dimanche 28 février 2010

mardi 2 mars - vincent peirani

Comme j'avais lu maints articles, tous élogieux, sur Vincent Peirani, mais que je n'avais pas trouvé d'occasions de l'écouter, j'ai eu envie de combler cette lacune et de commander un cd dont j'avais noté la référence : "Melosolex". Il y a trois semaines, en prenant ma commande, le responsable des disques au Parvis m'a dit :"C'est une petite boîte, ça sera long". Une petite boîte : label ou distribution, peu importe. Je savais que je devrais m'armer de patience.

Samedi, à tout hasard, je suis passé prendre des nouvelles de ma commande. En principe (j'aime beaucoup, cette précision, en principe ou en théorie), elle devrait arriver la semaine prochaine, sauf imprévu (j'adore cette autre précision, car in fine l'imprévu est toujours sûr). Bref ! Comme j'étais là, autant en profiter pour jeter un oeil sur les disques de jazz. Bonne surprise :

- "Gunung Sebatu", Vincent Peirani, accordéon, Vincent Le Quang, saxophone, Sylvain Luc, guitare, Serena Fissseau, voix. Label, Zig Zag Territoires ; distribution Harmonia Mundi. Enregistrement les 6, 7 et 8 avril 2009. Vincent Peirani joue sur Victoria. Comme Richard Galliano et Jean-Marc Licavoli.

Quelques mots extraits de la plaquette de présentation :

- "Sur le plus grand archipel du monde, petits bouts de terre entourés de mer, entre rizières et volcans, le diamant Sebatu... ", dont V. Peirani dit plus loin qu'il s'agit d'un village au coeur de Bali auquel il est très attaché.

- " Depuis deux ans, nous [V. Peirani et V. Le Quang] nous détachons complétement des formes, des fonds que nous avons mis en place [depuis six ans] et nous nous retrouvons maintenant à composer une musique live. Totalement improvisée mais également à base de matières, textures, voire même de pièces entièrement écrites glissées à l'intérieur de nos improvisations. S'en servir comme prétextes à...

Dans ce disque, il y a plusieurs manières pour dialoguer, comme dans nos concerts... Des pièces écrites et certaines totalement improvisées... Entre les deux, les possibilités sont grandes. Pour ce qui est de nos inspirations, nous nous sommes confrontés à plusieurs types d'écritures au vu de nos parcours ainsi que nos expériences musicales : du jazz bien sûr, mais aussi de la chanson, des musiques traditionnelles et de la musique contemporaine également.

La rencontre avec Sylvain Luc est allée dans cette même direction. Il a la culture de l'accordéon, de cette musique musette et a accompagné beaucoup de chanteurs, et c'est aussi un grand jazzman..."

En première écoute, des compositions et des improvisations très variées. Les titres s'enchainent et ne se ressemblent pas. Par exemple, il y a des morceaux, comme le premier, "Truc Muche" qui n'est pas sans évoquer le "New Musette" et le son de Galliano. D'autres qui font penser à Daniel Mille, soit par leur climat, soit par un certain accompagnement mi-chanté, mi-psalmodié. Tel autre qui frappe par son humour :"Anataule Ondulée". Il fallait oser ! Et puis encore "Gunung Sebatu" avec la voix de Serena Fisseau ou une pièce très délicate :"Miniature". Je pourrais citer encore l'étrange "56 33", mais alors autant tout citer et dire que j'aime déjà beaucoup cet album.

Voilà, c'est dit. Il ne me reste plus qu'à attendre patiemment "Melosolex".

lundi 1er mars - festival de trentels


Le programme du festival de Trentels est sorti. La présentation et l'ergonomie du site s'améliorent d'année en année. Cette année, ce sera la 7ème édition. Du 13 au 16 mai. Je n'ai rien d'autre à ajouter, sinon qu'une visite au site, ça vaut vraiment le détour. Et qu'un séjour à Trentels pendant le festival, ça vaut vraiment le coup. Pas pour visiter Trentels, ce qui se fait assez rapidement, mais pour le festival.
Juste pour donner une idée du festival : Pascal Contet, M. Macias et Pedram Khavar Zamini, M. Leuchter et Ian Melrose, M&Nou avec F. Heim et P. Thorel, C. Spasiuk et son quartet. Et puis des ateliers, etc... etc...
En tout cas, nous, nous avons noté sur notre agenda :"13, 14, 15, 16 mai, Trentels. Injoignables".


dimanche 28 février - ... et l'accordéon ?

Jeudi après-midi. Hossegor. Le lave-vaisselle lave la vaisselle du déjeuner. L'aspirateur aspire les miettes du déjeuner tombées sur le carrelage. Les portes et les fenêtres ouvertes laissent entrer une douce chaleur qui prend le relais des convecteurs. Le moment est crucial : ou bien l'on se bouge le cul, ou bien l'on s'enfonce dans le coma mou d'une sieste interminable. D'un commun accord tacite, on décide de se bouger.

Françoise, Nadja et les filles vont d'abord "marcher dans le sable" jusqu'à Capbreton. Ensuite, elles iront "faire les magasins d'usines" dans la zone artisanale et d'entreprises de Soorts. Toutes les grandes marques ont ici leurs ateliers de conception et de production : Quicksilver, Roxy, Billabong, Rip Curl, Oxbow et bien d'autres encore. Fringues et rêves... Sébastien part faire le tour du lac avec son matériel photo : deux sacs lourds comme un âne mort. Photographie et scoliose ! Il va faire des essais avec son dernier jouet : un super grand angle. Du coup, l'envie me vient d'aller voir les plages de Seignosse, juste au nord d'Hossegor (dire "Hos'gor" si l'on veut se démarquer de l'accent de l'autochtone landais). Pour m'accompagner, je prends un disque que j'écoute avec grand plaisir :

- "Longing", Gil Goldstein, Bob Mintzer, 1997 / 2002, Universal Music France.

J'ai reçu ce cd il y a quelques jours de Paris Jazz Corner. Je l'avais choisi dans la rubrique "accordéon". Le descriptif indiquait "Gil Goldstein, accordéon, Bob Mintzer, saxophone". En fait, la bonne information aurait été :"G. Goldstein, piano, accordéon, B. Mintzer, saxophone ténor, clarinette basse". Mais, même ainsi, l'information est incompléte. A l'écoute, je constate que l'album, d'une durée de 55 minutes, comprend dix titres. C'est sur un seul titre, le 8, "Two To Tango", que l'on peut entendre de l'accordéon. Et il ne dure que 4 minutes. Il est de beaucoup le plus court. Mais, bon, il n'y a pas que l'accordéon... Sa présence en forme de portion congrue ne m'empêche pas d'apprécier ce disque. C'est ainsi que je rejoins le centre commercial de Seignosse-Le Penon par une route qui serpente de lotissements avec terrasses et barbecues en lotissements avec barbecues et terrasses, d'immeubles d'appartements de vacances en immeubles d'appartements de vacances, de VVF en VVF, de centres de loisirs en centres de loisirs. Pas un chat ! Pas une auto ! Pas un seul vététiste !

En me garant sur le parking du centre commercial, j'ai l'impression de débarquer sur une planète bizarre. Toutes les boutiques sont vides. Après avoir parcouru pendant presque une heure les allées désertes, où chaque bruit est multiplié à l'infini par ses échos de vitrines en vitrines, je n'aurais croisé qu'un loueur de vélos en grande discussion avec un grand type qui s'exerce au skate et, derrière la vitre d'un bar, dont je ne sais s'il est ouvert ou fermé, un homme immobile qui semble lire un journal. Je m'interroge : lit-il vraiment ou donne-t-il le change ? Et ce journal, de quand date-t-il ?

Du coup, je profite de l'occasion. Toutes ces vitres... Comment imaginer un tel dispositif narcissique pour moi tout seul. Je me tire l'autoportrait je ne sais combien de fois. De toutes ces photographies, je n'en retiens que quelques unes. Il faut bien choisir. Mais, je l'avoue, elles me plaisent bien.
La porte en accordéon d'une superette, comme une page de bande dessinée.

Le cadre rouge de la porte d'un local vide, face à un distributeur de billets, vide aussi. Un espace qui se louera à prix d'or d'ici quelques semaines.

Et puis, une baraque, avec une sorte de guichet, une baraque à bouffe : on peut lire "sandwich".



Plus loin, une vitrine où reste suspendu un tissage vaguement mexicain. Derrière, on voit la place centre du centre commercial. Ses couleurs contrastent avec celles, minimales, du tissu.


J'aurais pu choisir encore bien d'autres photographies, mais, bon, le narcissisme a ses limites.
Mais, en dehors de la porte de la superette, porte à panneaux multiples, que l'on appelle "porte en accordéon", et en dehors du bistrot, quel rapport avec "le bistrot des accordéons" ? Ni plus ni moins que "Longing" avec l'accordéon... Juste le plaisir des sensations.




mardi 23 février 2010

mercredi 24 février - concert privé

Il y a quelques jours, c'était le lendemain de notre retour de Toulouse, il était sept heures du soir, je sortais la poubelle, monsieur L..., notre voisin, itou. La sortie des poubelles, le lundi et le jeudi soirs, est l'occasion de se saluer et d'échanger quelques mots, histoire d'entretenir la convivialité. C'est aussi l'occasion pour monsieur L... de m'informer sur l'avancée de son "travail".
- Pendant votre absence, tout en jetant un oeil sur votre maison depuis ma véranda, j'ai avancé... Quand vous voudrez... "
Sous-entendu, j'ai répété, répété, répété... Ce que me confirme par ailleurs sa femme de ménage qui, dit-elle, ne le voit plus, même si elle l'entend. Elle ajoute parfois :"Dix fois, vingt fois le même air... C'est joli, mais ça finit par faire beaucoup". J'ai répété et donc je suis assez au point pour que l'on se retrouve pendant une heure, si vous le voulez bien (monsieur L..., sans être vieille France, est d'une exquise courtoisie).
Rendez-vous pris, nous nous retrouvons bientôt chez notre voisin, dans une pièce de dimensions assez réduites, décorée de tapisseries où figurent toujours des musiciens, avec comme ameublement une table, des fauteuils, un tabouret de pianiste et le piano qui va avec, une table et un ordinateur avec son imprimante. Beaucoup de photos de jeunes gens jouant les uns du violon, les autres du piano, et parmi ces photographies quelques unes de monsieur L... jouant de divers accordéons. Sur la table, plein de photocopies de partitions.
Il y a quelques temps, notre voisin nous avait fait cadeau d'une cassette sur laquelle il avait enregistré deux morceaux qu'il nous avait dédiés :

- Valse à Françoise, de 0 à 90
- Valse à Michel, de 92 à 164

Nous les écoutons sur son lecteur-entegistreur Sony. Le son n'est pas très fidèle ; il y a des bruits parasites. Mais l'émotion est bien là. Monsieur L... se réjouit de notre présence, d'abord parce que c'est l'occasion pour lui de "faire un peu de musique vivante", ensuite parce que je vais l'aider à faire les enregistrements qu'il a préparés en étant libéré des soucis techniques (mettre en pause, puis play et enregistrer, puis libérer la pause, etc... Remettre la pause en fin de morceaux... Eviter les "clocks" en maniant les touches avec doigté). En tout cas, je me sens investi d'une mission sinon suffisante, du moins nécessaire.

Après quelques minutes de tâtonnements, soit pour raviver la mémoire, soit pour "chauffer" le majeur récalcitrant, ou tout simplement perclus de rhumatismes, de la main droite, il est temps de passer à l'enregistrement. Trois prises seront nécessaires.

- Une polka, de 165 à 180

Puis, toujours trois prises...

- Un circasien, de 181 à 196

On sent bien que tout cela demande de grands efforts, efforts de concentration, efforts physiques... La fatigue rôde, lourde et pesante. Le majeur n'en fait qu'à sa tête. Sa mécanique échappe à tout contrôle volontaire. Monsieur L... multiplie les tâtonnements et les essais. Une hésitation. On essaie encore un coup. Faut y aller. On y va !

- Valse à Astrid, de 198 à 204

La dernière ligne droite est longue. Et tout à coup, surgi de nulle part, comme une éclat lumineux...

- Esperenza, de 204 à 221.

- "Vous connaissez ?"
- "Oui, je me rappelle une très belle version de Marc Perrone". Monsieur L... ne connait pas Marc Perrone. Il joue de l'accordéon. Il n'en écoute que dans l'intention d'apprendre de nouveaux morceaux "à l'oreille". Je n'insiste pas pour lui en faire écouter. A quoi bon ? Son plaisir, c'est de jouer. Pas d'écouter.

Pour finir, une petite variante d'"Esperenza", une variante à cause des problèmes de doigts.

- Esperenza, de 222 à 233.

Il est temps de ranger le matériel, accordéon et lecteur-enregistreur ; il est temps de partager ce vieux Banyuls que nous avons apporté. Monsieur L... ouvre trois boites de biscuits d'apéritif. Il me demande si j'ai vu le match... Comprendre : le match du tournoi des VI nations entre la France et l'Irlande. "Oui, je l'ai vu". Nous échangeons nos impressions. On en vient à parler de football : je suis Bordeaux, car, moi-même, bordelais d'origine, j'allais à Lescure avec mon père dès l'âge de sept ans. C'était en 50. On parle de Rennes et de Nancy où monsieur L... a résidé pour exercer son métier.

La nuit est tombée. "Non, merci, pas de second verre ; il est temps de traverser la rue et de rejoindre nos pénates. A bientôt. Merci encore..."

Il nous dit :"Merci à vous". On sent bien que ça n'est pas pure politesse. Françoise se met à la cuisine ; je ferme les volets. Il y a comme une légèreté très particulière de l'air. On respire bien !

mardi 23 février - paris jazz corner : encore un autre colissimo

Quand il doit me remettre un paquet contre signature, le facteur sonne toujours une fois. Une seule fois. Il est 14h10. Je ne l'attendais plus. "Vous avez eu une lourde tournée aujourd'hui". "Non, mais j'avais demandé une pause en milieu de matinée. J'ai des ouvriers chez moi ; je voulais contrôler leur travail". Rituel :"documents ci-inclus". Un coup de Laguiole pour fendre délicatement le ruban adhésif sans déchirer l'enveloppe.



A l'intérieur, un disque dont je ne connais pas les interprètes, mais dont je me fais une certaine idée en fonction de son label, "Tzadik".

- "Zakarya / The True Story Connecting Martin Behaim", 2008, Tzadik, A Project of Hips Road.

Un quartet : Yves Weyh, accordéon, Alexandre Wimmer, guitare, "electronics", Vincent Posty, basse électrique, Pascal Gully, batterie.


"Tzadik", le label de John Zorn, revendique son inscription dans une culture juive, plus précisément il s'inscrit dans le courant kletzmer new-yorkais. Zakarya est un groupe français produit donc par Tzadik. J'avais repéré son existence en consultant la liste des cds de la catégorie "accordéon" disponibles sur Paris Jazz Corner. C'était le dernier. Il est classé sous les rubriques "free jazz", "avant-garde", musiques improvisées", "jazz français", "fusion", "jazz-rock", "jazz funk", "ethno-jazz". Dans des interwieves, Yves Weyh parle de "musique juive d'avant-garde et expérimentale". On devine qu'il ne faut pas s'attendre à écouter des mélodies suaves. On attend plutôt des variations sur l'art de l'enclume. Et en effet, une première écoute me suggère que "Zakarya" est plutôt de la même famille que Vojtenko, Chistyakov, Gouriou ou Pojhonen. A savourer à petites doses, sinon on risque d'en avoir les dents agacées et des crépitements dans les cheveux.

En lisant des entretiens donnés par Yves Weyh, j'apprends qu'il joue de l'accordéon depuis l'âge de six ans (il est âgé d'une quarantaine d'année), qu'il écoute peu de musique et encore moins d'accordéons. C'est une information intéressante.



Sébastien est venu cet après-midi changer les charnières d'un placard. J'écoutais "The True Story..." quand il est arrivé. Il m'a dit :"Qu'est-ce que c'est ?". Je lui ai montré la pochette du disque. Il m'a dit : "C'est bien, laisse-le !". C'est ainsi que le quartet nous a accompagnés durant nos travaux de bricolage. Et quand Sébastien est parti, j'avais l'impression que les vieilles charnières me regardaient comme d'étranges créatures venues d'ailleurs. Je me suis dit que si elles jouaient de la musique, ce pourrait bien être celle que nous avions écouté tout l'après-midi...









dimanche 21 février 2010

lundi 22 février - de l'audit à l'écoute

Au cours de ma vie antérieure, il y a eu une période où j'ai réalisé un certain nombre d'audits de formation, soit, si j'ose dire, comme leader, soit comme sideman. En tout cas en équipe. Des audits de formation, qui sont une espèce particulière d'audits sociaux, appliqués à des systèmes, à des organisations, à des institutions, à des procédures, à des actions, etc... De cette expérience d'intervention j'ai appris que les conclusions et les recommandations d'un audit sont audibles si et seulement si, en amont, un travail de définition des objectifs visés a été accompli et négocié entre les acteurs et les auditeurs. Ce travail, toujours difficile, long et ardu, est au fond un processus de formation et de compréhension. Il est toujours le résultat d'un travail de construction sociale. Ce résultat n'est jamais immédiat, il n'est jamais donné par une sorte d'harmonie préétablie. On voudrait le croire, mais c'est une illusion.

En écoutant des disques d'accordéon, particulièrement au moment où je les découvre, je pense souvent à cette expérience professionnelle et à cet enseignement que j'en ai tiré à savoir que tout travail d'évaluation implique comme préalable un travail de clarification et de détermination des objectifs visés et, pour les fonder, d'élucidation et d'explicitation des valeurs qu'ils traduisent en actes. En fait, il me semble que le plaisir que j'éprouve à l'écoute de ces disques est largement fonction de la compréhension que j'ai, que j'arrive à construire, des objectifs et des valeurs du compositeur et des interprètes. C'est ainsi par exemple que le plaisir que je trouve aujourd'hui à l'écoute de Contet ou d'Anzellotti est le résultat d'un long travail d'apprentissage. Il n'a rien d'immédiat, ni de naturel si j'en juge d'après mes premières réactions.

C'est ainsi que j'apprécie, me semble-t-il, de mieux en mieux l'accordéon de concert, l'accordéon de jazz, une grande partie de ce que j'appellerais l'accordéon du monde et un certain accordéon musette. Et d'autres encore qu'il importe peu de classer et de nommer. Mais il est un accordéon qui m'oppose une résistance infranchissable : le musette dents blanches. Son écoute provoque de ma part une réaction d'irritation dont l'intensité m'étonne un peu. Quelque chose "ne passe pas". Quand j'y réfléchis, je me dis que ce ne sont ni le jeu, ni la virtuosité de ces accordéonistes qui déterminent mon attitude d'évaluation. En fait, je n'adhère pas à leurs objectifs et, au-delà, aux valeurs que leurs comportements manifestent. Arrivé à ce point de ma réflexion, je comprends mieux finalement pourquoi le musette dents blanches m'irrite et me choque. Il ne s'agit pas de musique, mais d'éthique et je réprouve l'usage qui est fait de l'accordéon en l'occurrence.

Sous l'esthétique, l'éthique.

dimanche 21 février - spécial copinage : où il est question de manoeuvre, de bach et de richard galliano et d'autres lames

Françoise a écrit de bien belles choses dans son blog en pages du vendredi 19 et du dimanche 21. Je ne peux pas dire que j'aurais aimé les écrire, car j'ai le plus grand plaisir à lire une autre approche de l'accordéon que la mienne, même si elle m'est familière. C'est une façon d'élargir ou d'approfondir ma propre sensibilité et ma perception personnelle de cet instrument et de ses interprètes que nous apprécions tant.

Bon ! J'ai envie de partager ce plaisir et par là-même de compléter mon propre blog.

http://francoise-rebinguet.blogspot.com/

samedi 20 février - chemin faisant

Les petits sont à Cauterets. Charlotte a peur du vide, mais elle adore les bosses. Camille n'a peur de rien fors les bosses. Elle est très fière : elle fait la trace pour Nadja et Sébastien sur les pistes rouges. Enfin... sur la partie basse des rouges.

Les petits ont fait le projet de passer quatre ou cinq jours de la seconde semaine des vacances de février à Hossegor. Même si les convecteurs sont en position "hors gel", tout nous porte à penser que la villa ne sera pas immédiatement confortable. C'est pourquoi nous avons décidé d'aller "monter le chauffage" pour préparer leur installation dans une douce chaleur. Notre intention était de pousser les convecteurs au maximum, d'aller faire un tour de plages, puis de revenir en soirée et d'attendre les petits jusqu'à lundi matin. Mais décidément il faisait trop froid. Pendant le trajet, le thermomètre de la voiture indiquait 4/5° de température extérieure. A 14 heures, celui de la villa indiquait 8° de température intérieure. A 19 heures, le fond de l'air était décidément trop inclément. Nous avons fermé les volets, chargé les convecteurs d'adoucir l'atmosphère et puis nous sommes rentrés.

Pour faire la route et pour accompagner notre séjour à Hossegor, nous avions fait une sélection d'une dizaine de disques : Delicq, "Tuba Tuba 2", "Pandoukht", "Frank Marocco Quartet", "Maliétès", "El Gaucho", etc... Finalement, nous n'en avons écouté que deux, en boucle : "Pandoukht" et "Tuba Tuba 2".

Quand nous sommes arrivés à Hossegor, nous avons compris qu'il avait beaucoup plu. Le sol est gorgé d'eau et le sol est couvert de larges flaques. Ce sont autant de miroirs qui répercutent le ciel comme en échos.

Devant le portail, l'impression est étrange : le monde est double. On hésite presque à s'engager dans les rues plus ou moins transformées en voies d'eau. Mais l'illusion se dissipe vite et l'on profite alors du bruit que les pneus laissent derrière eux en les traversant.

Après avoir ouvert la villa et "poussé" les convecteurs, et alors qu'on a encore l'idée de s'installer dès ce soir, on va voir ce qu'il en est de la plage. Un nuage noir monte de l'horizon. Le vent traverse les vêtements. C'est plutôt inhospitalier.

Tout à côté d'un épi de rochers destinés à stabiliser le sable et à retarder l'érosion de la dune bordière, étrange, une cabane de Robinson. Bois flottés et plastique. Robinson vit à son époque.



Plus tard, alors que la menace noire s'estompe sous les bourrasques de vent, nous nous garons sur un parking, vide évidemment, de Port d'Albret. De longs alignements de toiles vertes, un nain de jardin, rouge, déguisé en borne d'incendie et sur le bitume noir un logo blanc en forme de cycliste. Ce sont les éléments d'un art nouveau ou du moins je me plais à le croire : le street art des cités balnéaires hors saison.




A cet endroit de la côte, une ouverture dans la dune, par où les vagues s'engouffrent. Cette ouverture, cette embouchure, on comprend bien qu'elle se nomme "Vieux Boucau", ancienne sortie de l'Adour vers l'océan avant que la ville de Bayonne ne fasse "sauter" le verrou qui l'isolait des voies maritimes et l'empêchait de faire commerce. Alors qu'il n'est pas cinq heures, on croirait que la nuit est déjà tombée. Le vent siffle des airs étranges en projetant les grains de sable contre les longues lignes d'obstacles verts. On pourrait presque parler de sand art.



Au bord du courant violent, un pêcheur, assis, tient fermement sa ligne. Son copain le soutient. Et toujours cette ligne verte, quelque peu incongrue, qui structure le paysage et, d'une certaine façon, l'anime.







Après avoir contourné une petite dune, je retrouve le pêcheur et son compagnon. Au-dessus d'eux, plus loin vers l'océan, deux cerfs-volants ont entamé une sorte de danse nuptiale ou de combat et l'on entend le claquement sec de leur toile qui joue avec le vent violent.




Retour à Hossegor. Place des Landais, un thé pour Françoise, un chocolat pour moi, au Mar y Sol. La serveuse nous reconnait et du coup nous bavardons un peu. Nous lui disons que la nouvelle décoration est vraiment réussie : dégradés de gris et sol marron presque noir. Tout ça sent le neuf... et la peinture fraîche. Elle nous dit que c'est le jour de la ré-ouverture. A travers la vitre, comme à travers le cadre d'un appareil de photographie, je vois des personnages s'agiter sans entendre leurs paroles. On dirait un film de Tati. Un homme muni de cannes anglaises fait de grands moulinets avec celles-ci pour montrer je ne sais quoi à quelqu'un hors cadre. Un homme prend des photographies avec un appareil dont l'objectif à focale variable est impressionnant. Son fils comme son ombre le suit et prend des photographies du même point de vue avec son numérique. Un homme tient d'une main le vélo d'une petite fille (sa fille ? sa petite fille ?) et de l'autre la secoue en la tenant fermement par un bras. Je crois comprendre qu'il lui interdit de traverser les flaques sur son tricycle. Dans son dos, un gamin (son fils ? son petit-fils ?) s'engage dans la flaque interdite et perdant l'équilibre prend un bain de pieds. Le comportement de l'homme me donne à penser qu'il vocifère son mécontentement et qu'il est débordé par la vitalité et la créativité de ces enfants (ses enfants ? ses petits enfants ?). Impavide, volet clos, la baraque "Glaces et beignets" monte une garde vigilante. Un couple d'amoureux s'est réfugié à l'abri de la guitoune. Un garçon s'essaie à l'art du skate sur les dalles glissantes lavées par les embruns. Pour contempler cette scène sans son un couple de retraités, venus préparer une villa pour "les petits", qui se réchauffe avec un thé et un chocolat : Françoise et moi. On se rend compte avec surprise que, tout à notre observation, nous n'avons pas échangé un mot depuis une minute...
A l'aller, de grain et grain, nous avons écouté "Pandoukht", que nous apprécions de plus en plus et de mieux en mieux. David Yengibarjan à l'accordéon, Frank London à la trompette, J.H. Barcza à la basse, Andras Dés aux percussions et Gabor Gado, sur cinq titres, à la guitare. Des airs traditionnels arméniens ou juifs revisités façon jazz avec une extrême sobriété.
Au retour, nous avons écouté "Tuba Tuba 2", avec Michel Godard et Dave Bergeron aux tubas et, respectivement, au serpent et à cet instrument improbable qu'est la sacquebute. Un beau disque avec Biondini à l'accordéon et K. Dennard à la batterie. Etrange écoute dans la nuit noire de l'autoroute au milieu d'une circulation intense et peu soucieuse des radars.
Pendant notre balade de l'après-midi, d'Hossegor à Port d'Albret, de Vieux-Boucau à Soustons, de Seignosse à Soorts, bien au chaud en voiture, entre deux arrêts pour braver le vent froid de saison et s'imprégner d'images de plage en hiver, nous avons écouté au gré de notre humeur deux morceaux de l'un, trois morceaux de l'autre, et c'était bien.







vendredi 19 février 2010

vendredi 19 février - paris jazz corner : un autre colissimo

Je roulais vers Nay. J'allais rendre visite à mes parents. Il était un peu plus de quatorze heures. Mon mobile a sonné. Je me suis arrêté. Françoise m'a dit que le facteur venait de lui faire signer la réception d'un colissimo. Je lui ai dit :"Super !" et j'ai redémarré. Vers dix-sept heures, de retour à la maison, j'ai sacrifié au rituel qui consiste à poser sur mon bureau le paquet dont je connais le contenu juste pour le plaisir de retarder l'instant du dévoilement des cds qu'il protège et le moment de la première écoute. Car il n'y a qu'une première fois.

Contraste des deux disques : l'un blanc, laiteux, froid ; l'autre, rouge et noir avec une touche de doré, sombre, chaud.

Le premier album s'intitule "Iceberg". Pascal Contet à l'accordéon, Wu Wei au sheng ou orgue à bouche. Un disque Radio France Signature, 2009. Enregistrement Radio France les 26 et 27 août 2008. Onze pièces, dont un commentaire dit que leurs noms sont inspirés par ceux des différentes formes d'icebergs. Une première écoute en diagonale suffit pour me convaincre qu'à l'instar des autres albums de Pascal Contet, il s'agit d'une musique exigeante, sans la moindre facilité. D'écoute en écoute, j'ai appris à mieux le connaitre et le temps de la surprise passé je suis de plus en plus sensible à une certaine tension. Jouer de l'accordéon comme on danse sur le fil du rasoir ou sur la lame d'un sabre. Rarement j'ai eu le sentiment d'un accord aussi parfait entre la musique, ici l'accordéon et le sheng confondus, et le titre, voire l'image de couverture :"Iceberg". Froid, glacial, des formes taillées au scalpel, mais aussi une lumière difficile à soutenir, un espace immaculé. Un album qu'on ne peut écouter sans lui donner toute son attention.



De l'autre cd, je ne connaissais ni l'un ni l'autre des deux interprètes : Bob Mintzer, saxophone ténor, clarinette basse, et Gil Goldstein, piano, accordéon. Le titre ? "Longing". Un album Universal Music S.A. France, 1997 et 2002. Je l'avais repéré sur le catalogue de Paris Jazz Corner dans la liste des disques d'accordéon. En première écoute, et sous réserve de vérification, il me semble qu'il n'y a de l'accordéon que sur un seul des dix titres. Je m'en contenterai. En tout cas, c'est un jazz que j'aime, plutôt distancié. En interrogeant Google, j'apprends que Gil Goldstein a beaucoup joué avec Gil Evans puis avec le Gil Evans Orchestra, information qui ne m'étonne pas. Il aurait commencé par l'accordéon avant de se consacrer au piano.


Décidément, l'autre jour je choisis un disque en me fiant à la photographie de couverture, mais pour ce qui de l'accordéon, rien... Aujourd'hui, alors que je me suis fié au classement du disque dans la catégorie "accordéon", encore rien ou presque. C'est bien, car sinon je finirais par ne plus connaitre que l'accordéon, alors qu'ici par exemple j'aime beaucoup le jeu de Bob Mintzer, que je découvre.




mercredi 17 février 2010

mercredi 17 février - accordéon y es-tu ?

François voulait se procurer des partitions qu'elle n'avait pas trouvées par internet. Elle voulait aussi voir la nouvelle collection de Converse. Nous sommes allés au Cultura de Lescar, banlieue de Pau sur la route de Bayonne. Pendant qu'elle faisait son choix parmi je ne sais combien de recueils de partitions, j'ai vaguement parcouru les rayons de cds. Du classique, beaucoup de coffrets, des compilations improbables, des cds de musique basque, des variétés françaises et internationales, des labels indépendants, du rap et de l'électro, mais pas de jazz. Le vendeur me confirme qu'il n'y a plus de rayon de jazz.


Peu d'accordéon. Je finis pourtant par repèrer trois disques où figure un accordéon. Je demande au vendeur de bien vouloir me les faire écouter. C'est plutôt décevant, car notre instrument favori est soit réduit à la portion congrue, soit voué à des tâches sans doute essentielles, mais où sa présence, nonobstant son importance, reste trop discrète à mon goût. Tant pis !


Mais juste avant de quitter le magasin, mon attention est attirée par la couverture d'un disque, qui m'avait échappé jusqu'ici.
Eh bien, le voilà le disque que je cherchais. Inutile de l'écouter. J'imagine déjà des ballades et des airs traditionnels venus du fond des âges ; je situe, à l'intuition, leur origine en Irlande ou dans les Balkans. D'autre part, cette photographie "me dit quelque chose". Je la reconnais sans pouvoir en situer son auteur. Avant de quitter le parking, j'ouvre l'emballage. On peut lire au verso :"Cover Photograph : The Old Accordeonist, by André Kertesz, 1916". En ouvrant la pochette, on peut voir que le nombre des musiciens est déjà respectable : guitare et voix, violon, guitare, basse, alto, piano, batterie pour la formation de base, à laquelle s'ajoutent une clarinette, un saxophone baryton, deux trompettes, un trombone, un tuba, une autre batterie, sept violons, deux altos, trois violoncelles et deux basses. Le disque a été enregistré à Nashville en 2008. tous les morceaux sont chantés.
Si vous avez lu attentivement la liste ci-dessus, peut-être vous dites-vous que j'ai oublié quelque chose ou quelqu'un ? L'accordéon ou l'accordéoniste ? Eh bien, non, ce n'est pas une erreur de ma part : il n'y a pas, dans tout l'album, l'ombre d'un soufflet.
En arrivant à la maison, je vérifie que j'avais déjà vu l'image de couverture dans le photopoche numéro 17 consacré à André Kertesz. C'est, très précisément, la photographie n° 3, intitulée "Accordéoniste, Esztergom, Hongrie, 1916". Kertesz avait vingt-deux ans quand il pris ce cliché.
Je me souviens qu'il y a quelques années nous avions acheté un disque d'airs italiens... Voilà, je l'ai retrouvé : "Lamenti di Mendicanti" (Chants de mendiants), Musique d'abord, Harmonia Mundi. Sur la couverture figure la photographie d'un jeune adolescent en train de faire la manche avec son accordéon et son chat. Photographie signée Ferdinando Scianna / Magnum Photo, 2005. A l'intérieur, pas l'ombre d'une bretelle de piano du pauvre... on se dit que ça aurait dû me servir de leçon. Même pas...

lundi 15 février 2010

mardi 16 février - paris jazz corner colissimo

Pendant notre séjour à Toulouse, un colissimo, envoyé par Paris Jazz Corner, est arrivé à Pau. Je suis allé, lundi matin, le chercher, muni de l'avis de passage, à la poste de l'Ousse-des-Bois, un quartier de la ville réputé sensible. La file est longue : une mère avec son enfant dans un landeau, un grand-père maghrébin qui vient vérifier si sa pension a été créditée sur son compte, un homme, également maghrébin, qui envoie un mandat au pays, une femme voilée qui parle à une autre femme voilée, un turc avec sa femme, un indien, à moins qu'il ne soit pakistanais. En entrant, j'ai croisé un jeune homme d'origine asiatique. Je le connais, c'est "l'héritier" du "chinois". De part et d'autre de la porte d'entrée du bureau de poste, un homme et une femme avec un nourrisson sur les bras : ils mendient. Dans le bureau de poste, je croise l'un de mes voisins : ça fait au moins deux immigrés de quatrième génération. Plus les trois employés derrière leur guichet. Encore que la jeune femme qui me remet mon colissimo n'est peut-être que de troisième génération. C'est un quartier assez divers. Il n'est pas sans rappeler le quartier Arnaud Bernard à Toulouse. Les balcons sont décorés avec des paraboles. Au pied des tours rénovées, il en reste deux, les autres ont été remplacées par un habitat pavillonnaire, un grand garage a été transformé au fil des années en mosquée. Avec un vrai minaret couvert de tuiles vernissées vertes. Nous sommes à cinq minutes du centre de Pau et il y a encore aujourd'hui un paysan, propriétaire de trois champs à un carrefour, qui fait traverser ses vaches deux fois par jour. Bientôt un promoteur lui rachètera son terrain pour y construire quelque résidence du type "Les Jardins du Roy" ou "Les Hespérides". Avec portail à code et parking sécurisé. J'aime ce quartier : il a une vraie identité. Il change. Il vit.

Rituel : arrêter le cours du temps. Observer le colissimo, la facture de Paris Jazz Corner et surtout cette mention "documents ci-inclus", promesse de deux cds.
A l'intérieur du colis, deux cds donc que j'ai commandés sans rien connaitre de leur contenu. Simplement, sur le site de Paris Jazz Corner, j'ai repéré ces deux albums à la rubrique "Accordéon". Je n'ai pas voulu en savoir plus. C'est ma manière de cultiver mon goût pour les surprises... contrôlées.

Le premier disque, vingt-quatre titres, est consacré à un musicien dont j'ignorais tout jusqu'à présent : "Lead Belly, Blues & Folk Singer". Partie 1 (12 titres) : The Bluesman ; partie 2 (12 titres) : The Songster. Les enregistrements se répartissent sur la période 1935-1945. En fait, c'est un disque où Lead Belly joue de la guitare et chante. Sur trois morceaux, il y a un harmonica : Sonny Terry. Sur un morceau, notre homme, assez bagarreur, si j'en juge par ses condamnations et séjours en prisons, joue du mélodéon (appelé concertina dans la notice de présentation). Trois harmonicas, un mélodéon : quatre morceaux sur vingt-quatre. C'est peu et c'est bien. L'harmonica préfigure le style de Clifton Chénier. Le mélodéon m'a fait penser aux quadrilles de la Guadeloupe et aux mélodies cajun. La voix et la guitare de Lead Belly, c'est tout à fait le vrai blues, bien hypnotique.

L'autre disque est pour moi une découverte absolue. Je ne sais rien des musiciens qui l'ont réalisé. Le titre :"David Yengibarjan with Frank London / Pandoukht". David Yengibarjan, accordéon ; Frank London, trompette ; Jozsef Horvath Barcza, basse ; Andras Dés, percussion. A ce quartet s'ajoute Gabor Gado, guitare, sur cinq titres. En lisant la notice, j'apprends que "ceux qui ne vivent plus dans leur pays natal sont appelés pandoukht en arménien" et que David Yengibarjan n'est pas retourné en Arménie depuis 1995. Certains des neuf titres sont des créations originales de David Yengibarjan ou de Frank London. D'autres sont des arrangements d'airs traditionnels arméniens ou juifs. C'est un disque BMC : Budapest Music Center Records, publié en 2003.



Je n'ai pu écouter l'ensemble de cet album qu'une seule fois, mais je sais déjà que c'est un beau disque, du jazz comme je l'aime, créatif et distancié, finalement assez intellectuel, mais pas abstrait pour autant. Avec des improvisations comme autant d'invitations à s'engager sans bagages (intellectuels ou scolaires) dans des chemins de traverse, mais sans aller jusqu'au free pour autant... Un équilibre délicatement déjanté !


dimanche 14 février 2010

lundi 15 février - manoeuvre : six photonotes

Bien évidemment, les conditions de prises de vues étaient difficiles : peu de lumière, peu de contrastes. Difficulté donc de mise au point et vitesse trop lente pour fixer les mouvements. Mais peu importe, car les conditions d'écoute étaient satisfaisantes ; on était dans la musique et non face à des musiciens. Et puis, je le dis une fois encore, en dépit de leurs défauts techniques, ces photographies restituent assez bien l'atmosphère du moment. Sa tension poétique !

20h55. Au premier plan, le clarinettiste, flanqué de l'accordéoniste et du MC. Derrière, guitare, batterie et basse. 20h58. Ambiance. Chaleur des briques rouges. Une lumière intense au fond. Un spot au plafond.

21h21. Le bassiste s'est assis ; le clarinettiste aussi. Le MC au premier plan, les paroles martelées : lucidité, révolte et les mots malaxés.

21h22. Il y a dans l'économie des gestes du MC et de l'accordéoniste quelque chose d'obsédant. Une poésie que je qualifierais de rugueuse et, pourquoi pas ?, de râpeuse. Parfois on croirait que le MC dispute un round de boxe.


21h55. Le clarinettiste est revenu. Le bassiste aussi. Peut-on parler de sextet ou est-ce réservé au jazz ? En tout cas, l'émotion est bien présente.





J'ai gardé cette dernière photonote pour la fin. elle a été prise au milieu du concert, mais peu importe. Je l'aime bien parce qu'en dehors du clarinettiste éclairé par un spot peu puissant mais net comme un scalpel, les autres membres du groupe sont dans une certaine pénombre, propice à l'écoute de la musique et du message. Et puis, j'aime bien cet accordéon qui semble jouer seul. L'instrumentiste s'efface pour mettre son instrument au premier plan et en valeur. Le symbole me plait.








dimanche 14 février - chant de manoeuvre

Charlotte et Camille nous avaient invités à assister au concert donné par leurs chorales - chorale d'enfants et chorale mixte adultes/enfants - vendredi soir, dans une église du quartier Bonnefoy, à Toulouse. Inutile de nous répéter l'invitation ; nos bagages sont prêts et nous aussi. Suivant une stratégie personnelle très au point, Françoise, dès l'invitation reçue, s'est mise à chercher un concert éventuel avec accordéon soit mercredi, soit jeudi. Bingo ! Il y a bien un concert, mercredi soir, dans le quartier Arnaud Bernard, au bistrot "Le Communard". Un quartier très attachant : un kebab, un indien, des pâtisseries marocaines, un bar à vin, etc... etc... Un quartier à forte(s) identité(s), si vous voyez ce que je veux dire. Bon ! C'est parti ! En route pour faire la découverte du chant de "Manoeuvre" !

Suivant notre habitude, que l'on pourrait là aussi qualifier de stratégie, nous arrivons par le métro une heure en avance. Le temps de s'imprégner de l'esprit du lieu, de commander une pression et un porto. Le temps de choisir nos places après les avoir toutes essayées l'une après l'autre. Le temps de voir le chanteur sortir des coulisses, s'approcher de nous et nous demander si c'est bien nous qui avons envoyé un courriel au groupe. Eh oui, c'est bien nous ! Je suis toujours surpris de voir comment les gens ont l'intuition juste que ce couple, arrivé très en avance, c'est "Françoise & Michel" qui leur ont écrit et à qui ils ont parfois répondu, parfois non. Je repense chaque fois à cette personne, rencontrée lors d'un concert à Luxey, qui nous avait dit avec sympathie :"Vous êtes vraiment cocasses". Bref, c'est l'occasion d'échanger quelques mots avec le chanteur, puis avec le clarinettiste, puis avec l'accordéoniste, puis avec des membres de leurs familles au fur et à mesure de leur arrivée. On dit à l'accordéoniste notre goût pour l'accordéon. "Vous en jouez ?". "Non, mais on en écoute beaucoup". On cite quelques accordéonistes que l'on apprécie, dont Amestoy. C'est ainsi que l'accordéoniste nous dit qu'il a été son élève. Une ambiance se crée petit à petit au fil des échanges. Je traverse la place pour acheter des sandwiches-kebab. On commande deux verres de rouge. "Le Communard" s'emplit de gens venus les uns pour boire un coup, les autres pour écouter le concert.

La scène est au fond de la salle, une sorte de large couloir avec les coulisse au fond et les toilettes, première porte à gauche. Une couleur chaude et une intensité douce qui donnent envie...
En attendant les six membres du groupe, un coup d'oeil sur le programme.

20h52, le groupe s'ébroue et prend ses marques. Ils sont six : au second plan, de gauche à droite, guitare, batterie et basse ; au premier plan, le chanteur - dans une certaine pénombre -, le clarinettiste - plein centre, pleine lumière - et l'accordéoniste - plutôt dans l'ombre -.

Le clarinettiste a des accents kletzmer, l'accordéoniste a parfois le velouté d'Amestoy. La musique est du rap. Depuis ce concert, je me suis un peu informé, car j'avoue que la différence entre rap, slam et hip hop m'échappe un peu. En tout cas, j'ai cru comprendre qu'en l'occurrence le chanteur est ici plutôt nommé MC, c'est-à-dire Maître de Cérémonie. A approfondir. En tout cas, les paroles, même si, ce qui est bien normal, je n'ai pas tout saisi en première écoute, m'ont frappé par leur énergie, leur phrasé et leur charge poétique. J'avais assisté une fois à Pau à un concert de slam. Avec Françoise, nous avions eu la même impression, ce qui nous avait bien amusés et nous amuse encore. Nous avions pensé ensemble :"Ce slam, c'est Petit Corps malade !". Ce soir, rien de tel, un moment de vraie poésie, au sens où le langage et ses rythmes dévoilent quelque chose du monde et même en modifient quelque peu la perception.
En fin de soirée, nous avons plaisir à dire aux six membres de ce groupe, Manoeuvre, notre satisfaction et notre souhait de les retrouver bientôt.
En conclusion, une vraie découverte, plus le bonheur de voir l'accordéon tenir sa place, et comment !, dans cette musique. Une soirée qui nous ouvre de nouveaux horizons.


samedi 13 février - stéphane delicq la discrète

Quand nous avons appris la mort de Stéphane Delicq, nous avons immédiatement voulu écouter l'album qui jusqu'ici nous manquait : "La discrète". Si nos informations sont exactes, il a en effet réalisé quatre albums, et celui-ci, quand nous avions voulu nous le procurer, ne semblait disponible qu'en téléchargement ou en occasion. Finalement, nous l'avons commandé sur un site de commerce en ligne, CD Mail, et nous ne le regrettons pas car l'envoi a été des plus rapides et le suivi toujours impeccable.

C'est donc samedi matin, à notre retour de Toulouse, que nous avons trouvé dans la boite à lettres l'objet attendu. Rituel : on observe la boite à trésor et l'on rêve un peu.
"La discrète" est bien là. Couleurs sombres. L'ensemble des quatorze titres nous a paru, en première écoute, sombre aussi. Des mélodies comme retenues, sans éclats, pleines de pudeur. Stéphane Delicq aux accordéons diatoniques, François Michaud, violon et alto, Catherine Delaunay, clarinettes, Daniel Barda, trombone, Pierre Badaroux, contrebasse, Jacques Tanis, violon traditionnel. On sent bien qu'il s'agit d'une bande d'amis.

Est-ce la connaissance du destin de Stéphane Delicq, le sentiment qu'une oeuvre est finie et que quelque chose d'irrémédiable a eu lieu, mais je trouve que la tonalité générale est empreinte de gravité et de tristesse. Une certaine mélancolie. Il me semble que le fait de savoir que l'oeuvre de Stéphane Delicq est close et qu'il n'y a pas de nouveauté à attendre a déjà changé ma manière de l'écouter. Comme si mon attention se focalisait maintenant sur les correspondances internes entre les quatre disques.
-"Aquarelles", 1990
- "La compagnie des Anges", 1997
- "La discrète", 2001
- "Douce", 2009.


dimanche 7 février 2010

mardi 9 février - lourdes : ses cierges, ses anges, ses accordéons

J'avais dit le jeudi 4 février [Mémento] ma surprise, un peu, et ma déception, beaucoup, de n'avoir pas croisé ne serait-ce que l'ombre d'un accordéon à Lourdes. Pour ne pas rester sur cet échec, j'ai décidé de faire une petite recherche sur Google.



- "Lourdes accordéon" m'a permis de voir qu"il y avait un Accordéon Club Lourdais. Plusieurs adresses permettent à l'amateur d'accordéon curieux de savoir ce qu'il en est dans la cité mariale de trouver toutes les informations souhaitables. Parmi tous les documents disponibles, j'ai retenu, sur YouTube, une interview exclusive de l'ancien président et de la nouvelle présidente qui se confient à un journaliste local à l'occasion de la passation de pouvoir.


http://www.youtube.com/watch?v=whpHz34t47A



- "Lourdes cierges" m'a permis d'en savoir un peu plus sur l'industrie du cierge autour de la grotte. Sur cette question, je ne saurais trop vous encourager à aller voir ce que propose Google. On apprend par exemple que le commerce des cierges est le monopole d'une famille de Lourdes, la famille Douste-Blazy. Je n'aurais jamais pensé que ce commerce soit l'apanage d'une famille, de personnes privées donc ; j'imaginais qu'il s'agissait d'une gestion par une régie ou par quelque association de la ville et de l'Eglise. Douste-Blazy, ce nom évidemment vous dit quelque chose. Philippe Douste-Blazy, aujourd'hui éminent représentant de la France à l'ONU, a été en d'autres temps Ministre de la Culture. Franchement, je ne me souviens plus des décisions qu'il a prises et de la politique qu'il a menée, mais je n'ai aucune raison de penser qu'elles n'ont pas été importantes pour les acteurs de la culture et pour le rayonnement de notre pays. Tout me porte à croire au contraire qu'à l'instar des autres ministres de la Culture il a laissé lui aussi des marques indélébiles dans l'univers de la création. Mais, on voudra bien m'en excuser, je ne me rappelle plus lesquelles. En tout cas, je souhaite que le lien ci-dessous vous incite à explorer l'univers du cierge lourdais. Vous verrez par exemple comment vous pouvez moyennant finance acheter un cierge et le faire brûler sur place pour le salut de votre âme. Je n'ai pas vu si une commande groupée pouvait permettre d'en négocier le prix.
Vous apprendrez que le métier de "feutier" n'existe qu'à Lourdes. Ce mot, que je n'ai pas trouvé dans le Petit Robert, désigne l'activité du préposé, de l'armée de préposés, qui chaque jour installent les cierges dans les brûloirs et qui nettoient chaque soir la cire fondue pour la recycler.

http://www.linternaute.com/savoir/magazine/photo/lourdes-150e-anniversaire-de-l-apparition-de-la-vierge/les-marchandes-de-cierges.shtml


Mais ce n'est pas tout. En poussant mes investigations, j'ai trouvé une offre délicieuse et du meilleur goût : lot de 3 anges à suspendre, 13 cms, résine polychrome + dorée.

http://www.priceminister.com/offer/buy/90807549/lot-de-3-ange-a-supendre-13cm-resine-polyc-doree-accordeon-decoration.html

Ce sont des anges musiciens et, comme on peut le voir, ils jouent de l'accordéon, instrument finalement peu représenté dans l'iconographie religieuse.



samedi 6 février 2010

lundi 8 février - maliétès

Il y a quelques jours, suivant une habitude qui a pris forme de rituel, nous avons chargé dans la voiture les commissions que nous avions faites à l'hypermarché, puis nous sommes revenus parcourir les rayons de cds du "Parvis" à la recherche d'un éventuel disque d'accordéon. D'abord un coup d'oeil aux soldes. Rien de nouveau. Ensuite, Françoise repère le dernier opus de Claude Nougaro, "La note bleue". Un album Blue Note (875661). Le dernier rêve de Nougaro, mais quel rêve ! Avec Belmondo, Cassar, Ceccarelli, Nathalie Dessay, Di Battista, Legnini, Veras, et bien d'autres encore, notamment Suarez au bandonéon et la voix, superbe, de Linx. Un album magnifique et émouvant.

Et puis, comme nous parcourons le rayon improbable des musiques du monde, mon attention est attirée par une couverture faite d'un montage tête-bêche de deux photographies : une ville, vue d'avion, au coucher du soleil / quatre jeunes jouant autour d'un but de football avec, comme décor, les tours d'une cité. A mi-hauteur, à gauche, un nom "Maliétès".

Françoise me dit qu'elle connait ce groupe, qu'il s'est produit il y a peu à Toulouse. Elle ajoute qu'il y a un accordéoniste qui lui a semblé très présent et qu'elle a eu plaisir à écouter. Et en effet une écoute des extraits de chaque titre à la borne de lecture suffit à nous convaincre qu'il s'agit d'un disque qui va nous plaire. Les musiciens sont au nombre de six :

- Yves Beraud, accordéon, saz, baglama, chant
- Lior Blindermann, oud, chant
- Emmanuel Hoseyn During, violon, alto, cümbüs
- Etienne Gruel, daf, rek, zarb, darbouka, tapan, zila
- Cem Güner, kanun, chant
- Nicolas Beck, contrebasse, tarhu

Un livret très bien fait avec, pour chaque titre, une fiche signalétique succincte, mais très explicite : thème et caractéristique musicale. Un texte de présentation, signé Sami Sadak, ethnomusicologue de l'université de Provence. Quelques paragraphes très documentés qui permettent de situer parfaitement la musique de "Maliétès". Je retiens qu'il s'agit d'une musique d'Asie Mineure, résultat du croisement et de la reconnaissance mutuelle de musiques grecques et turques. Je retiens que "la variété rythmique propre à ces répertoires nous fait entrer dans l'univers des rythmes asymétriques, rythmes impairs ou boiteux dits aksak, qui poussent à la danse et nous rappellent que les Balkans ne sont pas loin. Maliétès illustre à la perfection cette tradition musicale urbaine d'Asie Mineure". Je retiens enfin que la musique de ces six musiciens explore un espace à l'intersection de la tradition, perpétuée par un travail de collectage, et de la création, illustrée par la liberté des interprétations.

Il existe aujourd'hui beaucoup de formations qui se réclament ou s'inspirent de la musique des Balkans et cet ancrage sert parfois à présenter leurs disques de manière un peu racoleuse ou dithyrambique à l'excès. D'où, de ma part, une certaine méfiance. Mais ici, en l'occurrence, on a affaire à un opus qui a valeur de référence. Et comme de surcroit l'accordéon y tient un rôle essentiel, tout est pour le mieux dans le meilleur des mondes possibles.

- "Maliétès", Maliétès 2009, L'assoce picante ; distribution L'autre distribution. 60:00. Enregistrement, avril 2006. Mixage, septembre 2006.

Bon, il est temps de décharger les sacs biodégradables "Leclerc" de la voiture, d'en répartir le contenu dans les réfrigérateurs et les placards ad hoc, de défaire les emballages et de les porter dans le conteneur tout aussi ad hoc du tri sélectif. Ce sont certes des tâches vitales, mais un peu répétitives. Chaque fois, au retour de ces marchés, mon étonnement est toujours aussi innocent. Je me dis :"Qu'est-ce qu'on bouffe !". Et tout en prenant ma part de la corvée, j'ai une pensée reconnaissante et émue pour Françoise qui, chaque jour, deux fois par jour, trouve assez de ressources créatives pour imaginer de si bons repas.

dimanche 7 février - serge gainsbourg

Comme je parcourais le "Serge Gainsbourg", numéro 184 dans la collection de poche "Chansons d'aujourd'hui", Seghers éditeur, 1969, présentation par Lucien Rioux, j'ai retrouvé pages 171-172 ce texte de 1962, "L'accordéon" publié aux éditions Bagatelles. En le lisant, j'entendais dans ma tête la version de J. Mahieux (chant, batterie), D. Roussin (guitare électrique), Y. Torchinsky (contrebasse), 2:58, Paris Musette, volume 1, La Lichère, 1990. Le livre fermé, cet air continue à m'obséder.


Dieu que la vie est cruelle

Au musicien des ruelles

Son copain son compagnon

C'est l'accordéon

Qui c'est y qui l'aide à vivre

A s'asseoir quand il s'enivre

C'est y vous, c'est moi, mais non

C'est l'accordéon


Ils sont comm'cul et chemise

Et quand on les verbalise

Il accompagne au violon

Son accordéon

Il passe une nuit tranquille

Puis au matin il refile

Un peu d'air dans les poumons

De l'accordéon


Quand parfois il lui massacre

Ses petits boutons de nacre

Il en fauche à son veston

Pour l'accordéon

Lui, emprunte ses bretelles

Pour secourir la ficelle

Qui retient ses pantalons

En accordéon


Mais un jour par lassitude

Il laiss'ra la solitude

Se pointer à l'horizon

De l'accordéon

Il en tirera cinquante

Centimes à la brocante

Et on f'ra plus attention

A l'accordéon


Accordez

Accordez

Accordez donc

L'aumône à

L'accordé

L'accordéon.




samedi 6 février - lourdes : six photonotes

Lourdes est une ville qui me fascine. Tout y est démesuré. Au moment des grandes processions, trop de monde, trop de malades, trop de soutanes et de cornettes. On est pris dans les mouvements de foule comme dans les baïnes de la côte landaise, ces courants parallèles à la plage qui vous entrainent inexorablement vers le large dès lors que vous avez eu l'imprudence de vous y aventurer. Entre les rassemblements religieux, le vide. Vide des rues, vide de l'esplanade, vide de la basilique souterraine, belle comme un parking déserté. Entre le trop et le vide, rien ou presque rien : des touristes et non plus des pélerins, qui errent comme des âmes en peine. Ici ou là, immobile comme une statue, un pénitent venu d'ailleurs prie au pied d'un saint ou de sainte Bernadette... Lourdes est une ville de montagne. Il y fait trop chaud en été et trop froid en hiver.

Lourdes me fascine par son fonctionnement. Ce qui s'y passe est un modèle de processus alchimique et un modèle de mouvement perpétuel.

Je m'explique. Modèle de processus alchimique ? On sait que le travail alchimique a pour but de transformer le plomb en or au terme d'un processus d'une infinie patience. Ici, on a affaire à une variante moderne : il s'agit de la transmutation quasi instantanée du plastique en fric. De nuit, quand les pélerins dorment, harassés par leurs chemins de croix, des camions livrent au poids leur marchandise : statuettes de la Vierge, images pieuses, gourdes pour recueillir l'eau de la grotte, etc..


Le matin, aux premières heures du jour, toutes ces choses sont installées, offertes aux croyants qui y voient des figures saintes. Miracle de la foi, miracle de la rencontre du commerce et de la piété.

On a peine à en croire ses yeux. Une armée blanche et bleue est en ordre de marche, prête à envahir la planète.

D'autre part, Lourdes, c'est aussi un modèle de mouvement perpétuel. La rencontre du développement durable ou infini et de l'éternité. Les gens achètent des cierges et les déposent dans des bacs. Des employés viennent les y chercher et les installent dans ces drôles de baraques où ils se consument, flammes fragiles mais tendues vers les cieux comme des âmes aspirées par leur foi. Notons qu'à Lourdes tout est multiple : c'est pourquoi je ne parle pas du ciel, mais des cieux.



L'armée des cierges, elle aussi, est en marche.


Mais je parlais de développement durable et de mouvement perpétuel. Je m'explique. L'image ci-dessous n'est pas celle d'un barbecue et la flamme des cierges n'a aucune fonction culinaire. Il ne s'agit pas ici de rôtisserie. Non, on voit ici la cire des cierges qui se dépose au fond de réservoirs ad hoc. Des employés viendront bientôt la ramasser et l'emporter dans des sortes de remorques jusqu'à des ateliers où, purifiée et moulée, propre comme un sou neuf, elle reprendra forme de cierges. Lesquels cierges seront installés en bon ordre dans des présentoirs où, moyennant finance, les gens pourront les prendre pour aller les déposer dans des bacs, où des employés viendront les chercher, etc... etc... etc... Vous comprenez pourquoi je parlais de mouvement perpétuel. Le cierge est une pompe à fric indéfiniment renouvelable. Pour ceux qui en douteraient encore, comment ne pas voir que c'est cela le miracle de Lourdes. Et c'est pour cela que cette cité me fascine.







samedi 6 février - zaza à pau : six photonotes

Zaza, solo ou presque. Zaza avec son Cavagnolo et son micro. Main gauche, trois doigts sur le clavier. Main droite sur l'oreille ou sur le micro. Zaza chante. Zaza la blonde. Zaza chanteuse réaliste, ou presque. Entre gravité et légéreté : "Mademoiselle".

Zaza a soif. Elle se désaltère. La carafe comme un haltère. [Je découvre en consultant le Petit Robert qu'au singulier le mot haltère est du masculin]


La scène avec "Zaza" qui clignote et son guitariste. Sur la table, un vase de fleurs, point fixe coloré, rappel des couleurs explosives sur fond noir de la robe de Zaza.


Zaza et son guitariste. Leur couple me fait penser aux Rita Mitsouko, à Catherine Ringer et Fred Chichin. C'est le moment d'évoquer Elvis Presley.



J'aime bien cette image. Elle n'est certes pas techniquement réussie, mais elle a une âme. Du moins pour moi. Mouvement, couleurs, posture et regard de Zaza ; l'accordéon et le micro. Tout cela me convient.

A propos de Zaza Fournier, on peut lire un entretien très intéressant, mené par Francoise Jallot, dans le numéro 89, septembre 2009, de "A&A", pages 37 à 39, et une chronique sur son disque, page 64 du numéro 85.