vendredi 30 octobre 2009

dimanche 1er novembre - un bien bel automne

Vendredi. 12h30. 23° dans la maison ouverte à tous les vents. "A tous les vents" est une expression ; en fait, pas un souffle d'air. 27° sur la terrasse avant. 25° sur la terrasse arrière.

Depuis mercredi après-midi, Françoise "se tient" une grippe carabinée. Entre frissons et coups de chaleur, entre excitation et coups de pompe. Les médecins lui disent que tout est normal ; on verra au bout de soixante-douze heures ; hier soir, vers 20 heures, grosse poussée de fièvre. Notre médecin a quitté son cabinet. SOS Médecins est saturé. Le standard a disjoncté. Il n'y a pas encore, à Pau, assez de toubibs venus des pays de l'Est ou de l'Afrique. On est un peu démunis. On ne se décide pas à aller aux urgences. On compte sur les bons offices du Doliprane 1000. En tant que mécréants, nous ne croyons pas aux effets des prières. Mais avec une bonne dose de télévision, les choses s'arrangent. Vers minuit, après un dernier Doliprane et deux tasses de verveine, Françoise s'endort, sa lampe de chevet dans la figure, son livre ouvert à la main, avant qu'il ne tombe sur la moquette, ses lunettes un peu de guingois sur le nez.

En ce début d'après midi, ça va un peu mieux. Le temps est si délicieux que nous décidons de manger dehors. Sur la pelouse, les feuilles du prunier tombent en abondance. Craquantes sous les pas. Un feu d'artifice de jaunes, de bruns, de rouges, avec des tâches de vert. Pour le plaisir des yeux et de l'odorat, j'ai étalé deux taies d'oreillers bleues sur l'herbe.

La terrasse est composée d'un petit nombre de couleurs, mais d'une telle harmonie que je reste quelques instants à la contempler avant de passer un coup de balai.

Avant d'enlever les feuilles de la table, du sol et des sièges, je me fais le plaisir de photographier une coupe, colorée comme une fleur exotique.



C'est l'automne ! De toute évidence, c'est l'automne, d'or et de feu.



Au même moment, la terrasse arrière est encore dans l'ombre. La table blanche et les chaises sont bleues. Les feuilles des charmes forment une décoration qui contraste avec la profusion des couleurs de l'autre terrasse.




La géomètrie des carreaux et de la table contraste aussi avec celle de la terrasse avant. Cette rencontre de formes géomètriques et biologiques : table, carreaux vs feuilles, ce contraste de couleurs chaudes et froides, c'est aussi l'automne.


Après déjeuner, l'envie me prend d'écouter une version d'"Otono Porteno". Pas n'importe laquelle. Une version que m'avait fait connaitre William Sabatier dans l'un de ses articles de la revue "Accordéon & accordéonistes :
- "Astor Piazzolla, Edicion critica : Piazzolla - Teatro Regina / Astor Piazzolla y su quinteto", Sony, 2005 (LP BMG Ariola Argentina, 1970).
On peut lire en commentaires :"Piazzolla en el Regina fue grabado en vivo en ese teatro en 1970 y presenta, por primera vez juntas, las cuatro estaciones portenas. El quinteto esta integrado por Astor Piazzolla en bandoneon, Antonio Agri en violin y viola, Osvaldo Manzi en piano, Cacho Tirao en guitarra electrica y Kicho Diaz en contrabajo...".
Evidemment, après trois écoutes successives de l'automne, j'ai eu envie d'écouter les autres saisons. Profondeur, lumière sombre et tension sans relâche. Comme il y a des musiques aériennes, fluides, d'autres quasi liquides, d'autres encore terriennes, ancrées dans le sol, celle-ci est incandescente et, si j'ose dire, ignée.






jeudi 29 octobre 2009

samedi 31 octobre - lucas

En ouvrant mon courriel, je viens de lire un commentaire, signé "Lucas", déposé le jeudi 29 à la date du 22 avril sur mon blog, qui s'appelait alors "le bistrot des accordéons". Ce jour-là, j'avais fait une chronique sur le disque de Régis Gizavo, "Samy Olombelo". Dans son message, Lucas me dit son admiration pour un titre en particulier : "Kemba", dont il souhaiterait récupérer les paroles. Mais, problème... la signature "Lucas" ne permet pas d'accèder à son site. La solution ? Recopier ici ces paroles... Sitôt dit, sitôt fait !

Lasa izy eh
Lasa tsy nimpoly io
Niaratsy gny mafy ka tsy
nahatanty
Ka lasa an'ie
Marina an'ny gnazy
Valia tambitamby
U nostru amore ha tartutu qualla
U nostro amore sin'he mortu chi
sa
E ne corre (x 2)

D'altre rive (x 2)
E ne corre m'pianu (x 2)
A dumane (x 2)

Gny raha soa tsy mety ho lany
Laha mbo velo eto ambonin'ny
tany
Hajao gny vale (x 3)

Un altru fiore l'ha trovu chi sa
Niaritsy gny mafy ka tsy
nahatanty
Ka lasa an'ie
E ne corre
Marin'ny gnaze
D'altre rive
Marin'ny gnaze
Ny raha soa tsy mety ho lany
Laha mbo velo eto amboni n'ny
tany
Hajao gny vale (x 3)
E ne corre m'pianu (x 2)
A dumane A dumane A dumane

En commentaire, cette information, que je cite in extenso : Depuis sept ans qu'ils travaillent ensemble, Régis et Jean-François Bernardini, le chanteur d'I Muvrini, ont développé une complicité. Ils l'expriment dans cette chanson qui dit :"Elle est partie, elle ne veut plus rentrer. Elle a tout subi pour sauver son foyer. Elle ne reviendra plus et elle a raison. l'amour doit rendre heureux et non pas détruire..."

Et que vogue ce message... jusqu'à Lucas, j'espère.




vendredi 30 octobre - spécial copinage : bal du vendredi 13

... reçu ce matin pour diffusion nationale et, le cas échéant, internationale, voire au-delà, si possible, ce courriel de Bruno Bonté :

"BAL DU VENDREDI 13"


BAL A SAINT-CERNIN LE VENDREDI 13 NOVEMBRE 2009
L'accordéon diatonique, invite un violon de l'Artense.

- Joël BEC, accordéon diatonique, ouvre le Bal ; nourri à la musique (blonde et riche comme la lentille) sur la Planèze, il a depuis pris racine en Châtaigneraie ; ça doit être la châtaigne qui lui donne cette énergie "diatonique" hors du commun.

- Madame La Fée se jette à l'eau avec sa bouée diatonique : c'est son 1er Bal ! Elève de Yannick Delclaux, Cyrile Brottaux et Michel Lacombe tout à la fois, elle se glissera entre les musiciens avec ses oeuvres : "et danse que dansera"!

- René Tissendier, violoneux de l'Artense nous honore de sa présence et relève le défit du bal en soliste (sans doute sera-t-il accompagné de quelques amis violoneux avec qui il partagera la scène à la fin de sa prestation...???).

- Jacques Delprat au diato-nique les clichés de bel instrument ; il a toujours voulu que son accordéon parle avec l'accent de la Margeride et des montagnes qui l'entourent.

- Yannick Delclaux, accordéon diatonique, concluera ce "Bal du Vendredi 13" en beauté avec un répertoire plutôt large : il a un pied en Auvergne, l'autre dans le Rouergue et un 3ème dans le Quercy. Peut-être qu'il a 15 doigts ...


RENDEZ-VOUS au "BAL DU VENDREDI 13"

Le Vendredi 13 Novembre
A 21h00 A la Salle des Fêtes de Saint-Cernin, Cantal (Entrée 2 €)

MERCI DE FAIRE SUIVRE L'INFO ; amitiés à tous : BB.

Pau est un peu loin pour profiter de cette invitation, mais, amis lecteurs, si vous en avez la possibilité courez vite : l'accordéon sera diatonique ou ne sera pas !

jeudi 29 octobre - il n'y a pas de hasard

Non, il n'y a pas de hasard. En rangeant "Cinema Novo", que je viens d'écouter une énième fois, je prends conscience que les photographies de couverture ont un rapport direct avec les photographies que j'avais prises en bord d'océan, à Hossegor. J'avais d'abord fait un lien entre ces photographies et le land art à partir de cette soirée du 2 octobre où le festival Jazzèbre proposait de coupler le concert du trio Massot-Florizoone-Horbaczewski avec un film documentaire sur l'oeuvre et sur le processus créatif propre au sculpteur écossais Andy Goldsworthy. Ce lien m'avait incité à explorer cette zone frontière entre l'océan et le sable. D'une certaine façon, je puis dire que le regard du land art sur le monde m'avait ouvert les yeux sur cet environnement. Mais ce lien pouvait apparaître comme le fait du hasard de la programmation du festival. Or, en rangeant le cd je prends maintenant conscience qu'il est sous le signe de cette même zone incertaine entre la terre et l'eau. Cette plage, que je situe, connaissant l'origine géographique du trio, dans le Nord de la France ou en Belgique, cette plage fait immédiatement penser à celle d'Hossegor.

Deux remarques à propos de ces deux photographies de la pochette. A gauche, on voit que l'image de couverture est inversée, les têtes en bas. C'est dire que l'on perçoit les trois musiciens d'abord par leurs reflets dans les flaques d'eau. Le symbole est assez joli : le reflet est premier, la réalité est seconde. Quant à l'image de droite, sa construction me plait, mais plus encore me font plaisir les trois signatures : Tuur, Michel, Marine. Une trace précieuse. Ancrage du souvenir. De surcroît ces signatures sont des prénoms.

Du coup, j'ai aussi plaisir à publier cette photographie prise le 26 octobre à Hossegor. Jour blanc, jour de brouillard, jour de toutes les incertitudes. Un moment de méditation sur le flou des frontières naturelles. Les éléments se mélangent. Monde mixte.
Je note en particulier que cette image combine trois incertitudes : incertitude sur la limite entre l'air et l'eau, incertitude entre l'air et la terre, incertitude entre l'eau et la terre. Bien plus, on pourrait y ajouter les incertitudes liées au temps ou, plus exactement, à la durée. Instant après instant, tout change. Imperceptiblement. J'a pu ainsi prendre plusieurs photographies dans le laps de temps d'une minute. A chaque seconde, il n'est que mouvements, changements, négociation sans fin sur les limites. Mais, à l'échelle de la minute, tout parait identique, stable, je dirais homéostatique.


C'est ainsi que lorsqu'on contemple le mouvement des vagues, on perd la notion même de temps. On devient incapable d'apprécier la durée du temps qui passe. Il y a quelque chose dans cette expérience de ce que les anciens stoïciens nommaient "ataraxie". Expérience dont je note qu'elle est essentiellement durable, parce qu'elle ne dépend en rien d'un dispositif de consommation. Finalement, la musique et le land art sont choses assez subversives.

mercredi 28 octobre 2009

mardi 27 octobre - de l'accordéon au land art (3)

Ces photographies méritent quelques explications. J'y ajouterai une anecdote qui m'a bien réjoui. Quittte à explorer la piste du land art, je me suis résolu, mardi après-midi, à emporter avec moi un parasol. Bien décidé à m'en servir comme d'un repère, comme d'un amer pour cadrer mes photographies de la plage et pour me donner un point de vue.

Il est donc 15h49 quand, laissant là mon parasol, je me suis mis à cavaler pour éviter d'être rattrapé par la vague dont j'avais sous-estimé la vélocité. J'ai bien cru qu'il allait y rester ou plutôt y partir... là bas au loin, au-delà de l'horizon.

15h50. Le parasol et son ombre. Une sorte de ballade ou de balade sentimentale.

15h58. Comme la rencontre fortuite sur une plage landaise d'un parasol, de son ombre, du chemin tracé par un engin venu d'ailleurs et d'un photographe. Sans qui, pas de photo, pas de trace.



16h08. J'aime bien cette photographie pour une raison, très land art, la couleur de l'ombre produite par la rencontre du parasol, du soleil oblique, du sable et de l'écume.



16h31. Variations sur la couleur verte. Rencontre de mon parasol avec ces sortes de filets qui me laissent perplexes.




17h00. De retour à la villa, je ne résiste pas au plaisir de dresser sur la pelouse cette sorte de statue mélanésienne, une statue de l'île de Pâques en miniature. Il est temps de préparer nos valises, il est temps de retourner à pau où notre maison, notre jardin et notre boite à lettres avec les factures de téléphones, d'eau et d'électricité nous attendent. Il ne manque que le gaz. L'esprit du land art veille sur son nouveau territoire.



Mais, au début de ce texte, j'avais évoqué une anecdote. La voici : comme je parcourais la plage avec mon parasol, tantôt sur mon dos, tantôt planté dans le sable, un couple, l'air intrigué par mon manège, s'approcha de moi.
Lui -"Bonjour ! Excusez mon français, je suis américain..."
Moi -"Bonjour ! Enchanté !"
Lui -"Vous faites des photos ?"
Moi -"Oui !"
Lui -"Pour qui ? Vous êtes photographe ?"
Moi -" Pas vraiment. Je fais des photographies pour moi... et pour mon parasol. Je fais son portrait".
Lui - (intrigué et amusé) C'est bien. Bonne journée !"
Moi - "Et puis mon parasol me donne un repère pour photographier le sable, l'océan, les vagues. c'est comme un signal !"
Lui - "Ah ! Oui..."
Le couple continue sa promenade et moi mon chemin zig-zaguant. Quelques minutes plus tard, l'homme (une cinquantaine d'années) s'approche, s'excuse et me demande si je peux lui prêter mon parasol pour faire des photographies... qu'il compte mettre sur son blog. Ce que je fais bien volontiers. Il prend deux ou trois clichés puis décide de photographier sa compagne (une quarantaine d'années) sous le parasol, devant le parasol, à côté du parasol. Je lui propose alors de faire leur portrait avec son numérique. Il accepte avec joie. Sa compagne me remercie alors dans un français impeccable pour ma gentillesse et ma patience. Elle est française. Leur comportement me donne à penser que ce couple s'est formé il y a peu de temps. Ils ne se connaissent pas vraiment. Je fais donc quelques photographies. Elle demande alors à son compagnon s'il veut m'acheter le parasol. Lui comprend qu'elle voudrait qu'il lui achète le parasol. Un désir enfantin quoi ! En peu de temps, le malentendu est dissipé, mais en les regardant s'éloigner je rêve de ce titre d'un journal local :"Un milliardaire américain offre à sa compagne un parasol de plage pour la somme extravangante de ... dollars". L'article raconte notre rencontre et comment un photographe (moi) a fait fortune en photographiant son parasol.
Un peu plus loin, un couple, assis sur des serviettes de plage et muni de deux enfants, échange quelques mots avec le couple. Quand je passe à sa portée, l'homme me demande si je fais des photographies de famille avec mon parasol. Je réponds que non, mais que, s'ils ont un numérique, je me ferais un plaisir de leur tirer le portrait. Ils ont un numérique. Ils habitent Maubeuge ; ça ne s'invente pas.
C'est aussi ça, le land art ! Rencontres improbables. Des moments délicieux.
Tout en rédigeant ces trois jours autour du land art, en choisissant des photographies, j'écoute "Cinema Novo". La boucle est bouclée.
Post-scriptum. Avant de fermer ce "post" et de quitter provisoirement le land art, un salut amical à Dallasvietty...




lundi 26 octobre - de l'accordéon au land art (2)

La brume est encore plus dense qu'hier. Le regard se perd rapidement dans la ouate qui s'élève au-dessus des vagues et qui envahit insidieusement la plage. Le bruit est encore plus fort qu'hier. Il n'y a pas âme qui vive pour se promener. Cet espace est à nous. Espace poétique, espace de jeux, espace de land art. Les matériaux sont les éléments mêmes de la nature. Pas de formes dures ; seulement des nuances et des variations. Il est 10h50.

Il est encore 10h50.

Il est toujours 10h50. Cet équilibre instable, sans cesse renouvelé est fascinant. Un rêve enfantin.


10h50. Une minute, une éternité. L'eau, le ciel, la terre. Art élémentaire. Jeu de forces. En cet instant, l'océan semble l'emporter. Illusion !




11h00. Je retrouve les grands panneaux en toile verte transparente. Le tissu est chargé d'humidité. Un signal ? Oui, mais où est le code ?




15h41. Changement de décor. Le soleil est en train de gagner la partie. Entre temps, un bâteau s'est retourné à cinquante mêtres du bord. Les surfeurs n'ont pas pu secourir le pêcheur. Seul son chien s'est sauvé. Ils ont bien donné l'alerte, mais trop tard. Déjà, les pompiers ne parlent plus que du corps à récupérer lors d'une prochaine marée.
L'océan est, comme on dit, déchaîné. Le bruit est une succession ininterrompue de fracas. Curieusement, les rouleaux se brisent sec. Ils perdent toute leur énergie en un instant et sont incapables d'avancer sur le sable. On croirait des matamores gesticulant avant de se dégonfler comme baudruches.







15h41. Des vagues pour les surfeurs !






15h41. Une sorte de modus vivendi qui durera ce qu'il durera. On dirait une peinture abstraite. On pense à Rothko.




En rentrant à la villa, nous longeons, nous croisons, nous enjambons les traces laissées par les engins qui nettoient et façonnent la plage à longueur d'année. Sans trêve, sans répit. C'est que le sable est rusé et imprévisible. Bien sûr, je sais bien que ces traces ont été laissées par des engins fonctionnels et non artistiques. Mais, pour quelques instants, je veux croire le contraire. Ces traces sont l'oeuvre d'artistes, juchés sur leurs pachydermes mécaniques, qui mettent toute leur créativité à tracer de belles formes, de belles frontières. Ils sont sans illusions et savent que le vent ou l'eau ou les pieds des gens détruiront vite fait leur oeuvre éphémère. Mais peu leur chaut... Ce sont de modernes Sisyphes et il faut croire qu'ils sont heureux de recommencer ainsi chaque jour leur travail. Incidemment, ce faisant, ils nettoient et modèlent la plage, mais ce n'est pas leur but premier. Heureux artistes du land art ! Il est exactement 15h44.





Les deux photographies ci-dessous ont été prises à 15h45. Des serpents et des pas.



On peut voir, sur la photographie ci-dessous, comment, chaussé de mes Crocs, j'essaie de mettre mes pas dans les pas de l'engin qui a fait cette trace. C'est une façon d'auto-portrait. Encore du land art. Je pourrai dire : j'y étais. Ce lundi 26 octobre, à 15h45, sur la plage d'Hossegor, à gauche en regardant la place des Landais, j'étais là. La preuve. Encore du land art, variante auto-portrait.



Quant à cette photographie, prise à 15h46, franchement je l'aime beaucoup pour sa géomètrie, pour la finesse du sable entre les traces et pour cette marque en bas à gauche, marque incongrue, quelque chose comme ces défauts, volontairement introduits par les artisans, que l'on trouve, dit-on, sur les tapis d'Orient, comme pour signifier qu'il y a une imperfection au-delà de la perfection et que cette impertfection rend la perfection plus parfaite. C'est sûr, ce land art là a à voir avec l'art des tapis de haute laine.























dimanche 25 octobre - de l'accordéon au land art (1)

Vendredi 2 octobre. Nous sommes dans le hall du cinéma "Le Lido", à Prades, à une quarantaine de kilomètres de Perpignan. Il est 18h00. Nous sommes venus de Pau pour assister au concert du trio Massot, Florizoone, Horbaczewski et plus particulièrement pour écouter, en direct live, les titres de leur opus "Cinema Novo". Mais pour l'heure, nous discutons avec l'organisateur du festival Jazzèbre et un responsable de la salle de cinéma. Le festival propose en effet une formule originale associant "un film - un concert", qui a excité notre curiosité. Film à 18h30, concert à 21h00. Entre les deux, même si le programme ne le dit pas, un apéritif fort convivial. Le film est un documentaire "Rivers et Tides" consacré au travail d'Andy Goldsworthy. C'est un écossais, un sculpteur, mais un sculpteur un peu particulier. Adepte du Land Art, il crée ses oeuvres à partir d'éléments naturels, végétaux ou minéraux, recueillis sur les lieux même de leur installation. Oeuvres parfois monumentales, mais finalement toujours éphémères, dont il garde trace par la photographie ou le cinéma. Oeuvres érigées sur le lieu même de leur existence ; oeuvres effacées par le mouvement des marées ou du vent.

Certes nous connaissions le Land Art, en particulier par le numéro 99 de la collection "Photo Poche", intitulé "La nature dans l'art - sous le regard de la photographie". Une photographie montre Andy Goldsworthy dispersant l'une de ses sculptures, faite de fragiles brindilles, aux quatre vents d'une lande sauvage. Instantané. Trace. D'autres oeuvres sont montrées, signées Buren ou Christo dont les noms sont connus du grand public. Toutes les oeuvres ainsi photographiées sont fort diverses ; elles ont cependant en commun d'être exposées sur les sites où leurs matériaux étaient naturellement présents. La création est de l'ordre de l'agencement, de la mise en forme, de la disposition. Le geste artistique réside d'abord dans le regard de l'artiste qui a su voir les potentialités esthétiques qui se trouvent là ; il produit une oeuvre, mais celle-ci est destinée à retourner à la nature. Seule la photographie fait foi.

Ce film nous a intéressés. Bien plus, depuis son visionnement, il me semble que mon attention à mon environnement, naturel ou artificiel, s'est encore aiguisée.

Dimanche 25 octobre. 15 heures. Nous sommes sur la terrasse avant de la villa, à Hossegor. Nous attendons "les petits", qui sont partis de Toulouse vers 14 heures. Ils ont prévu de pique-niquer sur une aire de l'autoroute. Nous ne les attendons pas avant 18 heures. En les attendant, justement, après avoir ouvert portes et fenêtres pour laisser entrer la douceur de l'air venu des dunes, nous écoutons "Cinema Novo". Forcément ! Mais peu à peu le bruit des vagues vient se mêler aux sons du disque. Un bruit étrange et finalement obsédant. Un bruit lointain, mais lourd. Un bruit, ni régulier, ni irrégulier, ni aléatoire. Un bruit que je qualifierais de complexe, au sens où des moments irréguliers, voire perceptibles comme aléatoires, s'articulent en cellules régulières, que l'on attend en retenant sa rspiration.

Au bout d'un moment, nous décidons "d'aller voir la mer", en fait d'aller voir les vagues et leur machinerie sonore. Nous ne sommes pas déçus. En quelques instants, une brume s'est levée, qui estompe les couleurs. On pourrait, suivant l'expression des gens de montagne, parler de "jour blanc". L'autofocus de mon numérique a le plus grand mal à trouver des repères. Le flux et le reflux de cette masse énorme et parfois surprenante par sa vitesse nous fascine. Evidemment, je me laisse surprendre. Je recule trop tard, je m'entrave, je tombe, je ne sais comment je sauve mon "petit gros" [mon Samsung] de la noyade.

Mais, ce qui me frappe dans ce mouvement perpétuel, c'est le flou de la limite entre le sable et l'eau. A chaque nouvel assaut des vagues, le sable, sans broncher, force d'inertie "hénaurme", reprend du terrain. Une négociation sans début, ni fin, une négocation sans limites pour définir une improbable frontière.

Par exemple, les cinq photographies ci-dessous ont été prises au cours d'une même minute : 16h38 !

16h38
16h38



16h38


16h38





Moins d'une demie heure plus tard, le soleil a gagné la partie. Le ciel est immense. Bleu. Agressif. Chemin faisant, nous rencontrons d'autres frontières. Ce chemin qui court sur le sommet de la dune. Défense de la nature. Défense de marcher hors la voie tracée. C'est le prix à payer pour préserver la nature tout en donnant accès à l'océan pour le plus grand nombre. Je ne puis m'empêcher de percevoir cette construction comme une oeuvre de land art. Une oeuvre que des employés municipaux devront restaurer sans cesse. Sinon, les embruns salés auront tôt fait de la disloquer. Patience du land art. Il est 17h02.





17h03. Ces toiles tendues sur des piquets me font penser à quelqu'installation qui, je crois, il y a quelques années, traversait une partie de la Californie. Peut-être pour en marquer la faille géologique. Je ne comprends pas leur fonction, ni leur utilité. Les gens y portent peu d'attention. Pourtant, c'est bien de land art qu'il s'agit.





17h05. Comme une frontière dérisoire et changeant au gré des variations des ombres.








17h12. Ces piquets sont beaux. Chacun a une identité particulière. Ils indiquent le chemin de la plage. Ils font murmurer le vent. C'est aussi de la musique. Pulsations et sifflements.















vendredi 23 octobre 2009

samedi 24 octobre - une heure avec lionel suarez : neuf photonotes

J'ai essayé, le dimanche 18 octobre, de rendre compte des trois concerts donnés à Toulouse dans le cadre de "jazz sur son 31" par Lionel Suarez et ses invités. "Carte blanche" ou "fil rouge", comme l'on voudra. En tout cas, trois facettes de son talent. J'avais dit alors l'essentiel de nos impressions. Je n'y reviens pas. Cependant, je ne me résous pas à quitter ainsi de si bons souvenirs. C'est pourquoi, pour le plaisir de redonner vie à ces moments et pour le plaisir de l'image, j'ai choisis ces neuf photonotes, trois pour chaque soir. Sans commentaires.

14 octobre. 18h33.

18h45.


19h06.



15 octobre. 19h00.




19h25.





19h45.








16 octobre. 18h50.





18h51.


18h52.












vendredi 23 octobre - notes d'écoute

... écouté en alternance, dans l'intervalle entre deux moments d'activités courantes, mais fort consommatrices de temps, quelques disques, dont je veux ici, pour des raisons diverses, garder trace. Comme, sauf exception, par exemple pour situer un fait, un lieu ou un événement, je ne relis pas les pages de mon blog, je suis peut-être en train de me répéter. Peu importe. Il ne faut pas craindre la redondance, surtout quand l'âge avance.

- écouté donc "Douce", un album signé Stéphane Delicq, distribué par l'Autre Distribution. Un bien bel album. Des mélodies émouvantes, ancrées dans une tradition profonde, mais d'une belle modernité. A plusieurs reprises, j'ai pensé au disque de Marc Perrone, "Son éphémère passion". Il s'agit bien de punctum, au sens de Roland Barthes. L'accord entre clarinette, violon ou alto, contrebasse et accordéon diatonique fait surgir un monde nostalgique, un peu triste. J'ai pensé à un recueil de nouvelles tendres. L'écriture est aérienne.

J'avais tellement aimé ce disque dès la première écoute que j'avais entrepris d'explorer le site de Delicq sur internet. J'avais l'intention de lui commander, si possible, d'autres opus. Ce que j'ai fait dès que j'ai récupéré son adresse courriel. Las, mon message m'est revenu, "non distribué, adresse inconnue". En poussant l'investigation, je suis alors tombé sur un étrange site où il était question d'envoyer des cartes postales de soutien à S. Delicq, sa santé étant mauvaise. On y parlait de leucémie. Cela m'a ému et évidemment mon écoute en a été sinon modifiée du moins renforcée dans le registre de la nostalgie et de la tristesse.

Hier, je suis allé commander au Parvis deux disques disponibles de Stéphane Delicq. Disques assez récents. Sa santé s'est-elle améliorée ? Ses amis ont-ils entrepris d'éditer des enregistrements anciens ? Je ne sais et je ne cherche pas à savoir, mais il me tarde d'écouter d'autres titres de sa composition.

- écouté aussi "From Billie Holiday to Edith Piaf", live in Marciac du Wynton Marsalis Quintet et Richard Galliano. C'est Jean-Marc Licavoli qui m'a fait découvrir cet enregistrement, dont je crois la version dvd sort ces jours-ci. "Ma petite entreprise ne connait pas la crise...". Je disais ce matin même à Jean-Marc à quel point cet album, pur jazz, est caractéristique de mon rapport à ce genre musical. Quand j'écoute du jazz, je me sens chaque fois sur le fil du rasoir, en position instable et quelque peu dangereuse. Je m'explique. Cette écoute ne m'est jamais indifférente, mais sans que j'en saisisse clairement la raison une fois je me laisse porter par le jeu des improvisations, je suis le guide qui me fait découvrir un chemin surprenant et non balisé, une autre fois, je reste étranger aux gesticulations de l'artiste, je le regarde d'un oeil perplexe et incrédule, j'ai l'impression que "ça part dans tous les sens" ou que "ça manque de souffle", pire encore j'ai le sentiment d'avoir affaire à un rituel pour initiés (les applaudissements !), dont je reste exclu. Eh bien, dans ce disque justement je fais cette double expérience : adhésion à "La Foule" ou à "L'homme à la moto", exclusion quand il s'agit de "La vie en rose". Bien entendu, il est question d'impression immédiate, en aucun cas d'un jugement de valeur. Je suis étonné ou je m'ennuie (où va-t-il ? quand vont-ils conclure ?). Question de culture sans doute !

- mercredi après-midi, profitant d'une respiration dans notre mission toulousaine de papou-mamou, nous sommes allés voir ce qu'il en était chez Harmonia Mundi. En fait, il se trouve que nous avons déjà à Pau tous les disques d'accordéon ou de bandonéon en rayon dans la boutique. Mélange de satisfaction et d'insatisfaction. Tous, sauf un qui attire mon regard au moment de sortir : "Silver & Black". Sur la couverture, un nom retient en effet mon attention : Jean-Louis Matinier. Un disque Enja. Pur jazz donc. Michael Riessler, clarinette basse, Howard Levy, piano, harmonica diatonique, jew's harp, et Jean-Louis Matinier, accordéon. Un disque que je trouve, en première écoute, difficile. Une atmosphère abyssale. La clarinette basse contribue à brosser cette couleur ou ce climat. L'accordéon et l'harmonica sonnent bien ensemble. Certains morceaux, comme "Amischa" ou "Vela" me font rêver. L'accordéon de Matinier y est pour beaucoup. D'autres m'apparaissent comme des "performances", comme des jeux de l'esprit, un peu conceptuels à mon goût actuel. Question de culture sans doute. Mais j'ai bien l'intention de persévérer.

Et puis, ce matin, nous sommes allés au Parvis, l'espace culturel de notre cathédrale de la consommation. Je voulais vérifier si le dernier opus de Daniel Mille était sorti. Sortie le 2 novembre. Jean-Luc, le responsable "musique", m'a assuré qu'il le mettrait de côté pour moi. Il est compétent et aimable. J'ai toute confiance en lui. Mais, comme Françoise cherchait un "Harry Potter" pour Charlotte et Camille, j'ai croisé une nouvelle fois le disque de Galliano, "French Touch" . Du moins la nouvelle version, 2009 Dreyfus Jazz. Soit la version originale remastérisée, plus quatre titres en bonus, plus un extrait du dvd, "The Legendary Trio, Acoustic Trio", enregistré live à Marciac en 2000. Bon, d'accord, faut suivre... et s'y retrouver. "Ma petite entreprise ne connait pas la crise...". Pour l'instant, c'est "Douce" qui tourne. je mets en attente les quatre versions bonus de "French Touch" : "Bébé", Heavy Tango", "Sanfona", "You Must Believe in Spring". De quoi mettre l'eau à la bouche.

dimanche 18 octobre 2009

dimanche 18 octobre - jazz sur son 31 avec lionel suarez

Entre les visites bi-hebdomadaires à mes parents, à Nay, les occupations liées à la maintenance de leur villa, que vraisemblablement ils n'habiteront plus jamais, et les obligations inhérentes à nos rôles de Papou-Mamou à Toulouse -200 kilomètres de Pau, tout de même - je manque un peu de temps pour développer nos impressions quant aux concerts que nous avons eu l'occasion d'écouter. C'est pourquoi, pour les derniers en date, je m'en tiendrai aux faits, quitte à revenir plus tard sur nos sentiments, nos sensations et nos souvenirs.

Françoise avait repéré il y a quelques semaines des choses a priori fort intéressantes dans le cadre de "Jazz sur son 31". 31 est en effet le numéro de la Haute-Garonne, capitale Toulouse. En particulier trois concerts... Tout de suite donc elle avait retenu deux places pour chacun des dits concerts. Concerts gratuits, il faut le noter, mais nombre de places évidemment limité. Les trois concerts en question :
- 14 octobre, à 18h30, Automne Club Toulouse, "Une heure avec...", Lionel Suarez invite Eric Séva.
- 15 octobre, à 18h30, Automne Club Toulouse, "Une heure avec...", Lionel Suarez invite Jean-Marie Ecay.
- 16 octobre, à 18h30, Automne Club Toulouse, "Une heure avec...", Lionel Suarez : Recuerdos de Carlos Gardel. Invité : Minino Garay.

Avant d'entrer dans le vif du sujet, deux plaisirs liés à ces concerts : d'abord, comme nous sommes chaque fois arrivés un peu avant 17h30, malgré le froid glacial, nous avons pu nous placer au premier rang et garder deux places pour Jean-Marc et Pierre, avec qui nous avons eu le plaisir de partager nos impressions et un punch. Ce partage est essentiel. Ensuite, à l'issue de chaque concert, j'ai pu faire signer les billets ou des disques (par exemple celui d'Eric Séva) par plusieurs musiciens et à cette occasion échanger quelques mots. Le troisième jour, Lionel Suarez était franchement amusé de m'avoir ainsi donné trois signatures. Incidemment, autre plaisir, Jean-Marc m'a fait connaitre un disque de Galliano et W. Marsalis, "From Billie Holiday to Edith Piaf, live in Marciac", disque dont je n'avais pas repéré l'existence. Et puis, il faudra un jour qu'on reparle de l'accordéon que Jean-Marc vient de recevoir d'Italie : un Victoria. Il suffit de l'écouter en parler pour comprendre d'évidence que l'instrument a quelque chose de magique.
La salle, en fait un chapiteau, est installée dans la cour du conseil général de la Haute-Garonne. Un lieu magique, sombre mais chaleureux. La scène est toute proche. Des vitraux éclairent les parois d'une lumière festive.


Du premier concert, je retiens cette attitude de duo entre Eric Séva et Lionel Suarez. Duo complété par un piano et une batterie. On retrouve beaucoup de titres de l'album "Espaces croisés". Une première facette du talent de Lionel Suarez. Il se met au service des compositions d'Eric Séva et ses interventions, que j'avais déjà repérées sur l'album, prennent une tout autre dimension live.


J'aime bien cette image : une attention extrême aux autres, une manière de tisser un lien de complicité et, en arrière-fond, les vitraux qui animent l'espace.



Du concert suivant, je retiens cette image d'ensemble : un trio, présenté comme le nouveau trio de Lionel Suarez, soit accordéon, contrebasse et batterie-percussions (le batteur se montrant aussi un remarquable violoncelliste) et Jean-Marie Ecay dans le rôle de l'invité. Il ne jouera que sur deux morceaux, assez pour nous enchanter, trop peu pour ne pas nous laisser quelques regrets. Autre facette du talent de Lionel Suarez : leader et compositeur. On a eu en effet à l'occasion de ce concert le privilège d'écouter quelques créations inédites.





Bon ! J'aime bien cette image. L'artiste dans son monde. De surcroît, son instrument est magnifique.





Sur un morceau, Lionel Suarez a alterné accordéon et accordina. On voit bien que c'était pour lui un vrai plaisir. Communicatif.






Le dernier concert est en quelque sorte un hommage à Carlos Gardel. Une formation improbable pour jouer du tango : accordéon, batterie-percussions, violoncelle et trompette. La trompettiste imperturbable, mais qui donne des frissons. Le violoncelliste, surprenant, mais tellement virtuose et créatif. Minino Garay, qu'il est inutile de présenter : tout son corps respire en rythmes. Et puis Lionel Suarez qui joue le tango de manière magnifique. C'est son troisième talent. Nous n'oublierons pas la version de "Volver" donnée ce vendredi 16 octobre et encore moins " la Cumparsita", un feu d'artifice de créativité.




Cette image aussi, je l'aime bien. D'une part, parce qu'elle montre l'accordéon que Lionel Suarez utilisait dans la première partie du concert. Instrument magnifique, tant comme objet que par sa sonorité.




Dernière image enfin : la relation de l'accordéoniste avec son accordéon, sa concentration et peut-être sa solitude me touchent beaucoup.

Trois concerts. Trois rencontres :"Une heure avec...". Tout de même, c'est une chance qu'il faut apprécier à sa juste valeur...