du violoniste et de l'accordéoniste me paraissent bien significative de leur attitude : aucune crispation, aucun excès, aucune outrance. L'expressivité ne se confond pas avec l'expressionnisme caricatural qui accompagne souvent l'interprétation de tangos.



15h10. Calme et sérénité. Le respect scrupuleux d'une musique très rigoureusement écrite.


Dire que le concert n'a duré qu'une heure, cela n'aurait aucun sens, car ce que nous avons eu le privilège d'écouter ici et maintenant fait dès à présent partie de nous et n'a pas fini de résonner en nous. Déjà, nous savons bien que nous en parlerons et reparlerons pendant des heures et des heures...





vendredi 30 janvier - photonotes pau bordeaux

Pendant que nous roulions vers Bordeaux, entre 10 et 11 heures, Françoise a pris ces photographies. De longues files de camions traversent la forêt landaise dont le sol est gorgé d'eau. Les bas-côtés débordent et parfois les champs scintillent malgré l'absence de soleil. Ils sont recouverts par une pellicule encore fine d'eau de pluie. Nous n'imaginons pas en cet instant que le sol détrempé n'est plus capable de fixer les racines des pins. Le vent violent de la tempête déracinera peut-être encore plus d'arbres qu'il n'en brisera. Pour le moment, dans notre bulle, nous ne voulons penser qu'au plaisir du concert à venir et en particulier à celui d'écouter Bruno jouer du tango.






Ce trajet jusqu'à Bordeaux est étrange. Tout se passe comme si l'on devait parcourir une sorte de sas interminable avant de pouvoir profiter en toute quiétude d'une heure de concert. Comme un parcours initiatique. Devant l'obstination des grains qui se succédent sans interruption, on est tenté d'appeler cela une tempête. On se rendra compte un peu plus tard, en traversant à nouveau les landes, qu'une tempête, c'est tout autre chose.



vendredi 30 janvier - photonotes gilles cuzacq

jeudi 22, 23h30. Gilles vient de reprendre la route pour rejoindre Mont-de-Marsan. C'est le moment où Françoise et moi, nous commençons à desservir la table du bistrot. Il reste ici et là les restes de notre grignotage et quelques cadavres à moitié pleins. Nous savons déjà qu'en les finissant nous prolongerons le plaisir de cette rencontre.

Mais en attendant, dès à présent, les tâches matérielles du "débarrassage" sont l'occasion de nous rappeler les propos de Gilles : son engagement "en accordéon", sa vie professionnelle et son goût pour la composition, son regard distancié sur le monde de l'accordéon, ou plus exactement sur les mondes de l'accordéon.

Du coup, ce moment, loin d'être fastidieux, fonctionne comme un temps où nos sensations, nos impressions et nos souvenirs se fixent.

jeudi 29 janvier - joël louveau

A l'occasion de l'émission 2/3 du "matin des musiciens" consacrée à l'accordéon [cf. mercredi 21 janvier], j'avais noté le site de Joël Louveau, facteur d'accordéons et distributeur de disques. Jusqu'à ce jour, j'ignorais son nom. J'ai découvert depuis que Sylvie Jamet avait signalé son existence dés février 2005, je crois, mais cela m'avait échappé.

http://www.bourgogne-luthier.com/Joel-Louveau.php

Ayant pris contact avec lui par courriel, et après lui avoir dit mon intérêt pour son travail de distributeur, j'ai reçu son catalogue : 100 pages, plus de 300 références. Une vraie caverne d'Ali-Baba. Avec un grand nombre d'oeuvres difficiles à se procurer.

Un site qui mérite une petite visite ! J'ajoute que les photographies des accordéons qu'il fabrique donnent l'image d'instruments raffinés, à l'opposé des instruments bariolés et agressifs auxquels on identifie encore trop souvent l'accordéon. On a envie de les caresser, d'en sentir le bois et la respiration du soufflet. De beaux objets !

mercredi 28 janvier - le matin des musiciens (3/3)

... écouté hier matin la troisième et dernière émission du cycle consacré à l'accordéon dans le cadre du "matin des musiciens".

http://www.radiofrance.fr/francemusique/em/matin-musiciens_mardi/emission.php?e_id=65000043

Ci-dessous, la page de présentation de cette émission :

Cycle accordéon d'aujourd'hui 3 : Bruno MANTOVANI avec Pascal Contet

Troisième et dernière émission consacrée au répertoire de "l'accordéon d'aujourd'hui" avec 8'20 chrono (2007) pour accordéon seul de Bruno Mantovani / Invités : Pascal Contet et Bruno Mantovani

Pascal Contet contribue activement à l'exploration des possibilités expressives de son instrument dans tous les styles de musique, sans restriction. Il est depuis plusierus années déjà un accordéonistes favoris des compositeurs d'aujourd'hui. par ses qualités de jeu exceptionnelles, sa virtuosité et son imagination, il suscite chez les créateurs contemporains de nouvelles pièces, autant d'ouvertures et de découvertes de nouveaux mondes sonores alliant l'exploration à l'inouï.Pascal Contet joue et présente pour ce Matin des Musiciens une œuvre composée pour lui par Bruno Mantovani en 2007 et non encore éditée : 8'20 chrono. Une analyse de la partition et une discussion prend alors lieu avec le compositeur.

J'ai maintes fois écouté Pascal Contet, que ce soit en concert ou par l'intermédiaire de disques comme "Electrosolo" ou "Bouts de souffles" (avec Andy Emler). Je trouve son écoute très exigeante. Disant cela, j'ai bien conscience qu'il met en évidence mon manque de culture musicale. J'ai l'impression en effet que ses interprétations, ses improvisations ou les compositions nombreuses qu'il inspire procèdent d'une réflexion abstraite sur la musique et sur l'accordéon comme instrument dont il reste à explorer quantité de possibilités inexploitées. En cela, son entreprise m'intéresse. Studium, suivant la terminologie de R. Barthes. Mais de punctum, point. Ce n'est pas un accordéon qui me touche. Mais je pense qu'en approfondissant l'oeuvre de Pascal Contet, en me familiarisant avec celle-ci et en me laissant apprivoiser, le plaisir sensible viendra. Parler de plaisir sensible est à la limite du paradoxe. Je m'explique. Si l'on se réfère à la distinction mise en évidence par les sciences cognitives entre des fonctions différenciées du cerveau droit et du cerveau gauche, celui-ci plutôt analytique et conceptuel, celui-là plutôt synthétique et pensant par images, je dirais que l'accordéon de Pascal Contet me semble s'adresser en priorité au cerveau gauche. Disons un accordéon conceptuel. Même si c'est moins évident que le plaisir affectif ou de l'imagination, il y a aussi un plaisir de l'intellect, du cerveau gauche. Je ne désepère pas d'en faire l'expérience. Par exemple en écoutant à nouveau cette émission.

mardi 27 janvier - de pau à pau via bordeaux en trois jours

Il y a des moments comme ça où la vie est un peu moins banale qu’à l’ordinaire, même s’il ne s’agit pas d’aventures mais simplement d’instants mémorables à des titres divers. En tout cas, ici, ce sont bien des événements, dont je veux garder traces.

- le jour d’avant : le bistrot de Gilles

Nous avions prévu de longue date d’aller écouter Bruno Maurice en quintet au Grand Théâtre de Bordeaux, le vendredi 23, à 14h15. Lieu prestigieux s’il en est. Au programme « Concert Tango » dédié à des œuvres de Piazzolla. Nous avions donc retenu une chambre près de la gare et du conservatoire de musique d’Aquitaine pour la nuit de jeudi à vendredi avec l’intention de passer la soirée à Bordeaux et de rejoindre « les petits » à Toulouse après le concert afin de passer le week-end en leur compagnie. Charlotte nous attendait avec impatience pour que nous puissions l’admirer au cours de la représentation prévue samedi soir par son école du cirque. Avant de partir, je devais rendre visite à ma mère en sa maison de retraite à Nay, jeudi après-midi. Devoir absolu, devoir quasi sacré ! Mais… Gilles Cuzacq honorant un contrat à Lons, banlieue de Pau, ce même jeudi 22, comme nous étions convenus de nous rencontrer dès que possible, nous avons sauté sur l’occasion, repoussé notre réservation d’hôtel de jeudi à vendredi et décidé de partager ensemble notre repas du soir. Alarme du réveil réglée sur 7 heures.

Mais… vers 18 heures, coup de téléphone de Gilles, en panne de batterie quelque part sur une rocade entre Lons et Pau. Comme nous essayons de le rejoindre par mobiles et GPS interposés, nous prenons la mesure des ondées qui se déversent sur la région, qui font sortir les gaves, les ruisseaux, les rivières et les fleuves de leur lit, et qui rendent la terre tellement gorgée d’eau que les arbres semblent pouvoir être déracinés au moindre souffle de vent. On se demande si l’on ne circule pas dans un vaste aquarium. Alors que nous tâtonnons quelque peu, Gilles nous informe que sa batterie a cessé son mouvement d’humeur et qu’il est sur le parking du Géant Casino où nous sommes en train de chercher une place pour nous garer. Il est temps d’aller attaquer l’apéro qui nous attend à la maison.

Cet apéro, c’est une des modalités du bistrot des accordéons. Nous passons une agréable soirée, pleine d’enseignements sur la vie d’accordéoniste de Gilles. Nous découvrons un monde qui ne nous est pas familier. Nous l’écoutons avec intérêt et plaisir : son histoire, son apprentissage de l’accordéon et de la trompette, deux instruments où finalement le souffle est primordial, ses choix de vie, son installation dans la région de Mont-de-Marsan, ses activités de compositeur et d’arrangeur. Son disque. Malgré les apparences, malgré les titres, nous avions bien perçu que « Pays d’Accordéon » n’était pas un opus « à la manière de… ». En écoutant Gilles nous en parler, nous expliciter ses intentions, nous vérifions qu’il s’agit plutôt de « morceaux à ma manière », de "danses à ma guise". Il nous décrit son travail de compositeur, son goût pour la technique qui lui donne toute la liberté et l’autonomie qui lui conviennent. Il nous parle aussi de manière distanciée de l’accordéon au kilomètre… Il nous semble, à l’écouter, que nous comprenons mieux son monde et sans doute celui des accordéonistes. Il nous fait un peu pénétrer dans sa vision de ce monde et dans ses projets… Et c’est bien. Nous nous quittons vers 23h30. Sa voiture démarre sans hésitation. Avant de partir, il nous laisse sa carte. En remplissant la machine à laver la vaisselle et en essuyant les verres avant de les ranger, en passant un dernier coup de balai, nous échangeons, Françoise et moi, nos réflexions sur notre rencontre avec Gilles. Nous comprenons mieux à quel point la musique peut être vécue comme une nécessité, comme une passion nécessaire, un amour incomparable.

- le premier jour : concert Tango Piazzolla

Vendredi matin, départ de Pau à 8h30. Nous savons que la route est indigne d’une voie de communication entre la capitale de l’Aquitaine et celle du Béarn, au carrefour de l’axe Nord-Sud : Paris / Bordeaux / Espagne et de l’axe Est / Ouest : Bilbao / Bayonne / Toulouse. Pour tout arranger, il y a sur cette route plusieurs déviations dues aux travaux de construction de l’autoroute, beaucoup de camions et une pluie battante. Les fossés sont remplis d’eau à ras bord et les champs ont renoncé à absorber la pluie incessante. A chaque croisement de camion, on croirait traverser un mur de gouttes chargées de vapeurs de gazole. Alors que Toulouse, à 200 kilomètres de Pau, est à moins de deux heures de route, il faut compter trois heures pour rallier Bordeaux et notre hôtel. Où nous déposons nos bagages et où nous mangeons les sandwiches et la salade composée que Françoise avait préparés. Le concert ayant lieu à 14h15, nous décidons de rejoindre le Grand Théâtre par le tramway assez tôt pour avoir le temps de boire un café en surveillant les premiers arrivants. Nous sommes bien naïfs… En descendant du tramway à 13 heures, à notre grande surprise, nous voyons une dizaine de personnes déjà en faction devant la porte d’entrée. Ce concert est offert par la ville de Bordeaux à ses « seniors ». Pas de café donc. Nous rejoignons illico la file qui s’esquisse. Et nous nous disons d’une part que la ville de Bordeaux ne se moque pas de ses seniors pour leur offrir un tel concert, d’autre part, en les écoutant, que ceux-ci sont fort cultivés si l’on en juge d’après leurs conversations et leur appétence pour les manifestations culturelles multiples qui leur sont offertes. Avant le concert, le maire de Bordeaux offre ses vœux aux seniors puis remet des diplômes à un certain nombre d’entre eux, placés au premier rang, qui montent sur la scène. Comme nous nous sommes assis au second rang, devenu ainsi le premier occupé par des spectateurs, lorsque le maire passe devant nous, il nous serre la main. Sans doute devrais-je me sentir honoré. En fait, je pense à l’ancien maire de Pau, un virtuose dans l’art de serrer les mains, au point qu’il était appelé par ses administrés « Toque Manettes » [Touche-Mains] et cette idée enlève beaucoup de solennité à la situation. Je devrais en être désolé, mais non je n’y arrive pas.

Le concert ? Durée : un peu plus d’une heure. Le thème : « Tango d’Astor Piazzolla ». Le quintet : Bruno Maurice, accordéon, Fernando Millet, guitare, Stéphane Rougier, violon, Matthieu Sternat, contrebasse, Sophie Teboul, piano. Un seul défaut peut-être : la durée, que pour ma part j’aurais bien doublée. Mais, bon, tel quel, ce fut un moment magnifique. L’acoustique du lieu ! Et puis, la formation elle-même qui rappelle la plus prestigieuse de Piazzolla. Et surtout, ce qui finalement est rare dans les interprétations d’œuvres de Piazzolla, une précision, une attaque, un phrasé qui ne confondent pas puissance et stridences, expressivité et niveau sonore. Un moment que je compte bien prolonger en écoutant à nouveau Piazzolla avec la certitude déjà que ce que je viens d’entendre me fera saisir des nuances et des intentions que je n’avais pas su percevoir jusqu’ici. Nous avons remarqué que Bruno n’a pas son Appassionata que nous lui connaissions.

En sortant, nous apercevons Eléonore qui quitte la salle, puis nous la perdons de vue. Nous apprendrons plus tard qu’elle-même nous a vus puis perdus de vue. Peu après, alors que nous passons en tramway devant le Grand Théâtre, nous apercevons Bruno et Eléonore descendant les marches ; nous descendons du tramway au premier arrêt possible, nous les cherchons, en vain, ils ont disparu parmi les passants. Nous ne pouvons nous résoudre à l’idée de ces ratés. Nous pensons qu’à un moment ou à un autre nos pas se croiseront.

Comme il n’est pas tard, nous décidons d’aller voir ce que propose le musée des beaux-arts comme exposition. A notre grande surprise, nous découvrons que les grilles du jardin de la mairie, où se trouve le musée, sont fermées pour cause d’avis de tempête. Un huissier s’approche et nous ouvre le portail. L’exposition temporaire est consacrée à Henri Martin. Un néo-impressionniste, le rejeton improbable de Signac et de Puvis de Chavannes. La rencontre d’une technique pointilliste et d’un imaginaire académique inspiré par une Antiquité fantasmée. Etonnant.
Le soir, après avoir pris un moment de repos à l’hôtel, comme nous avons une petite faim, nous décidons d’aller dîner dans l’un des restaurants face à la gare. Lorsque nous sortons dans la rue, le froid nous saisit. Surprise ! Décidément nous avons bien raison de ne pas croire au hasard, sinon au hasard objectif et au hasard comme instrument de la volonté et du désir. Surprise ! Bruno Maurice, qui vient de donner un cours au conservatoire et qui rejoint son domicile, passe devant la porte de l’hôtel à l’instant même où nous en sortons. Dire que nous sommes contents de cette rencontre, c’est peu dire. Nous faisons quelques pas ensemble, nous lui disons notre plaisir d’avoir pu l’écouter. Nous lui apprenons qu’un avis de tempête est annoncé pour la nuit prochaine et que la région est en zone de vigilance rouge. Par conséquent, nous avons renoncé à rejoindre Toulouse et même à rentrer à Pau. Il nous propose de déjeuner ensemble ce samedi. Rendez-vous est pris pour 12h15 au conservatoire.

- le deuxième jour : le bistrot de Bruno et Eléonore

Que dire de la nuit ? Comme annoncé par Météo France, un vent violent se lève peu après quatre heures du matin. On aperçoit bientôt des panneaux publicitaires traversant la rue ; on entend d’étranges cliquetis : ce sont des éléments d’un échafaudage qui viennent s’écraser contre une porte de garage métallique. Des bourrasques sifflantes soulèvent en gerbes l’eau accumulée sur les terrasses des immeubles d’en face. On entend vers six heures un craquement qui nous donne à penser que l’un des arbres d’un square voisin vient d’être soit déraciné, soit déchiqueté. Et ainsi de suite… Le lendemain matin, vers dix heures, Bruno nous annonce au téléphone que le conservatoire est fermé, que la circulation est rare, que les commerces sont clos, et que finalement le mieux serait que nous déjeunions non au restaurant, mais chez lui. Evidemment, la proposition nous agrée. Les informations nous confirment qu’il s’agit bien d’une catastrophe majeure. Nous demandons à l’hôtelier de pouvoir garder la chambre jusqu’à dimanche matin. Pas question en effet de quitter Bordeaux, ni pour Toulouse, ni pour Pau. Toute circulation est interrompue hors de la ville. En attendant midi et quart, nous décidons de sortir la voiture du garage et d’aller faire un tour du côté des quais et des cours du centre. Plusieurs arbres sont couchés au sol ; nous comptons quatre voitures écrasées par des branches ; les grilles du jardin public sont tordues en plusieurs endroits sous la poussée de troncs énormes… Partout des poubelles renversées, dont les contenus se répandent sur les trottoirs.

A midi et quart, nous retrouvons Bruno devant la gare. Comme ce blog n’a pas vocation à l’indiscrétion, je voudrais dire simplement que ce déjeuner a été un vrai plaisir. Nous avons découvert les qualités culinaires d’Eléonore et les talents d’improvisateur de Bruno – tout fait main, sauf le café, forcément ! Plaisir de la conversation. Echanges à bâtons rompus. Sympathie.

En fin d’après-midi, nous décidons d’aller jusqu’au musée d’art contemporain de Bordeaux, qui se trouve en un lieu grandiose et fascinant : l’entrepôt Lainé. Une merveille architecturale. Un bâtiment voué au commerce du vin et destiné à recevoir des barriques de châteaux prestigieux. Parcourir ce lieu suffirait déjà à notre bonheur. Diverses installations retiennent notre attention. Un immense décor se dresse comme un vitrail intense et démesuré. Plusieurs salles présentent des œuvres que je dirais d’art conceptuel, suivant l'expression consacrée. Françoise, plus justement, parle d'art virtuel. Dans l’une, il y a, posée au sol, une palette chargé de sacs transparents qui semblent remplis d’une sorte de poudreuse blanche. Je suis un peu choqué que les ouvriers aient ainsi abandonné leurs gravats. Près de l’entrée de cette même salle, il y a une sculpture étrange. Il faut imaginer un objet d’environ un mètre de hauteur et de quarante de largeur, formé de trois parties : la partie supérieure, verticale, est une sorte de lyre très stylisée, la partie centrale, horizontale, est pour ainsi dire une galette circulaire, la partie inférieure, verticale, est constituée de quatre tiges de fer posées au sol sur lesquelles repose la partie centrale intermédiaire. Aucune indication ni d’auteur, ni de titre, ni de matériaux. Cet objet me laisse perplexe. Mais ce qui me choque, c’est de voir dans une salle voisine un homme, encore jeune et apparemment en bonne santé, qui lit un roman, assis sans vergogne sur une sculpture identique à celle que j’ai décrite plus haut. Plus tard, à 18 heures, alors que toutes les lumières de l’entrepôt sont éteintes, dans la nef centrale, un violoncelliste, éclairé par une loupiote, prend place devant un parterre de chaises en demi-cercle – une vingtaine d’auditeurs – et commence à jouer. Le temps s’étire dans cet espace de quasi-catacombe. Il s’agit de « Nadjorlak I, II, III », une œuvre d’Eliane Radigue, en création mondiale, pour violoncelle et cors de basset.

Vers 21 heures, nous dînons dans un restaurant face à la gare d’où ne part ni n’arrive aucun train du sud. Nous apprenons que la circulation routière sera ouverte à nouveau dimanche matin.

- le troisième jour : les désastres de la tempête

Dimanche donc, nous décidons de rentrer à Pau par Hossegor, car nous sommes inquiets de savoir si la tempête a fait des dégâts. Tout au long de la route, la tristesse nous accable. Parfois, nous passons entre deux murs d’arbres tronçonnés ; parfois, c’est un espace interminable de jeunes pins dressés comme des moignons vers le ciel. Saint Vincent de Tyrosse puis Hossegor nous apparaissent comme des villes mortes, sans électricité, ni réseau téléphonique, fixe ou mobile. Nous avons du mal à rejoindre la villa entre branches, murs et poteaux abattus. Deux arbousiers sont au sol, déchiquetés. Le pin n’a pas bougé. Il a résisté alors que bien d’autres alentour explosaient. Sans nous attarder, nous rentrons à Pau. On voit bien que l’Adour et ses affluents sont sur le point de se répandre dans les terres basses. En arrivant à la maison, nous découvrons que le cèdre bleu d’un voisin est déraciné. La terre saturée d’eau de pluie n’a pas pu le retenir. De même, en face, chez un autre voisin, un chêne centenaire n’a pas résisté aux assauts des bourrasques. Désolation.

- le jour d’après : des émotions contradictoires

Ce matin, un courriel nous informe que la « Tchache de Luxey », qui devait avoir lieu dimanche 1er février, avec un débat, un déjeuner en commun et les accordéonistes Daqui (Macias, Amestoy, De Ezcurra) est annulée. Luxey est situé dans la partie la plus touchée de la lande girondine. Nous avions retenu une chambre à Sore, à la Bergerie de Pinot, à dix kilomètres. A dix heures et demie, la propriétaire nous informe de Bordeaux par téléphone qu’elle n’aurait pu nous accueillir : des dégâts aux bâtiments, pas d’eau, pas d’électricité. Une vie normale ne pourra être rétablie avant une semaine…

Nous sommes tristes d’avoir vu le pays dévasté, nous sommes tristes de penser à ces pins détruits, pins de vingt, trente, quarante années, nous sommes tristes en pensant au drame qui touche de plein fouet ces sylviculteurs dont la vie a pour mesure des durées que l’on ne connaît plus. Et cependant, malgré tout, il nous reste le bonheur d’une heure de concert, le plaisir de vraies rencontres, pleines d’amitié, l’émotion devant un tableau ici, une installation là.

Je voulais garder trace de ces jours chargés d’émotions contradictoires. Dès que possible, j’y reviendrai à l’aide de quelques photonotes…

mardi 20 janvier 2009

mercredi 21 janvier - le matin des musiciens (2/3)

Hier, mardi, "le matin des musiciens", encore une remarquable émission : la rigueur et la pertinence des questions de Corinne Schneider, la passion et la clarté de Yuri Shiskin, la traduction lumineuse et qui coule de source d'Elodie Soulard. Ci-dessous le texte de présentation de l'émission. Pour reprendre les catégories de Roland Barthes : studium et punctum liés de manière inséparable. Plaisir d'apprendre et de comprendre ; plaisir de l'écoute approfondie par l'intelligence passionnée et communicative des trois "médiateurs".

Cycle accordéon d'aujourd'hui 2 : Anatoly KUSIAKOV avec Yuri Shishkin

Deuxième émission consacrée au répertoire de l'accordéon d'aujourd'hui : Sonate n°6 op. 42 (2003) d'Anatoly Kusiakov (1946-2007) Invités : Yuri Shishkin et Elodie Soulard Yuri Shishkin est né le 24 août 1963 à Azov, dans la région de Rostov (Russie). Il est lauréat de plusieurs concours internationaux, notamment ceux de Klingenthal (Allemagne, 1988), Kansas-City (USA, 1990) et Castelfidardo (Italie, 1991). Considéré comme un des plus grands virtuoses de l'accordéon de sa génération, Yuri Shishkin donne plus d'une centaine de concerts par an.Yuri Shishkin présente la Sixième Sonate op. 42 pour accordéon du compositeur russe Anatoly Kusiakov (1946-2007) avec lequel il a travaillé. Kusiakov est également originaire de la région de Rostov où il fait ses études de composition avant de se perfectionner au Conservatoire de Moscou. Il compose à partir des années 1970 et effectue toute sa carrière au Conservatoire Rachmaninov de Rostov où il est professeur de composition et d'orchestration à partir de 1974. En 2003, il est récompensé par la Confédération Internationale des Accordéonistes (Finlande, Helsinki) pour l'ensemble de ses compositions pour l'accordéon et pour sa contribution au rayonnement du répertoire propre à cet instrument.

Yuri Shishkin raconte comment il a transcrit plusieurs partitions de Franz Liszt à partir des interprétations d'Horowitz qu'il note en dictée depuis les enregistrements réalisés par le pianiste. Puis il présente sa propre transcription des Tableaux d'une exposition de Modest Moussorgsky. Yuri Shishkin donne de nombreux exemples à l'accordéon et joue "Bydlo" pour le Matin des Musiciens.Tout au long de l'émission, l'accordéoniste française Elodie Soulard traduit du russe au français les propos de Yuri Shishkin.

Sur la page de présentation de l'émission, cette information :

Pour vous procurer les enregistrements de Yuri Shishkin en France

Joël LOUVEAU
3 rue des Chaumes 71 520 MATOUR
tel: 03.85.59.75.58 fax: 03.85.59.75.97
email: accordinova@wanadoo.fr

lundi 19 janvier 2009

mardi 20 janvier - tango pour claude

Après « Giselle », j’ai continué aujourd’hui mon projet d’écoute en alternance [cf. mardi 13 janvier] avec les différentes versions dont je dispose de « Tango pour Claude ». Françoise me faisait remarquer à propos de « Giselle » [cf. samedi 17 janvier] que si je décrivais le dispositif de manière assez précise, je ne disais rien de mes impressions particulières. J’en suis d’accord, mais je dois à la vérité de dire que mon attention est tellement focalisée sur la perception de différences que, paradoxalement, alors même que je les sens intuitivement, je suis bien en peine de les traduire en mots et en phrases.

Tout au plus puis-je dire que la version « Richard Galliano / Brussels Jazz Orchestra » me touche par sa puissance, qui évoque pour moi quelque chose des cathédrales, quelque chose qui s’apparente à l’impression que j’éprouve en parcourant la nef d’une cathédrale. Une impression contradictoire : une puissance écrasante et en même temps accueillante. La version « Richard Galliano & Tangaria Quartet / Live in Marciac » évoque pour moi immédiatement le concert de Marciac. Je me revois – c’était le morceau d’ouverture – collé à mon siège, sidéré par la force de Galliano et par la présence d’Alexis Cardenas. L'impression d'être littéralement traversé de part en part par la musique. La version « Michel Portal & Richard Galliano / Concerts », même si je me refuse à établir la moindre hiérarchie, reste pour moi, sinon ma préférée du moins un moment rare. Le dialogue de la clarinette et de l’accordéon me surprend chaque fois par la créativité et la liberté d'imagination qu’il manifeste. Sans parler, ça va de soi, de la maîtrise technique. Mais, en fait, je regrette un peu d’avoir ainsi mis en relief trois versions car les autres ne m’émeuvent pas moins, même si les mots pour le dire me manquent.

Donc, si j’explore mon petit trésor, je trouve six versions, à savoir deux duos, un trio, deux quartets et un big band.

- « Concerts inédits, duo / Richard Galliano & Michel Portal ». 3 :52. Clarinette et accordéon. Enregistrement public dans les studios de la radio NDR à Hambourg. 1998. Le sous-titre de l’édition que je possède m’a toujours paru étrange : « La scène jusqu’à la transe ».
- « Michel Portal & Richard Galliano / Concerts ». 5 :12. Clarinette et accordéon. Enregistré en public au théâtre des Arcimboldi à Milan, 2003.
- « Concerts inédits, trio / Richard Galliano, Daniel Humair, Jean-François Jenny-Clark ». 4 :25. accordéon, batterie, contrebasse. Enregistrement public au festival de Jazz de Montreux, 1996.
- « Viaggio / Richard Galliano, Bireli Lagrene, Pierre Michelot, Charles Bellonzi ». 4 :09. Accordéon, contrebasse, batterie, guitare. Enregistrement en studio, 1993.
- « Richard Galliano & Tangaria Quartet / Live in Marciac 2006». 5:11. Alexis Cardenas, violon ; Philippe Aerts, contrebasse ; Rafaël Meijias, percussions. Enregistrement en public, 2006.
- « Richard Galliano & Brussels Jazz Orchestra / Ten Years Ago». 4:09. Enregistrement en studio à Bruxelles, 2008.

dimanche 18 janvier 2009

lundi 19 janvier - bucharest tango

Il fait très froid. La neige recouvre les trottoirs et le passage des voitures laisse des saignées noires sur la chaussée. Les vitrines peu éclairées réfléchissent les lumières de Noël tendues au-dessus des rues. Le vent glacial s’engouffre le long des avenues immenses. La taille énorme des immeubles gris et en grande partie délabrés donne à penser qu’il s’agit de constructions édifiées sous le règne de Ceaucescu. Des masses énormes comme des pyramides vidées de leurs habitants. Peu de monde dans les rues. Silhouettes courbées en avant pour résister aux rafales de vent. Chapeau sur la tête, mains dans les poches. Les passants avancent comme des jouets mécaniques.

Entre deux de ces immeubles staliniens, un lieu étrange, entre hôtel particulier et théâtre de quartier transformé en music-hall. Un hall immense, sombre. Deux ou trois lustres, à moitié éclairés, diffusent une lumière pauvre et froide. Les murs ont été peints autrefois, façon trompe l’œil. On reconnaît des scènes de danses de salon. Les portes, immenses, couleur bordeaux, sont flanquées de lourds rideaux chamarrés de fleurs jaunes et oranges. Certaines de ces fleurs sont peut-être des oiseaux égarés d’une forêt tropicale.

On entend de la musique. Pour la rejoindre, il faut suivre un couloir démesuré, dont le plancher gras colle à la semelle des chaussures. Les murs sont carrelés en rouge et vert. Au fond du couloir, une porte. Derrière, une salle immense, dont on ne peut mesurer les limites tant l’air est saturé par la fumée de cigares. L’odeur prend à la gorge et rend difficile de respirer. De part et d’autre de la salle, des banquettes de velours grenat et des chaises en bois dorées réparties autour de tables rondes, marbre et pieds en fer forgés, pour cinq à six personnes. Au centre, une piste de danse, dont le plancher brille comme un miroir. Un seul couple, l’air assez compassé, occupe tout l’espace avec une sorte de langueur, comme s’il s’agissait d’un film projeté au ralenti. Un imperceptible ralenti. Mais assez cependant pour que le mouvement s’étire comme dans un rêve. Les gens présents semblent eux aussi vivre au ralenti. Ils parlent avec lenteur. Ils sourient d’un léger plissement des yeux. Ils n’ont pas l’air fatigués, ni vraiment las. Ils semblent ailleurs. Venus d’ailleurs. Les hommes, tous cravatés et en chemise blanche, portent des costumes gris à fines rayures, tandis que les femmes exhibent des bijoux trop clinquants pour être honnêtes. Il est difficile de savoir s’ils écoutent la chanteuse et l’orchestre qui l’accompagne ou s’il ne s’agit pour eux que d’une sorte de bruit de fond. En tout cas, s’ils ne sont pas attentifs à ce qui se passe sur scène, ils perdent une occasion d’être un peu plus heureux.

C’est assez surprenant, mais dans ce monde post-communiste, ce que l’on peut entendre en cet instant, ce sont des tangos. Des tangos roumains. Et c’est magnifique. Je me dis alors, car j’ai du mal à croire à la réalité de mes perceptions, que je viens de faire un rêve. Et je me demande comment j’ai bien pu imaginer cette scène et ces tangos d’un autre âge et d’un autre lieu.
En fait, je n’ai rien imaginé. Je suis simplement en train d’écouter un disque improbable :

- « Bucharest Tango » d’Oana Catalina Chitu. 2008, Asphalt Tango Records.

Comme beaucoup de disques de ce label – je pense par exemple à ceux de Motion Trio – la pochette, une photographie de couleurs vives, a quelque chose de kitsch. Un portrait de la chanteuse en Carmen énigmatique dans un ovale façon médaillon.

On commence avec du tango. Tango tango : certifié authentique. On finit sur un morceau assez jazzy. On pourrait bien finir la soirée dans un club de jazz, à Paris, à Berlin ou à New-York.

Ils sont huit : Oana Catalina Chitu, voix ; Anton Slavic, violon ; Valeriu Cascaval, cymbalon ; Dejan Jovanovic, accordéon ; Alexej Wagner, guitare ; Alexander Franz, contrebasse ; Dimitris Christides, percussions ; Vladimir Karparov, saxophone, clarinette.

L’accordéon sonne comme un énorme Weltmeister. Ah ! la jubilation de conduire un tel accordéon comme on conduit un de ces camions hors normes qui traversent, rutilants de chromes, les continents de part en part… Et puis, les dialogues accordéon / clarinette ou accordéon / saxophone ou encore saxophone / violon… Et que dire du cymbalon promu au rang d’instrument de tango. Même Piazzolla aurait pu en être surpris !

http://www.abeillemusique.com/CD/Musiques-du-monde/Tango/ATR1808/4047179132527/Asphalt-Tango/Oana-Catalina-Chitu/Bucharest-Tango/cleart-30594.html

samedi 17 janvier 2009

dimanche 18 janvier - compléments à propos de giselle

Dans un courriel que je viens de recevoir, Patrick E. me signale l'existence d'une version de "Giselle" sur le cd "Duo (avec Michel Portal)" des "Concerts inédits" et d'une autre version encore sur le cd "Solo in Finland".

- J'avais en effet relevé la version de "Duo" dans mon recensement du mardi 13 janvier. Il s'agissait du titre 4 de cet album. Enregistrement public dans les studios de la radio NDR à Hambourg le 29 octobre 1998. Durée : 4:58. Et puis je l'avais oublié. Explication : le 13, j'avais noté que je disposais de six versions de "Giselle" en comptant "Douces illusions", mais sans compter "Ten Years Ago". Or, Françoise étant passée par là a eu envie d'écouter ce "Duo" des "Concerts inédits". Voilà comment l'album a disparu physiquement de la liste... Mais, lorsque j'ai repris la sélection que j'avais préparée, cette sélection comprenant aussi "Ten Years Ago" , j'avais bien six album. "Duo" est passé aux oubliettes. La vigilance de Patrick me permet de rajouter cette version et surtout de l'écouter, ce qui, comme je le supposais, complexifie bien les impressions qu'avaient suscitées en moi les autres écoutes.

- Mais ce n'est pas tout. Patrick me signale d'autre part une version de "Giselle" dans l'album "Solo in Finland". Durée : 2:29. Comme je ne dispose pas de ce cd, je l'ai donc écouté sur Deezer. Du coup, je me rends compte que l'on trouve sur ce site six versions de "Giselle": Deux sous le titre "New Musette", respectivement d'une durée de 4:55 et 4:59. Comme il y a eu plusieurs éditions de cet album, il faudra que je vérifie s'il s'agit ou non du même enregistrement. Parfois un travail de "remasterisation" modifie les durées. Quatre extraites de "Concerts", "Coloriage", "Laurita" et "Chanson" . Je ne connaissais pas cette dernière version, d'une durée de 5:10, par le trio Galliano, Rava, Marcotulli. Magnifique ! Rava, très émouvant. Curieusement, alors même que "Giselle" fait partie de "Solo in Finland" que l'on peut écouter sur Deezer, le titre ne figure pas dans la liste ci-dessus.

Sauf erreur donc de ma part - merci Patrick ! - me voilà maintenant, si j'ose dire, en présence de huit versions de "Giselle" :

- "Ten Years Ago"
- "Michel Portal / Richard Galliano : concerts"
- "Douces illusions"
- "Laurita"
- "Galliano & Mirabassi"
- "New Musette"
- "Concerts inédits : duo Galliano & Portal"
- "Solo in Finland"

Ce qui, en l'occurrence m'intéresse beaucoup dans cette reprise de mon écoute, ce n'est pas seulement que j'y ai gagné deux versions, mais que j'y gagne en complexité. On n'est pas en effet dans l'ordre du quantitatif. Il ne s'agit pas d'addition : 6 + 2. La notion de complexité ou de complexification me parait ici essentielle. Ajouter deux versions aux six existantes, ce n'est pas seulement en augmenter le nombre, c'est reconfigurer la perception que j'avais de "Giselle". D'une certaine façon, l'augmentation quantitative me fait franchir un seuil et ipso facto modifie qualitativement mon appréhension de ce morceau. Le jeu des différences en est qualitativement modifié.

Je "tourne autour" de ces idées de jeu de différences et de dialectique du quantitatif et du qualitatif (deux de plus / saut perceptif), parce que j'ai l'intuition qu'il y a là un processus essentiel à la construction d'une culture. Il faudra que je reprenne cette question, car l'enjeu me parait d'importance... Y compris dans le domaine des apprentissages culturels et donc peut-être des stratégies pédagogiques.


vendredi 16 janvier 2009

samedi 17 janvier - giselle

... écouté les six versions de "Giselle" à ma disposition. J'avais en effet, mardi, fait le projet d'écouter en alternance ces six versions pour essayer d'en saisir les différences. Je les avais d'abord classées par ordre chronologique, en partant de la plus récente, 2008, pour remonter jusqu'à la plus ancienne, 1991. A l'expérience, ce classement m'a semblé peu pertinent. Il supposait en effet une évolution entre les différentes interprétations. L'écoute ne m'a pas confirmé dans cette idée. Il me semble bien plus pertinent de caractériser chaque version par le nombre de musiciens, de seize à deux, du big band au duo, en passant par "Douces Illusions" et son orchestre de cordes, et par les conditions d'enregistrement, en studio ou en public. En fait, après une première écoute suivant l'ordre chronologique régressif, j'ai fait ce que j'appellerais des écoutes croisées, deux à deux, en me laissant guider par l'humeur et le hasard. Je manque de notions et de termes techniques pour analyser finement mes impressions, mais je retire de cette expérience l'enseignement suivant : je n'ai pas, comme je l'ai dit, perçu une ligne d'évolution dans le temps, en revanche l'écoute de ces différentes versions, dont aucune ne m'apparait primordiale par rapport aux autres, a fait émerger une impression fondamentale, une perception intuitive de "Giselle". D'une certaine façon, j'ai conscience de mieux comprendre maintenant l'essence même de cette composition. Comment dire ? Il n'y a pas une version de référence par rapport à laquelle j'aurais perçu les différences des autres ; il y a la perception de différences entre les différentes versions, et c'est cette perception multiple qui est maintenant pour moi "Giselle". Je ne doute pas d'ailleurs qu'une écoute d'une autre version viendrait complexifier cette perception "différentielle". On a du mal sans doute à concevoir des différences sans référence à laquelle les rapporter, et pourtant, pour moi, c'est ainsi : "Giselle", c'est le jeu des différences entre les différentes "Giselle".



- "Richard Galliano & Brussels Jazz Orchestra, Ten Years Ago", 2008, enregistrement en studio. Durée : 5:50. Saxophones, flûtes, clarinettes (5) ; trompettes (4) ; trombones (4) ; contrebasse ; batterie et accordéon. Soit seize musiciens.

- "Michel Portal & Richard Galliano", Concerts", 2004, enregistrement en public. Durée : 4:27. Clarinette et Accordéon. Duo.

- " Ivan Paduart, Galliano, Aerts, etc... Douces Illusions", 2004, enregistrement en studio. Durée : 7:38. Piano, accordéon, contrebasse, batterie, percussions, strings ensemble musique nouvelle (4 violons ; 2 altos ; 2 violoncelles). Soit treize musiciens.

- "Richard Galliano, Laurita", 1994, enregistrement en studio. Durée : 5:04. Accordéon, contrebasse, batterie, harmonica. Soit quatre musiciens.

- "Richard Galliano & Gabriele Mirabassi", 1992, enregistrement en studio. Durée : 7:20. Clarinette et accordéon. Duo.

- "Richard Galliano Quartet, New Musette", 1991, enregistrement en public. Durée : 4:55. Accordéon, guitare, contrebasse, batterie. Quartet.

jeudi 15 janvier 2009

vendredi 16 janvier - bruno maurice au matin des musiciens

Le mardi 13 janvier, de 10h à 12 h, première émission d’un cycle consacré au répertoire de l’accordéon d’aujourd’hui. Le cadre : « Le matin des musiciens ». La présentation est de Corinne Schneider. Le premier invité est Bruno Maurice. On pourra écouter cette émission pendant encore plusieurs semaines.

http://www.radiofrance.fr/francemusique/em/matin-musiciens_mardi/emission.php?e_id=65000043

Ce mardi, nous devons rejoindre Toulouse où « les petits » comptent sur nous pour jouer Papou / Mamou pour cause d’obligations professionnelles. Nous nous organisons donc de la manière suivante : écoute de l’émission d’abord à la maison de 10h à 11h, puis en voiture de 11h à 12 h, sur l’autoroute bordée par la chaine des Pyrénées. Il y a des décors moins grandioses.

Pour aller à l’essentiel, disons que cette émission nous a paru excellente en tous points :

- la présentatrice sait parfaitement mettre son invité en valeur, tant par ses questions que par la qualité de son écoute. La pertinence de ses questions au sujet de « Cri de lames » permet en effet à Bruno Maurice d’expliciter ses intentions, son projet, les conditions de sa composition, ses choix d’écriture et ses solutions au plan strictement technique. De la même manière, elle lui permet de présenter son accordéon, je devrais dire ses accordéons, leur nature exceptionnelle et les particularités de leur construction qui en rendent le jeu si compliqué. On sait la passion que Bruno voue à ses instruments et Corinne Schneider le met parfaitement en situation de nous la faire comprendre. Bref, une émission remarquablement préparée où l’accordéon est mis en valeur quant à ses qualités musicales spécifiques et non comme un instrument quelque peu marginal et en tout cas étrange.

- La présentation des trois mouvements de « Cri de lames » nous introduit, à travers leur analyse et leur explicitation, à la conception que Bruno Maurice se fait de l’artiste, musicien et/ou interprète. Nous sommes bien d’accord, Françoise et moi, pour le situer dans une vision du monde romantique : la musique est « un cri de l’âme », l’art permet d’exprimer les émotions les plus intenses dans la joie comme dans le tragique. Ainsi, l’artiste a une véritable fonction sociale, une mission quasi visionnaire. Nous ne pouvons nous empêcher de faire un rapprochement avec les qualités pédagogiques de Bruno Maurice, son désir de se faire comprendre. Ce n’est certainement pas par hasard qu’il rappelle souvent qu’il a été enseignant en collège et comment il concevait son travail - et pourquoi pas sa mission ? – comme un effort sans cesse remis en jeu pour se faire entendre au sens le plus fort, c’est-à-dire comprendre de tous et de chacun. Comme aujourd’hui en concert en tant qu’instrumentiste.

- A l’occasion du récit de son séjour en Ukraine, Bruno Maurice a apporté quelques enregistrements inédits, commentés chaque fois avec simplicité et concision. L’écoute est orientée et l’on profite mieux ainsi du plaisir de les découvrir.

- On peut écouter aussi « Where’s the Tan Go ? » de et par Guy Klucevsek en introduction ou le trosième mouvement d’ « Opale Concerto » de Richard Galliano avec les Solisti dell’Orchestra della Toscana, que Bruno Maurice reconnait parmi les œuvres qui l’ont influencé. Bien entendu, on peut entendre son maître Besfamilnov, mais aussi des œuvres de Tchaïkovsky et de Prokofiev, dont la présentation est tout à fait éclairante.

- Sans oublier un morceau joué avec le trio Miyazaki, qui illustre parfaitement cette musique exceptionnelle qui résulte de la rencontre du koto, d’un violon et d’un accordéon. J’ai eu l’occasion à plusieurs reprises de dire à quel point ce projet exprime une ambition culturelle tout à fait originale, au-delà en tout cas des clivages traditionnels du type « musique orientale versus musique occidentale ».

En résumé, c’est peut-être la première fois que j’entends une émission dédiée à l’accordéon d’une telle qualité. Pour ma part, j’y vois un moment important dans le parcours de reconnaissance de cet instrument. Et bien entendu ça donne envie de suivre tout le cycle. A mardi prochain donc…

...

Au moment de publier ce message, je repense au commentaire de Bruno Maurice décrivant la sensibilité de son accordéon et la manière dont il vibre au moindre mouvement de l'instrumentiste, ce qui en rend le jeu à la fois si difficile et si exaltant. Je me dis qu'il décrit sa relation à son "Appassionata" comme une sorte de corps à corps. Je me dis que l'"Appassionata" est un "accorpsdéon".

lundi 12 janvier 2009

mardi 13 janvier - une écoute en alternance entre aujourd'hui et hier

Il y a quelques jours, après avoir écouté à plusieurs reprises « Ten Years Ago », le dernier opus de Richard Galliano et du Brussels Jazz Orchestra, j’avais fait le projet d’écouter à nouveau chaque morceau en correspondance avec les autres interprétations que je trouverais parmi les disques antérieurs de Richard Galliano. J’ai commencé à mettre en œuvre ce projet et - manière de faire d’une pierre deux coups – cette sélection va permettre à Françoise de se constituer une sélection pour charger son fidèle mp3 qui l’accompagne dans ses longues balades. A son retour, nous pourrons ainsi continuer nos échanges sur l’écoute comparée de tous ces morceaux.

« Ten Years Ago » comprend dix titres :

1. “Michelangelo 70”
2. “Teulada”
3. “Ten Years Ago”
4. “Rue de Maubeuge”
5. “Tango pour Claude”
6. “Poème”
7. “Coloriage”
8. “Giselle”
9. “Take eleven”
10. “Taraf”

Pour constituer la sélection que j’envisageais, j’ai donc rassemblé les cds de Richard Galliano que j’ai en ma possession en remontant l’ordre chronologique, soit de « Ten Years Ago » à « New Musette », disque le plus ancien où j’ai retrouvé un titre commun avec « Ten Years Ago ». A l’heure actuelle, j’ai recensé 20 titres entrant dans ce classement, auxquels j’ajouterai un vingt et unième in fine.

1. “Michelangelo 70”[“Piazzolla for ever”, titre 6]
2. “Teulada”[“New York Trio”, 6]
3.“Ten Years Ago” [“Blow Up”, 7 ; “New York Tango”, 7]
4. “Rue de Maubeuge” [0]
5. “Tango pour Claude” [“Richard Galliano / Michel Portal : concerts”, 1 ; “Concerts inédits, duo”, 2 ; “Concerts inédits, trio », 4 ; « Viaggio », 5 ]
6. “Poème”[“Love Day”, 10]
7. “Coloriage” [“Viaggio”, 7 ; “Coloriage”, 7]
8. “Giselle” [“Galliano / Portal : concerts”, 3 ; “Concerts inédits, duo”, 4 ; “Laurita”, 8 ; “Coloriage”, 6 ; “New Musette”, 6 ; ]
9. “Take eleven” [0]
10. “Taraf” [“Galliano / Portal, concerts”, 2 ; “Concerts inédits, solo”, 8 ; “Concerts inédits, duo", 1 ; “Blow Up”, 3 ]

Si mon compte est bon, cette sélection comporte vingt titres. On remarque que « Tango pour Claude » et « Taraf » figurent pour quatre occurrences et, ce qui m’a surpris, « Giselle » pour cinq. Mais j’avais annoncé vingt et un titres. J’y ajoute en effet la version de « Giselle » (sixième occurrence donc) que l’on peut écouter sur le disque « Douces illusions » sous le nom d’Ivan Paduart. Version magnifique que j’ai écoutée quatre fois en alternance avec celle de « Ten Years Ago ». Je ne peux me résoudre à interrompre cette sorte de va-et-vient, alors même qu’il me tarde d’écouter les autres versions, en particulier celle de « Richard Galliano / Michel Portal, concerts », dont je garde un souvenir émerveillé. Difficile dilemme !

samedi 10 janvier 2009

lundi 12 janvier - de l'usage de la photographie

En parcourant le dernier numéro de la revue "Accordéon & accordéonistes", j'ai noté à quel point les photographies qui illustrent les différentes rubriques sont codées. Comme ces rubriques, tant par leur style d'écriture que par leur mise en page, sont elles-mêmes strictement codées, on a affaire à un cadrage de la lecture extrêmement balisé, que pour ma part je trouve fort agréable. Ainsi aidé, je lis la revue comme je suivrais un parcours fléché.

Chemin faisant, ces huit pages ci-dessous ont retenu mon attention. D'autres, semblables par la forme et par l'intention, auraient pu figurer à leur place. L'analyse eût été la même et, en l'occurrence, c'est l'analyse qui m'intéresse en tant qu'elle dégage une signification.

- page 4, copyright D.R. Rubrique "Echos" pour le haut, "Portrait express" pour le bas.
Qui se cache sous ces deux initiales, D et R ? Une enquête s'impose mon cher Watson. Serait-ce la rédaction de la revue ? En tout cas, les deux photographies de cette page me semblent avoir des fonctions très différentes. Celle du haut correspond à un usage populaire de la photographie. Elle est le moyen privilégié de fixer des moments particuliers de l'existence. On est heureux d'être ensemble. On veut en garder trace, se constituer une mémoire matérielle. On immortalise un événement. Notons ici que les personnes présentes sur cette photographie ont l'habitude de se rencontrer à l'occasion de festivals, de concerts, de présentations de matériels. On retrouve ainsi régulièrement dans cette rubrique des "Echos" un certain nombre de vedettes : Roman Jbanov, Jean Corti, Ludovic Beier, Marcel Azzolla, Marc Perrone, des représentants d'entreprises de fabrication d'accordéons, etc...
La photographie du bas a une tout autre fonction, presqu'opposée. Il ne s'agit pas d'anecdote. Il ne s'agit pas de fixer un fait particulier. Il s'agit tout au contraire de donner à voir un accordéoniste dans son essence même. On ne voit pas Serge Berry en train de jouer ; on doit pouvoir saisir à travers son image quel est le style de ses prestations.

- page 12, photos du haut signées Alexandra Astorg, photographe de la revue ; photo du bas, copyright D.R. Rubrique "Echos".
Deux photographies qui sont censées fixer des événements, mais dans un cas, photographies du haut, cet événement fait publicité et en ce sens se rapproche de celle de Serge Berry, tandis que celle du bas rejoindra la boite à souvenirs des participants.


- page 18, photo du haut, Alexandra Astorg, rubrique "Echos" ; photo du bas, copyright D.R., rubrique "Portrait express".
La photographie du haut est signée d'une photographe de la revue. On peut donc penser qu'elle s'inscrit dans un reportage et qu'elle aura sa place dans les archives d'"Accordéon & accordéonistes". Mais pourquoi un reportage pour cet événement ? Même question d'ailleurs que pour la page 12 ci-dessus.
La photographie du bas, quoique fort différente de celle de Serge Berry, appartient bien à la même catégorie du "Portrait Express" : image promotionnelle. L'artiste n'est pas en train de jouer. Il pose avec l'intention de signifier son style. Il regarde l'objectif et ce faisant il regarde le lecteur droit dans les yeux. On peut voir ainsi clairement à qui l'on a affaire. L'image, c'est l'homme ou, si l'on veut, l'artiste.


- pages 24 et 25, photographies signées Bill Akwa Bétotè, photographe de la revue ; textes de Françoise Jallot. Rubrique "Nous y étions".
On change de registre. ce ne sont pas des photographies posées ou de studio ; ce sont des moments d'un concert où les musiciens sont saisis en train de jouer. Recherche de l'instant décisif, suivant l'expression de Cartier-Bresson. On ne peut s'y tromper : ce sont des photographies de photographe. Il s'agit d'attraper au vol un moment d'un événement et dans le même mouvement d'en dégager les caractéristiques essentielles : posture de Marcel Azzolla, posture de Lina Bossatti.



- pages 26-27, rubrique "Tête d'affiche". Les photographies page 26 et page 27 bas sont référencées sous le copyright D.R. ; les trois autres, page 27 haut, ne sont pas référencées. On peut penser qu'elles font partie de la collection personnelle de l'accordéoniste.
On pense aux clichés des "Portraits express" : l'artiste dit "voilà qui je suis !". Sur la page de droite ( on trouverait la même mise en page pour tout l'article), des photographies, plein de photographies, comme autant de moments forts de sa vie. On pense à ces cadres saturés de photographies, comme autant d'images édifiantes, que l'on trouve dans certaines salles à manger, sur une cheminée ou parfois sur un piano. Elles sont destinées à jalonner le parcours du héros, parfois à en reconstituer la trajectoire admirable. Les photographies comme autant de signes du destin.



- pages 38 et 39 ; rubrique "Entretien". Le texte est défini comme "propos recueillis par Françoise Jallot". Photographies signées Thomas Dorn.
Changement de registre. Les deux photographies sont destinées à montrer qui est Jean-Jacques Milteau mais non à la manière des "Portraits express". Ici, le photographe a une véritable visée artistique. Recherche d'un portrait psychologique ; recherche d'une attitude décisive. On vise quelque chose d'essentiel à travers la pose et l'instantané. Deux images complémentaires.




- page 48 ; rubrique "Entretien", "propos recueillis par Françoise Jallot". Photographies Caroline Feyt.
Comme dans le cas précédent, la photographie a elle-même une visée artistique et pas seulement descriptive. Il ne s'agit pas d'objectivité. Il s'agit de proposer une image capable d'évoquer chez le lecteur une impression dans le registre de l'équivalence aux émotions que cherche à susciter l'artiste. D'ailleurs, on peut noter, page 49, de la même Caroline Feyt, une photographie qui a sans doute pour intention de nous faire connaitre Tristan Macé, alors même qu'il n'est pas présent sur l'image. Si ce n'est lui, c'est son monde.






- page 50, rubrique "Pour l'avenir" ; page 51, rubrique "Pur plaisir". Les textes sont signés Caroline Linant. Les photographies ne sont pas signées : ont-elles été fournies par les accordéonistes ou faites par C. Linant qui figure parmi les photographes de la revue ?
Comment dire ? La photographie comme tableau d'honneur ! On retrouve ici quelque chose de la première photographie : "on y était", "c'est bien moi"... La photographie comme signe et comme preuve de reconnaissance sociale. Des photographies comme traces biographiques !





Ces photographies, dont je n'ai fait qu'esquisser une interprétation sommaire et volontairement subjective, ces photographies, c'est pour cela aussi que j'aime bien lire "Accordéon & accordéonistes".






vendredi 9 janvier 2009

samedi 10 janvier - accordéon & accordéonistes

En parcourant le dernier numéro de la revue « Accordéon & accordéonistes », n° 82, janvier 2009 (mensuel, 5,90 euros), j’ai relevé au fil des pages les informations suivantes, qui ont retenu mon attention. Il ne s’agit donc pas d’un compte-rendu ou d’un résumé, mais des résultats d’un butinage subjectif au moment où il a eu lieu. Peut-être que quelques minutes plus tard le butin eût été tout autre.

Dès l’édito, une nouvelle, une bonne nouvelle, que j’attendais depuis longtemps. En mars, apparition d’un beau site internet : http://www.accordeoniste.com/

Je passe rapidement sur les pages des « Echos », mais la revue des photographies qui les illustrent donne une image qui mériterait les analyses fines d’un sémiologue de la stature de Roland Barthes pour en dévoiler le sens. L’image d’un monde aimable (sans jeu de mots) où l’on regarde bien droit dans l’objectif, où l'on pose pour se faire tirer le sourire. La photographie comme preuve que, ce jour là, en cet endroit, « on y était ». Et que l’on était bien en compagnie de … au choix : Marcel Azzolla, Jo Sony, Jean Corti, Ludovic Beier ou René Lachèze, directeur de l’entreprise Maugein, etc... Un monde d’idoles, mais d’idoles qui se laissent côtoyer sans façons. Il faudrait un jour que je m’interroge sur les relations entre le monde de l’accordéon et le monde des images d’Epinal.

Dans la rubrique « Nous y étions », compte-rendu d’un concert anniversaire donné le 24 novembre à l’Alhambra à Paris par Marcel Azzolla et Lina Bossatti, avec plein d’invités. Sans doute émouvant. On aurait aimé y assister.

Dans la rubrique « Tranche de vie », un article, pages 34-35, sur Jeannot Perret, conservateur du patrimoine de l’accordéon. Une quantité phénoménale d’instruments, de documents, d’ouvrages, d’affiches… On rêve d’une ville capable de reprendre ce fonds et de l’animer. On rêve de pouvoir visiter une telle caverne d’Ali-Baba.

Dans la rubrique « Entretien », deux pages, 38-39, sur l’harmoniciste Jean-Jacques Milteau, le souffle juste. Une très bonne présentation de son dernier opus « Soul Conversation ».

Dans cette même rubrique, une page, 43, sur Franck Steckar, accordéoniste sans limites (de Juliette). Il dit que Juliette et lui-même ont beaucoup d’admiration pour le répertoire du trio Amestoy et pour le toucher de celui-ci en particulier. Ce jugement suffit à me les rendre sympathiques.

Toujours en « Entretien », une page, 46, sur Klaus Paier présenté comme un musicien autrichien surprenant, qui évolue du jazz au tango et au classique, entre accordéon et bandonéon. A cette occasion, présentation de son dernier disque en duo avec Asja Valcic, violoncelle, « A deux », (The Act Company). Disque que j’attends patiemment depuis un petit mois… Il est vrai que ce n’est pas le type de produit que l’on trouve par centaines d’exemplaires sur les rayons des disquaires.

Encore et toujours dans cette même rubrique, deux pages, 48-49, sur Tristan Macé, un bandonéoniste. L’article donne vraiment envie d’écouter les trois cds qu’il annonce pour des jours prochains. A suivre.

Parmi les « Chroniques », je retiens, en catégorie « Electro », « La Cherga, Fake No More » chez Asphalt Tango Records, d’une part, et en « Jazz », « Taca Samurai 3 », The Valley of the Wind » chez Clear Water Records. Ah ! Oui, j’allais oublier Flaco Jimenez « He’ll Have to Go » dans la catégorie « Blues Country Rock’n’Roll », un disque sur lequel un morceau m’avait particulièrement touché parce qu’il évoquait irrésistiblement la voix d’Ibrahim Ferrer.

Le mois prochain, en couverture et en « Tête d’affiche », le duo Pennec et Bertrand, dont j’espère avoir pu écouter l’album « Réunions de chantier » avant le mois prochain… En tout cas je l’ai commandé au Parvis. J’attends.

Pour terminer ce survol du dernier numéro d’ « Accordéon & accordéonistes », trois observations :
- j’ai retenu finalement assez peu de choses, car j’ai peu de goût pour l’accordéon comme accompagnement de chanteurs, or cette livraison fait la part très belle à ce dispositif.
- décidément, il se confirme qu’en revanche l’accordéon de concert est réduit à la portion congrue. Je le regrette.
- enfin, il se confirme, s’il en était besoin, que les textes de Françoise Jallot, reportages ou chroniques, sont toujours aussi lyriques, enthousiastes, bien informés. Je les lis toujours avec beaucoup de sympathie. Que n’y a-t-il une Françoise Jallot pour l’accordéon de concert… Et pourtant, je sais bien qu’il y a en France des passionnés d’accordéon qui seraient fort capables de tenir une telle rubrique et même d’organiser ce domaine sur le futur site internet de la revue.

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Un jour... il faudra que je m'interroge sur ce titre "Accordéon & accordéonistes" et sur la dissymétrie entre "accordéon" au singulier et "accordéonistes" au pluriel. Il y a longtemps que j'en ai le projet. Pourquoi pas "accordéons" ? Il faudra y réfléchir. Peut-on en effet parler d'accordéon au singulier ? N'est-ce pas une pure fiction, une abstraction eu égard au développement de cet instrument, à sa prolifération, et à la multiplicité de ses formes, et pas seulement de ses pratiques ?

jeudi 8 janvier 2009

jeudi 8 janvier - cri de lame

Le jeudi 11 décembre, à l'issue d'un concert de Michel Macias au théâtre Molière à Bordeaux, nous avions eu l'occasion de discuter quelques instants avec Bruno Maurice et sa compagne. Nous avions évoqué le trio Miyazaki, Trentels, le 1er mai, et le concert de Malagar, le 28 septembre. Nous avions parlé du concerto, "Cri de lame", en regrettant de n'avoir jamais pu l'écouter. En toute simplicité, Bruno nous avait alors demandé notre adresse postale pour nous en envoyer une copie. On imagine facilement notre surprise et notre plaisir.



Malgré ses occupations, ses enseignements et ses prestations - par exemple, 6 janvier, "Un mardi idéal" sur France Musique ; jeudi 8 janvier concert en l'auditorium du Grand Palais pour l' émission "D'une rive à l'autre" ; mardi 13 janvier, "Le matin des musiciens" - malgré tout cela, Bruno a trouvé le temps de tenir sa promesse. Tout simplement. J'ai souvent écrit que les qualités morales ne suffisent pas à faire un grand artiste, mais quand ces qualités s'ajoutent au talent artistique, elles donnent à celui-ci une dimension spirituelle particulière. Une dimension qui donne de la profondeur et de la densité au sentiment esthétique.



C'est ainsi qu'en début d'après-midi, le facteur a déposé dans notre boite à lettres cette enveloppe.

Le rituel est bien en place. Recto, verso. Ne pas se précipiter. Recto, verso. Imaginer. Rêver un instant.


A l'intérieur, l'enregistrement et une enveloppe contenant deux feuillets : l'un, manuscrit, personnel et chaleureux ; l'autre, tapuscrit, présentant en quelques paragraphes l'intention de chaque mouvement.


- "Cri de lame [A mon père] Concerto pour accordéon & orchestre", Bruno Maurice, accordéon, Symphonistes d'Aquitaine, direction Philippe Mestres ; 9 septembre 2007, château de Duras.
1. Cri de lame
2. Caresse
3. Mitango

Sans tarder, nous mettons le disque sur la platine. 24 minutes. A l'heure où j'écris ces lignes, nous l'avons écouté quatre fois de suite, puis... - il fallait bien remplir quelques obligations quotidiennes entre temps - trois fois. Ce n'est pas fini de sitôt...
Nous ne sommes pas familiers de la musique contemporaine, qui parfois nous demande un réel effort pour nous laisser apprivoiser, mais là rien de tel, nous nous sommes laissé porter par chacun des trois mouvements. Nous avions déjà entendu Bruno jouer en solo et "Caresse" et "Mitango", mais en l'occurrence nous avons immédiatement perçu à quel point les trois mouvements se font écho et bien senti intuitivement comment ils forment ensemble une oeuvre et pas seulement une succession ou une addition de trois morceaux.


En fait, si je devais ajouter un commentaire, ce serait, en cette période de voeu, qu'un grand nombre de passionnés d'accordéon aient la possibilité, comme nous en ce moment, d'écouter "Cri de lame". On a toujours plaisir à partager son plaisir.
Dans son texte accompagnant l'enregistrement, Bruno indique en note que "les lames sont les anches libres métalliques de l'accordéon" et dans un paragraphe il rapproche "cri de lame" et "cri de mon âme". Pour ma part, je ne peux m'empêcher, en l'écoutant, de penser aussi à l'expression "fine lame", tant sa composition et son jeu sont incisifs et font mouche.