mardi 10 mai 2011

mercredi 11 mai - apprendre... oui, mais comment ?

Quand j'écoute de l'accordéon, qu'il s'agisse de concerts ou de cds, la plus grande partie de mon plaisir, outre celui de la sensation, dans l'instant, tient au sentiment d'apprendre. Je veux dire, en l'occurrence, le sentiment d'augmenter, de renforcer, de développer ou d'approfondir mes capacités d'écoute. Cette impression de changer et de modifier ma perception est tout à fait essentielle à mon plaisir.

Mais ce processus d'apprentissage, comme l'a fort bien théorisé le psychologue et épistémologue Jean Piaget, se fonde sur deux mouvements à la fois opposés et complémentaires. L'un, l'assimilation, consiste à intégrer ce qui est perçu dans un cadre déjà construit et préexistant. L'objet de ma perception s'inscrit tout naturellement dans ce que je sais déjà, dans un cadre déjà formé par des expériences antérieures. L'assimilation est rassurante. Elle renforce, valide le déjà-là. Mouvement essentiel dans le processus général d'apprentissage, mais insuffisant car plutôt conservateur. L'autre, l'accommodation, consiste à modifier ses cadres de pensée et en particulier perceptifs, pour intégrer ce qui est d'abord perçu comme nouveau et donc dérangeant, voire inquiétant. Une cetaine anxiété est inhérente à l'accommodation. Elle est déstabilisante. Mais, on le comprend bien, elle est nécessaire pour élargir son horizon de pensée et d'expérience. Elle nous oblige à construire des cadres de pensée de plus en plus complexes pour nous retrouver, nous situer et nous orienter dans notre environnement. C'est le volet "ouverture" du processus général d'apprentissage. En fait, assimilation et accommodation sont complémentaires. On pourrait les nommer "cadrage" et "ouverture".

Pour illustrer ce propos, six disques, qui par leur présence même sur le coin de mon bureau m'ont suggéré cette réflexion.Les deux disques du haut sont "Malenki Minki" de Philippe Ollivier et, du même, "OstinatO". Quand j'ai découvert "OstinatO", plusieurs semaines après "Malenki Minki", j'ai retrouvé le même climat, le même style. C'était une sorte de confirmation. IL s'agissait bien du même créateur en train d'approfondir sa vision du monde et sans doute aussi ses obsessions. Je puis dire que j'ai immédiatement assimilé "OstinatO" à "Malenki Minki". Deux objets de la même famille.

En revanche, les deux disques du milieu illustrent bien ce que j'appelle un travail d'accommodation. D'abord déstabilisants, même si j'y retrouve le style de Pascal Contet, ils m'ont obligé à faire un travail de compréhension intellectuelle et d'accoutumance sensible. D'écoute en écoute, j'ai le sentiment qu'ils m'obligent et m'aident à apprendre. Ils sont pour moi l'occasion de mettre en question mes cadres de perception pour en construire de plus complexes.



Quant aux deux derniers disques, ils sont en quelque sorte à l'intersection de l'assimilation et de l'accommodation. Le travail d'accommodation, je l'ai fait grâce à Galliano et à sa lecture de Bach. Cette lecture, d'abord nouvelle pour moi, fait maintenant partie de mon univers mental. Bach, ce n'est pas seulement un jeu d'orgue, contrairement à ce qu'un vieux monsieur prétendait à l'issue du concert donné par Philippe de Ezcurra à Odos. Justement, en cette occasion, j'ai trouvé le jeu de Philippe très original, très personnel, pas du tout "orgue portatif", et en tout cas sans ces scansions plutôt mécaniques que l'on trouve chez moult interprètes de Bach. Et comme j'avais déjà assimilé le Bach de Richard Galliano, j'ai tout naturellement assimilé le Bach de Philippe de Ezcurra. Je l'ai situé d'emblée dans la même catégorie que celui de Galliano.

En attendant de nouvelles expériences...

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