lundi 16 novembre 2009

mercredi 18 novembre - le sens du moment opportun

Je me rappelle que, dans une vie très antérieure, j'avais été très intéressé, en lisant Aristote, par la notion de kairos. Notion que l'on peut traduire par "sens du moment opportun, du moment favorable". Qualité fondamentale de l'homme d'action. Je me rappelle que, des années plus tard, mais toujours dans une vie antérieure, j'ai beaucoup appris à la lecture du "Macroscope" de Joël de Rosnay. J'ai été très intéressé par l'importance qu'il accorde à la notion de timing dans l'analyse de l'organisation des systèmes. Le sens du timing, c'est cette compétence particulière de l'homme d'action et du manager, qui consiste à savoir, souvent intuitivement, déclencher une action ni trop tôt, ni trop tard, mais juste à temps. J'en ai éprouvé la pertinence à l'occasion d'audits de management d'institutions éducatives. Mon expérience me porte à penser aujourd'hui que cette compétence relève moins de savoirs acquis que de l'expérience, c'est-à-dire d'une observation attentive, constante, approfondie et réfléchie de l'environnement avec lequel on est en interaction. Expérience qui dans l'urgence des décisions à prendre se présente comme une intuition, souvent difficile à expliciter, mais perçue comme une évidence.

Qu'on l'appelle kairos, sens du timing ou du moment opportun, peu importe. Cette compétence m'a souvent servi de guide et, d'une certaine façon, elle me sert de guide dans la vie quotidienne. C'est ainsi que lorsque les lourds nuages noirs se sont dispersés sur les sommets et que le ciel, un beau matin, est si clair qu'on ne peut le regarder en face, il faut savoir, toutes affaires cessantes, aller voir la neige immaculée et s'en mettre plein les yeux. Le spectacle ne durera que quelques heures, car le lendemain ou de nouveaux nuages viendront masquer le tout ou un soleil trop vif transformera la neige en soupe grise. Il vaut mieux avoir le sens du moment favorable pour ne pas rater l'occasion. Qui ne se retrouvera au mieux que dans un an. De même, le prunier aux six troncs devant la maison se couvre de feuilles au printemps, chaque jour un peu plus. Mais il est un jour, un seul, où en ouvrant les volets on se rend compte qu'il n'est qu'une explosion de blanc et que cette blancheur est insoutenable. Si l'on rate ce moment par inattention ou par inadvertance, on en prend pour un an d'attente. Dès le lendemain en effet les pétales ont perdu leur innocence originelle. Un autre exemple ? Il y a toujours, en novembre, un soir où les feuilles des bouleaux tiennent encore comme par miracle aux branches. Jaunes, marrons, rouges, etc... Une infinité de nuances. Impossible à décrire. Il faut le voir pour le croire. Il faut aussi savoir saisir ce moment où aucun souffle de vent ne vient troubler cette harmonie improbable. Au-delà du lacis des branches et des feuilles, on aperçoit le bleu du ciel. Contraste de couleurs qu'il faut savoir voir. Demain, il sera trop tard. Trop de feuilles seront au sol, déjà souillées par des traces de terre.





Curieusement, il se trouve que ce soir, pour accompagner mon travail d'écriture, j'ai eu envie d'écouter un disque que j'ai toujours considéré comme difficile. Ce désir, comme une intuition. Difficile à expliciter, mais en tout cas, impérieux.
- "3 compositions by John Cage / Cheap imitation (1969), Souvenir (1984), Dream (1948)/ Teodoro Anzellotti, accordion". 2003 Winter & Winter.
Eh bien, il se trouve que, ce soir, j'ai l'impression d'entrer dans cette musique ou de me laisser guider par Anzellotti dans un monde qui ne m'est pas familier. Comme une évidence, de l'ordre de l'intuition non de l'explicitation ou de l'explication rationnelle. Du sentiment de cet accord, dont je n'avais pas eu l'expérience jusqu'ici, je déduis que j'ai su ne pas laisser passer un moment opportun. C'est un plaisir qui s'ajoute à celui de l'écoute.
Demain, j'essaierai... Peut-être suis-je prêt à écouter Pascal Contet.


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