samedi 9 janvier 2010

dimanche 10 janvier - musique du jurançon

Il y a quelques jours, jeudi ou vendredi soir, FR3-Pau diffusait, comme chaque année, suivant un rituel immuable, un reportage sur les dernières vendanges dans les vignobles de Jurançon. Des ceps de vigne alignés comme des soldats en ordre de marche, les pieds enfonçés dans cinq centimètres de neige. Un paysage au sol immaculé, strié par des lignes sombres, bien parallèles. Géomètrie de la vigne. Des silhouettes sombres se glissent entre les rangs rectilignes. La cueillette manuelle consiste à choisir parmi les grappes les grains venus à surmaturité et prêts à tomber à terre sous leur charge de sucre. Grains gorgés de soleil et ridés par le gel comme s'ils étaient passés entre les mains d'une tribu de réducteurs de têtes. Grains aux couleurs de cuivre, du doré le plus tendre à des rouges profonds, quasiment noirs. Grains denses comme des raisins de Corinthe. Tellement gorgés de sucre que lorsque le viticulteur en montre un à la caméra, on voit perler une goutte de miel que le moindre mouvement ferait tomber.



Cette cueillette n'est qu'un moment, sans doute le plus spectaculaire, dans le long et fragile processus qui créera ce vin unique : le "Jurançon Vendanges tardives". Un vin qu'il ne faut pas se hâter de déguster ; un vin qui peut attendre vingt ans à l'instar des Sauternes pour délivrer tous ses arômes. Si l'on voulait emprunter à l'oenologie son approche de ce vin délicieux, on pourrait dire ceci :

- sa "robe" est jaune, jaune paille, avec des reflets dorés et des nuances de miel ; à travers la bouteille le monde s'illumine comme éclairé par un autre soleil,

- le "nez" reconnait des odeurs de fruits exotiques, exotiques et confits, au point qu'en le sentant et en le regardant on a l'impression que ce vin colle aux doigts,

- quant au goût, on peut dire que l'attaque est explosive, qu'elle remplit la "bouche" comme un fruit trop mûr qui éclate, qu'elle suffoque presque le nez par sa densité et que s'ensuit une succession, comme en escalier, de sensations, interminable jusqu'au vertige.



Si maintenant, en m'inspirant de la démarche à laquelle je faisais référence dimanche dernier en parlant d'"Esszencia", je voulais associer ce vin à un "son" -"le son du goût"- je le mettrais volontiers en correspondance avec "Fou rire" dans l'interprétation de l'album "Luz Negra".

Mais comme j'écoute cette version de "Fou rire", qui me convient bien, Françoise me dit qu'à son goût, c'est trop pétillant pour du Jurançon. "Je verrais plutôt, dit-elle, "Laurita", dans la version Acoustic trio". Dont acte. Des goûts, des couleurs et des sons, contrairement à l'adage, il est certes bon de discuter, mais à condition de cultiver ses différences. En fait, à ce point de notre discussion, il faudrait ouvrir une bouteille, goûter et écouter.

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