mardi 31 mars 2009

mercredi 1er avril - renaud garcia fons quartet : photonotes








Nous étions assis à droite en regardant la scène.
Jeudi, à 22h30, après le concert, nous avons pris un pot, Nadja, Françoise et moi, dans un bistrot de la place des Carmes. Trois pressions. Chacun se rappelle et rappelle aux autres "ses moments forts".
Vendredi, à 19h05, avant le concert, nous avons dîné, Françoise et moi, dans un bistrot japonais : yakitori et sashimi avec un verre de Tariquet sec. La lumière, tamisée, est délicieusement rose, comme le saumon cru et la carapace diaphane des crevettes.
Nous espérions pouvoir faire signer ses disques par David Venitucci lui-même.
Nous nous sommes assis à gauche en regardant la scène.

















mercredi 1er avril - david venitucci : photonotes

J'aurais pu choisir bien d'autres photographies de David Venitucci. J'ai retenu celles-ci parce qu'elles me font penser que désormais je l'écouterai d'un autre oeil. Ce sont des images, à mon sens, caractéristiques de sa posture, de sa personnalité et de son style.
Pas de mouvements inutiles. Rigueur et détermination.

L'inspiration est là. Dans son monde, rien que son monde.


Il jouait de l'accordéon debout.

L'attention aux autres.


Un sourire : détente, complicité.




Et toujours une attention extrême.








mercredi 1er avril - la linea del sur et al.

Bon, il serait temps, ce me semble de faire le point. C’est d’autant plus urgent que les informations commencent sinon à s’effacer, du moins à perdre de leurs couleurs dans ma tête. La période, il est vrai, est un peu chaotique. Toujours quantité de problèmes à résoudre, liés à la santé de mes hyper-vieux parents, beaucoup de temps donc consommé à leur service, si j’ose dire. Par exemple, mon père, hospitalisé pour une dépression profonde, ne reviendra plus vivre dans sa villa. Eh bien, fermer une maison et constituer un dossier d’entrée en maison de retraite, c’est une activité à temps plein. Je ne devrais sans doute pas le dire à haute voix, mais l’autre nuit, pendant l’une de ces insomnies où je récapitule les tâches à faire pour l’une ou pour l’autre, deux mots ont surgi dans mon esprit ensommeillé, comme ça : « Charybde et Sylla ». L’inconscient a des mots à dire, c’est sûr ! C’est pourquoi nous avons décidé avec Françoise, dans la mesure du possible, de nous octroyer chaque semaine des moments de parenthèses où nous essayons de profiter au maximum de l’instant présent. Toujours les leçons de l’épicurisme, dont je vérifie chaque jour la pertinence et la justesse.

C’est ainsi que jeudi, 26 mars, nous sommes allés écouter le Renaud Garcia-Fons Quartet à Toulouse, à l’espace Croix-Baragnon, salle bleue. Et que le vendredi 27, nous sommes allés derechef écouter les mêmes au même endroit, à la même heure, 20h30. Jeudi, Nadja avait souhaité nous accompagner. Vendredi, « les petits » étaient partis à Cauterets faire la fermeture du ski avec une horde de cousins. D’un concert à l’autre, l’ordre des morceaux avait un peu changé. L’essentiel était constitué par les compositions de « La Linea del Sur » avec ici et là un ou deux morceaux d’albums antérieurs. Ces concerts s’inscrivaient dans le cadre de la tournée de présentation de l’album. Pour le premier concert, nous étions arrivés vers 20 heures ; nous nous étions installés au premier rang, à droite. Pour le second, nous étions arrivés à 19h45 ; nous nous étions installés au premier rang, à gauche. Le quartet est disposé sur scène de la manière suivante : à gauche pour le spectateur, David Venitucci à l’accordéon ; au centre gauche, Antonio « Kiko » Ruiz, guitare flamenca ; au centre droit Renaud Garcia-Fons, contrebasse à cinq cordes ; à droite, Pascal Rollando, percussions. Indépendamment des petites différences entre les deux concerts, j’ai pu vérifier à quel point un plus un ne fait pas deux. Le second concert est différent en effet du premier en ce que les morceaux sont déjà connus ; il est différent aussi parce que l’interprétation varie dans les nuances ou même dans tel ou tel moment d’improvisation ; bien plus, le premier devient différent de sa première écoute en ce que la seconde écoute modifie les perceptions initiales.

La plaquette de présentation du concert dit que le guitariste et le percussionniste sont tous deux issus du flamenco ; elle dit aussi que Renaud Garcia-Fons fait ressurgir les résonnances de la Méditerranée, du Sud de l’Andalousie, des Balkans, du monde arabe, de l’univers indien et de l’Amérique latine… tout en conservant les influences jazz, fusion, rock. Cette description me parait à la fois exacte et trop large. Telle qu’elle, elle pourrait en effet « habiller » bien d’autres disques qui se contentent d’accumuler des morceaux comme les pièces d’un collage. Cette espèce de spectre large est en effet l’une des caractéristiques principales de nombre d’œuvres musicales actuelles. En s’en tenant à la présentation, on ne rend pas justice, me semble-t-il, à Garcia-Fons en tant que compositeur ni à son quartet de ce que leur musique a de spécifique. Je ne saurais explicitement définir leur son, mais il est immédiatement reconnaissable. Leur signature sonore ne se confond avec aucune autre. Quant au monde qu’ils créent, je le perçois plutôt comme un espace méditerranéen imaginaire, un monde original issu d’une culture intimement assimilée. Peut-être même qu’il faudrait parler de travail d’appropriation des sources du pourtour méditerranéen. Oui, appropriation me parait juste, car qui dit appropriation, dit création personnelle au-delà des influences sous-jacentes.


Et puis, il y a David Venitucci à l’accordéon. Econome de ses gestes, appuyé contre un siège haut, il donne au quartet une épaisseur, une densité et si je puis dire un style qui nous a enchantés. Maintenant que je l’ai vu, de mes yeux vu, je sais que je l’entendrai d’un autre œil. Pas de gesticulation, pas d’expressionnisme. Pour moi, son attitude et son jeu, et le son qu’il introduit dans le quartet, tout cela relève d’un art classique. Un maximum d’effets esthétiques avec un minimum de moyens. Du grand art. Je compte bien lui consacrer un dossier de photonotes.







A ce sujet, une anecdote. Jeudi, j’avais emporté dans mon sac à dos cinq disques de Venitucci, outre « La Linea del Sur ». J’avais l’intention de les lui faire signer. Las, en fin de concert, Renaud Garcia-Fons invite le public à se procurer son dernier opus à la table « Harmonia Mundi » au fond de la salle, mais le quartet s’éclipse. Le lendemain, obstination oblige, j’ai emporté à nouveau mon lot de disques. Au cas où… Alors que nous nous étions installés devant la porte de la salle trois quart d’heure avant le début du concert, tout à coup une porte de service s’ouvre. « Daniel Venitucci ? ». « Oui, vous me connaissez ? ». « Certainement. Nous sommes venus principalement pour vous écouter et comme vous le voyez, nous étions là hier, nous revenons aujourd’hui. Nous vous suivons depuis longtemps, depuis « Cascade», votre album édité en 2003, je crois ». La conversation s’engage. « Auriez-vous le temps de mettre votre signature sur les disques que j’ai ici ? ». David Venitucci s’installe sur une marche, Françoise et moi à ses côtés. Un mot amical sur chaque couverture. Quand nous relevons la tête, une file d’attente s’est formée, étonnée de notre posture. David Venitucci nous quitte pour rejoindre ses collègues. Nous entamons une conversation avec notre voisin d’attente et sa fille. Ils sont amateurs d’accordéon. Nous découvrons que, sans nous connaître, nous étions présents à Junas, à Trentels, à plusieurs concerts toulousains… Nous nous donnons rendez-vous à Trentels en mai.


Samedi matin, nous sommes seuls à Toulouse. Nous décidons avant de rentrer à Pau d’aller visiter les collections de la fondation Bemberg, hôtel d’Assézat, entre la place Esquirol et le Pont Neuf. Un lieu magique. Des collections d’une richesse extraordinaire : des peintures, des sculptures, des meubles et des objets de toutes époques. Les salles ressemblent au palais d’un collectionneur du XIX ème siècle. Je reste sans voix devant un Cranach. Au dernier étage, une salle dédiée à Bonnard. De la lumière avant toute chose. Sur le coup de midi et demi, comme assommé par tant de beauté, je sens comme un petit coup de pompe hypoglycémique. Retour à la maison : Françoise fait un plat de pâtes. On l’engloutit en se rappelant tout ce qui nous a frappés et se promettant, dès que possible, de revenir en ces lieux, mais en ciblant quelques salles, en particulier celle de Bonnard que j’ai vue dans une sorte de scintillement qui n’était pas dû seulement à la facture du peintre.





« Les petits » étant à Cauterets et ne devant rentrer que dimanche, nous sommes chez eux comme dans un monde étrange, à la fois chez nous et pas vraiment chez nous. Nous décidons de profiter de cette situation d’entre-monde ou, si l’on veut, de bulle pour écouter en toute quiétude un disque que m’avait conseillé Patrick E. : « Pearl ». Jusqu’ici en effet je n’avais, malgré mon désir, pas eu le loisir de l’écouter convenablement. Nous avons tout notre temps, nous pouvons rejoindre Pau en fin d’après-midi. Nous écoutons enfin « Pearl » de a à z. Ce fut comme si nous l’écoutions pour la première fois. L’esprit libre de toute autre préoccupation, je perçois les huit titres comme autant de ballades et je suis frappé par leur structure : saxophone, accordéon, contrebasse, batterie. Encore un quartet où Steve Potts s’est entouré de Richard Galliano, de Jean-Jacques Avenel à la contrebasse et de B. Renaudin à la batterie. Je suis surpris, mais pas vraiment étonné, de constater comment l’environnement de sérénité de la maison « des petits », la délocalisation, si je puis dire, qu’elle nous offre, éclaire ce disque d’un jour nouveau. Bien sûr, je suis spontanément particulièrement attentif au jeu de Galliano. Une fois encore, je remarque à quel point il sait à la fois soutenir ses collègues et faire preuve de créativité quand son tour est venu d’en faire montre.






Dimanche est l’occasion de renouer avec les occupations habituelles : maison de retraite de Nay, levée du courrier à Baliros, hôpital de Pau. La routine quoi ! Un dimanche de printemps. Le soir, Nadja nous rassure : la troupe est bien rentrée de Cauterets. Charlotte et Camille sont excitées comme des poux. Camille a pris le tire-fesses toute seule, comme les grands. Charlotte a fait plusieurs fois une noire avec ses cousins. Et puis, ils ont mangé des crêpes et bu du chocolat.
Lundi, peu avant midi, dans la boite à lettres, un colis que j’attendais depuis plusieurs jours : « A deux », de Klaus Paier et Asja Valcic. Accordéon et violoncelle. J’avais l’intuition que ce disque serait beau. Il l’est en effet. Toutes les compositions sont de Paier. Comme pour le disque de Renaud Garcia-Fons, on pourrait dire qu’il s’agit d’une œuvre manifestant de la part du compositeur une culture intimement assimilée. On y retrouve quelque chose du tango, de la valse, des airs des Balkans et bien sûr du jazz, sans compter la musique de chambre. Le son du violoncelle ! Le temps est un peu frais. On ouvre la porte-fenêtre sur la terrasse avant. Le quartier est désert. On déjeune en écoutant, fort, et en découvrant ce nouvel album. Il ne déçoit pas mon intuition.


















mercredi 25 mars 2009

jeudi 26 mars - spécial copinage : avant-première trentels

... reçu hier soir ce message d'Anne-Marie Bonneilh pour information sur Trentels, son festival, ses concerts et ses stages.

Bonjour Michel,

Je t'envoie cette information concernant les stages que nous proposons, cette année, pendant le festival "Accordéons-nous à Trentels".Comme chaque année : les stages d'accordéons diatonique et chromatique, avec les artistes du festival. Mais aussi de stages nouveaux : stages de cajon, de guitare manouche. Un atelier de danse contemporaine.Les stages de violon, un peu particuliers cette année : un sur les musiques du Moyen-Orient et l'autre sur la musique d'Europe Centrale. Ce choix vient des hasards de la programmation du festival.Le groupe Banditaliana de Riccardo Tesi a bien voulu encadrer les stages : une intervention exceptionnelle par sa rareté dans notre région et par la qualité des intervenants! Le travail original de recherche sur les musiques du Moyen Orient que font Christian Maës et Laurent Dacquay est une occasion unique d'approcher de près la technique de cet univers musical particulier. Didier Oliver, lui, s'éloigne des mélodies des danses de Gascogne pour celles de l'Europe de l'Est. Que choisir!!! Il faut vite réserver afin que nous puissions confirmer les stages aux intervenants. Et diffuser l'information... A bientôt.

Amicalement. Anne-Marie

Association Plein Vent
Lustrac 47140 TRENTELS
05 53 41 60 05
05 53 41 66 98
05 53 41 60 11 (après 19 heures)
plein-vent-trentels@hotmail.fr
www.accordeon.catfamilie.com

Attention ! Il est possible que le site du festival ne soit effectivement opérationnel que le 1er avril. Mais il ne coûte rien d'aller y faire un tour avant... En tout cas, les propositions sont plus qu'alléchantes !

lundi 23 mars 2009

mercredi 25 mars - summit reunion cumbre

Je notais, lundi 23, l'importance primordiale pour moi des échanges personnels - suggestions ou conseils - dans mes choix d'écoute d'accordéons ou de bandonéons. L'illustration parfaite m'en est fournie par le fait suivant : à l'occasion d'un échange du type "question / réponse" à propos de Piazzolla, en particulier de l'album "Five Tango Sensations" (Kronos Quartet et Astor Piazzolla, Elektra, 1991), Jacques Pellarin me donna envie d'écouter cette musique, dont j'ai dit combien elle me touchait [mercredi 11 mars]. Mais, chemin faisant, car lorsque nous nous engageons sur une piste nous ne la quittons pas avant de l'avoir explorée à fond, chemin faisant donc Jacques m'a fait connaitre un disque apparemment improbable, puisque le tango sombre de Piazzolla y rencontre le saxophone baryton de Gerry Mulligan. Eh bien, même s'il faut de méfier des excès du dithyrambe, je crois pouvoir dire à bon droit que c'est un chef-d'oeuvre :

- "Summit - Reunion Cumbre", Astor Piazzolla / Gerry Mulligan, 1974.


On est là en pleine causalité circulaire, voire spiralaire : je constate l'intérêt pour mes apprentissages accordéoniques des relations personnelles, donc je les sollicite ou je les provoque, ce qui me procure maintes satisfactions que j'aurais pu autrement ne pas connaitre, ce qui m'incite à les multiplier, etc... Sans compter qu'avec une telle stratégie, forcément on est tout près de construire un réseau...


dimanche 22 mars 2009

mardi 24 mars - de la photographie de concert

Cadrage frontal. Couleurs. La photographie comme captation d'un instant. Comme trace objective. Dix ans après, on peut dire : "j'y étais : la preuve". On peut reconnaitre la réalité ; on peut vérifier la présence de tels ou tels éléments. Mémoire matérielle.
Portrait. Déjà, l'image est plus abstraite. Le contexte a disparu. La couleur n'a plus valeur de réalisme. La quasi uniformité des couleurs - le rouge et le noir - permet de porter l'attention sur les formes.

La même en noir et blanc. On pense à un dessin, au fusain, à l'encre de Chine. L'absence de couleurs focalise l'attention et le regard sur l'attitude de l'accordéoniste et sur l'instrument. Il ne reste quasiment plus rien des aspects anecdotiques de la première photographie. C'est une image sans situation.


Noir et blanc encore, mais les contrastes sont forcés. Le portrait laisse place à une sorte d'image abstraite : "l'accordéoniste". La singularité de celui-ci est effacée ; elle se dissout dans l'excès de contrastes.

Mon goût personnel me porte à préférer la seconde photographie. La couleur contribue à l'effet d'abstraction. Elle donne une certaine tonalité au portrait, sans le diluer dans l'anecdote.
Ces quatre clichés n'ont aucune prétention artistique et j'ai bien conscience de leurs limites techniques. Il ne s'agissait que de dégager une sorte de typologie de photographies de concerts. Mais, ce faisant, j'observe que souvent, quand des photographies de musiciens sont affichées par exemple à l'occasion de concerts, celles-ci sont d'une précision et d'un piqué sans défauts. On a là une sorte d'effet de mode. Parfois je suis enclin à regretter cette perfection technique, car on y perd l'âme de l'artiste, on y perd la dimension de portrait psychologique. Trop de réalisme, trop d'objectivité.



lundi 23 mars - apprentissage autrui altruisme

Comme j’avais entrepris de classer les courriels que j’avais reçus et comme j’en trouvais un certain nombre contenant des suggestions ou des conseils amicaux destinés à m’aider à choisir des disques d’accordéon ou à m’en faire connaître, tout à coup, une question me vint à l’esprit : « finalement, quelle est la part d’influences ou de médiations personnelles dans ce que j’ai appris quant à l’accordéon ? ». Question d’autant mieux fondée qu’un simple début de réflexion suffit à me faire prendre conscience que celles-ci sont nombreuses et surtout en nombre croissant avec le temps.

Mais, d’abord, il faut dissiper un malentendu possible. Lorsque je m’interroge sur ce que j’ai appris quant à l’accordéon, il ne s’agit pas seulement de connaissances ou de faits objectifs, il ne s’agit pas seulement de savoir, il s’agit d’informations que je me suis appropriées, c’est-à-dire d’informations qui ont modifié profondément et intimement mes idées et mes comportements. Du coup, ma question de départ peut se traduire de la manière suivante : « finalement, parmi les informations relatives à l’accordéon qui ont fait évoluer la représentation que j’en avais ou qui ont modifié mes comportements à son égard, quelle est la part des informations que j’ai reçues par voie personnelle, disons même par relation amicale ? ».

Sans chercher à mener une investigation exhaustive, je pense par exemple à Sylvie Jamet, qui m’a fait connaître le Baïkal Duo, par l’intermédiaire duquel j’ai connu Jacques Pellarin, qui m’a fait connaître Jean Pacalet et plus récemment tel album d’Astor Piazzolla et de Gerry Mulligan, « Summit ».Jacques qui m’a fait connaître ses propres compositions, dont certaines inédites à ce jour. Je pense à Caroline Philippe qui m’a fait connaître Bruno Maurice qui, au fil des relations amicales que nous avons nouées de concert en concert, nous a fait l’inestimable cadeau d’un enregistrement de « Cri de Lames » ou d’une invitation au conservatoire pour un concert avec Alan Bern. Je pense à Robert Santiago m’envoyant le premier cd de démonstration de son orchestre typique, retrouvé à l’occasion d’un déménagement. Je pense aussi à Anne-Marie Bonneilh nous faisant découvrir des accordéonistes que nous ignorions et nous expliquant ses choix de programmation du festival de Trentels. Je pense à Gilles Cuzacq sonnant au portail de la maison pour me rencontrer et m’offrir en toute simplicité son dernier opus. Je pense évidemment à Patrick E. grâce à qui j’ai découvert Soledad, puis plus tard Tricycle ou encore « Pearl » et bien d’autres merveilles encore, et à qui j’ai eu le plaisir de faire connaître Gorka Hermosa ou Jacques Pellarin. Je pense encore à Roberto de Brasov rencontré à Anglet en décembre par le truchement de Philippe, et qui a tenu absolument à nous offrir son disque "Figuri Express »,disque que nous avons reçu fin mars. Roberto de Brasov à qui nous avons à notre tour envoyé trois bouteilles de Jurançon, vin qu’il nous avait dit apprécier. Comme je l’ai dit plus haut, je n’ai pas l’intention d’être complet ; il me suffit de vérifier que cette circulation d’informations personnelles et amicales a été pour moi d’une importance capitale. Sans celles-ci, mon monde de l’accordéon serait tout autre et sans nul doute beaucoup plus pauvre. C’est une réponse à ma question.

Mais si maintenant je me demande quelles sont les autres sources de mes apprentissages, il me semble que j’en identifie immédiatement deux :

- la navigation sur internet (les sites des artistes ou d’amateurs d’accordéon ; les documents YouTube ; les blogs de Sylvie ou de Caroline et plus récemment de Philippe Krümm ; les annonces de festivals ou de concerts ; les sites d’éditeurs ou de distributeurs) d’une part ; la lecture de la revue « Accordéon & accordéonistes", d’autre part. Je les mets dans la même catégorie, car il s’agit dans les deux cas, indépendamment du media, d’informations impersonnelles.
- les concerts, que je qualifierais volontiers d’apprentissage expérientiel ; je veux dire que les concerts sont en quelque sorte une source d’apprentissage par expérience directe.

Peut-être pourrais-je ajouter deux autres sources d’informations et d’apprentissage, qui seraient, l’une, la commande de disques par courriels adressés directement à l’artiste, l’autre, la commande à des sites de distribution (Alapage, Virgin, Fnac, etc…) ou l’achat de disques en explorant plus ou moins au hasard les rayons de magasins (Virgin, Fnac, Harmonia Mundi, espaces culturels de grandes surfaces). Mais en fait la commande par courriel a toujours débouché pour moi sur un échange personnel avec l’artiste et l’achat en magasin s’apparente à un achat impersonnel, sauf peut-être en ce qui concerne les boutiques Harmonia Mundi dont les responsables distribuent des disques, à forte valeur culturelle, et non un produit qui aurait pu aussi bien être de la lessive ou de la soupe en pack. Dans cette même catégorie que les boutiques Harmonia Mundi je mets le site de Joël Louveau dont j’apprécie qu’il ait pris la peine et le temps de me signaler personnellement l’intérêt de deux disques magnifiques : « Bonjour de Paris », un 33 tours, d’Azzola et Bossatti, et « Fusion » de Precz et Zgraja.

Ce premier survol des sources d’informations qui m’ont permis de construire mes apprentissages quant à l’accordéon me permet d’en identifier trois catégories :

- les informations liées à des échanges personnels et souvent amicaux, en partie fondés sur le hasard de rencontres, en partie sur le désir réciproque de partager les plaisirs de l’accordéon,
- les informations impersonnelles, qui demandent curiosité, méthode et obstination pour être repérées et collectées,
- les informations tirées de l’expérience, essentiellement celle que constitue la présence à des concerts. Encore faut-il préciser que cette situation est souvent l’occasion de nouer des relations personnelles avec les accordéonistes. Je pense à Florian Demonsant de Pulcinella ou de la Fanfare P4 ; je pense à Philippe de Ezcurra ; je pense à bien d’autres encore…

Mais en fait je me rends compte à quel point je suis attaché à cette dimension personnelle de l’écoute de l’accordéon. Lorsqu’elle est présente, l’écoute n’est finalement pas de même nature que lorsqu’elle est absente. Sa présence modifie radicalement et essentiellement le contexte de l’écoute, donc l’écoute elle-même, tant il est vrai qu’il n’est de texte sans contexte. Le plaisir de suggérer l'écoute d'un disque ou de signaler un concert à un ami comme le plaisir de suivre un conseil amical sont pour moi inhérents au plaisir de l'accordéon.

jeudi 19 mars 2009

dimanche 22 mars - éric séva : espaces croisés

Il y a quelques années, nous avions découvert le saxophoniste Eric Séva comme membre d’un trio de Daniel Mille, à Caveirac, commune de l’agglomération de Nimes. Une cave à vin pleine de charme, de fraicheur et de fûts énormes. Eric Séva nous avait impressionnés. Nous gardons de son jeu un souvenir très vif.

Comme je trainais dans les rayons de disques de l’espace culturel Leclerc, une couverture attira mon attention par sa sobriété même. Un homme grand, brun, vêtu d’une veste de cuir et d’un pantalon noir, tient entre ses mains un saxophone. Photographie en noir et blanc. Graphisme dépouillé. Sobre. En gauche, à hauteur de ses épaules, « espaces croisés » ; à droite, à la même hauteur, « éric séva ».

Par curiosité, je retourne le boitier. Je lis :
- Eric Séva, saxophones baryton, soprano et sopranino
- Wiliam Lecomte, piano et nord lead
- Lionel Suarez, accordéon et bandonéon
- Pierre-François « Titi » Dufour, batterie et cajon

C’est un disque produit par L’arbre à sons et distribué par Le chant du Monde / Harmonia Mundi en 2009. Huit titres.

Evidemment, le seul nom de Lionel Suarez suffirait à me donner envie d’écouter ce disque. Si celui d’Eric Séva s’y ajoute, l’affaire est entendue. D’autant plus que c’est lui qui a fait toutes les compositions.

Je n’ai pas grande expérience du monde des saxophonistes, mais ce que j’ai entendu, et il en serait de même pour la trompette, me le fait apparaître comme un monde clivé : d’une part, des saxophonistes (ou des trompettistes) extravertis, qui créent un son destiné à se répandre avec force, comme un feu d’artifice, comme une salve de projectiles, d’autre part des saxophonistes (ou des trompettistes) introvertis, qui créent un son sourd, intérieur, intime, qui résiste à se répandre. Les uns traduisent des émotions spectaculaires, s’expriment dans le registre de l’extériorité ; les autres traduisent des émotions intimes, quasi murmurées. Ils s’expriment dans le registre de l’intériorité. Eh bien, même si sa musique ne répugne pas à être brillante, à sonner clair, je classerais volontiers Eric Séva dans la catégorie « introversion / intériorité ». Une sorte de méditation sans excès, pleine de retenue. Et pour l’accompagner, trois musiciens dans le même registre.

Une dernière réflexion : quand Lionel Suarez sortira-t-il un disque où il montrera toute la mesure et toutes les facettes de son talent ? Pour l’instant, j’ai beaucoup aimé « Les roots d’alicante » (6 :35), mais pas seulement.

samedi 21 mars - où il est question de trois approches de l'écoute musicale

Quelques mots d’analyse technique par Stéphane Morel à l’issue du concert de Bruno Maurice et Dominique Descamps m’ont donné à réfléchir, d’autant plus qu’ils venaient en écho de commentaires faits par les deux instrumentistes au fil de leur prestation. Chaque fois, leur éclairage m’a paru lumineux et m’a ouvert des horizons que je ne soupçonnais pas. Et je me dis qu’en fait il y a trois grandes approches de l’écoute musicale, de l’accordéon en particulier : une approche par l’analyse, une approche par la compréhension et une approche par l’analogie. Bien entendu, chacune a sa valeur et sa légitimité, mais on sent bien que c’est au croisement des trois que l’on est au plus près de la complexité d’une œuvre et plus encore du sens du plaisir éprouvé à son écoute, qu’il s’agisse d’une interprétation enregistrée ou live.

L’approche fondée sur l’analyse porte sur l’œuvre en tant qu’objet, sur sa construction, sur sa fabrication. Il s’agit d’un travail de dé-construction, de mise en pièces, de mise à plat. On vise une connaissance objective. On est dans le champ de l’ex-plication. On sait des choses sur l’œuvre et l’on mobilise ses connaissances pour augmenter son savoir.

L’approche visant la compréhension porte sur l’état d’esprit du sujet écoutant, sur la réception de l’œuvre, sur les impressions et les émotions ressenties. Il s’agit d’un retour réflexif sur la subjectivité. On essaie de saisir ensemble, de prendre en même temps, les origines d’un sentiment éprouvé dans l’instant, sur le vif et sans réflexion. On est dans le champ du travail introspectif. On s’intéresse au plaisir.

L’approche par l’analogie, forme de raisonnement que récusent les sciences, s’appuie sur la relation « c’est comme… », c’est-à-dire : « c’est pareil que… / et pas pareil que », « semblable et différent »… Ici, pas de raisonnement discursif, pas de souci de vérification en bonne et due forme. Ce qui compte, c’est l’intuition et son authenticité ; il n’est question ni de preuve, ni d’argumentation logique. Cette approche m’intéresse, car elle porte souvent sur les structures en cherchant à faire émerger des correspondances.

Si l’on voulait des images pour qualifier chacune de ces approches, on pourrait associer la première au scientifique ou au technicien, la deuxième au psychologue ou à l’introspection, la troisième enfin au poète.

Il va falloir creuser un peu ces idées… mais, j'y reviens, on sent bien que la complexité du plaisir de l'écoute se trouve à l'intersection des trois approches.

vendredi 20 mars - correspondances

A côté de mon ordinateur, à portée de main, trois disques, que j'écoute en alternance par deux ou trois morceaux à la fois. Renaud Garcia-Fons dit que "cet album est organisé comme un recueil de nouvelles : chacune des onze compositions est une chronique de ce Sud rêvé, sans frontières". C'est une manière qui lui est habituelle de construire ses albums. Les photographies de Javier Arcenillas, une sélection d'une douzaine, ont, dit-il, accompagné par leur mystère et leur intensité l'écriture et la réalisation de "Linea del Sur". Elles sont en effet émouvantes en noir et blanc, avec un léger tremblement qui leur donne l'incertitude des rêveries. Mais, curieusement, la photographie de couverture me frappe par sa rigueur géomètrique et par son piqué. L'album est joué par un quartet, mais seul Garcia-Fons apparait. J'apprécie cette image pour sa beauté formelle, mais je n'y vois aucune correspondance avec l'atmosphère du disque. Bien entendu, cette distance n'est pas gênante. Et je me dis que sans doute le lien essentiel entre les deux, la photographie et la musique, m'échappe...

En revanche, cette photographie, encore en noir et blanc, qui est l'une des illustrations de "Orange for Tea", me parait correspondre avec évidence au contenu de l'album. La tonalité, ce jeu entre le noir profond et le blanc éclatant, cette gradation de gris, c'est tout à fait conforme à mon impression dominante. Et puis, le regard des trois instrumentistes, qui vise un point de perspective imaginaire, c'est aussi tout à fait l'mage que je me fais du trio. Unis par un projet commun.

Autre image, toujours en noir et blanc, tirée de "King Size". Toujours les regards. Le parallélisme, saxophone et contrebasse, saxophoniste et contrebassiste, rompu par le regard transversal de l'accordéoniste. Attention et bienveillance. Comme une présence tutélaire.

Décidément, les photographies en couleur sont plus réalistes, mais la photographie en noir et blanc est bien celle qui est faite pour saisir l'âme dans l'instant. En tout cas, pour moi, ces images sont indissociables de l'écoute des albums correspondants.


jeudi 19 mars - florian avec pulcinella à orthez

17:46. De 17:46 à 18:46, une heure de concert. Huit images de Florian à l'accordéon. Huit images que je trouve significatives. Bien évidemment la qualité technique laisse à désirer, mais bon, telles quelles elles montrent assez bien les attitudes de Florian. Et puis, les trois clichés pris en une minute, à 18h28, me plaisent bien.

17:53.

17:55.

18:04.



18:28.



18:28.


18:28.


18:46.









jeudi 19 mard - pulcinella à orthez : photonotes

Les places sont numérotées. Nous sommes au deuxième rang. Le premier rang restera vide. C'est la situation idéale pour faire des photographies : je peux m'appuyer sur le dossier de devant qui me sert de support. Confortable.

17:46. "La valse maladroite". On est d'emblée plongé dans le monde de Pulcinella. La salle sonne bien. On sent que les éclairages seront à la hauteur. C'est bien parti !

17:59. Ferdinand continue ses changements à vue : saxophones, flûte traversière et autres instruments improbables. Il s'agite comme un ludion. Les autres font semblant de rester imperturbables. "Vie et mort du platane de Prugnagnes".

18:09. C'est un monde qui peu à peu, de morceau en morceau, s'installe.



18:23.



18:27.





18:43. Et puis, inévitablement, le moment de sound painting. Je te surprends, tu me surprends. Si tu me cherches, tu vas me trouver. Il est passé par ici, il repassera par là...




18:44. C'est sûr, comme on dit, ce moment est l'occasion pour le quartet de s'éclater.