lundi 20 février 2012

lundi 20 février - pourquoi je fais des photographies de concert...

Il m'arrive habituellement de prendre trente à quarante photographies lors des concerts auxquels nous assistons. Cette pratique surdétermine, si j'ose dire, cette autre habitude que nous avons d'arriver une heure avant l'ouverture des portes. Faire des photographies implique en effet de prendre place au premier rang, sinon ou bien la chevelure du spectateur assis au rang précédent masque une partie du cliché ou bien il faut faire des contorsions pour bien viser entre les têtes des spectateurs du rang de devant. Ainsi, prendre des photographies donne un semblant de justification rationnelle à notre rituel.

Mais la question reste entière de savoir pourquoi m'est venu ce désir de faire des photographies tout en écoutant la musique et en observant le comportement des musiciens, en particulier de l'accordéoniste. Si je réfléchis à cette question, j'y vois trois réponses :

- en première intention, le désir de garder traces de notre présence. Une façon d'objectiver le compte-rendu écrit de ce qui s'est passé, de ce que nous avons vécu et éprouvé. Il ne s'agit pas de retrouver la réalité, mais simplement d'en garder traces, à partir desquelles le travail de mémoire peut construire des souvenirs, ce mixte d'observation et d'imagination. Il ne s'agit donc pas pour moi de fixer un fragment de la réalité, en vue de la retrouver identique à elle-même, mais très exactement de pouvoir l'évoquer. Il ne s'agit pas de revivre ce qui a eu lieu, mais simplement à partir de ces traces de vivre un autre plaisir, autre mais tout aussi intense.

- en deuxième intention, le projet de fabriquer une représentation, plutôt abstraite, je veux dire sans aucun souci de réalisme ou de représentation concrète, qui fixe ou rassemble en une seule image une attitude disons emblématique de l'accordéoniste. Quelque chose comme le résultat d'un travail de distillation. Exemple : l'image ci-dessous de Raul Barboza, au Bijou à Toulouse, en 2010. Sa posture, le micro, la lumière dans sa chevelure et dans le soufflet de son accordéon, soufflet à la fois rouge intense et ici quasi transparent, ses doigts sur les claviers, etc... Tous ces éléments, chacun pris séparément et leur interaction, l'un faisant écho aux autres, tout cela correspond bien à une certaine image qui me rappelle ce qu'a été, ce soir-là, la prestation de Raul Barboza au Bijou.    


- en troisième intention, il y a pour moi une certaine manière d'être "actif" durant le concert. Ecouter et voir sont en effet deux sens qui fonctionnent à distance, sans contact avec l'objet perçu. Ce sont ceux que l'on mobilise en assistant à un concert. Faire des photographies est pour moi une façon d'y participer. Viser, cadrer, saisir l'instant crucial où déclencher, toutes ces opérations, loin de distraire mon attention, tout au contraire la focalisent. Viser, cadrer, déclencher, paradoxalement, aiguisent mon attention à la musique et construisent mes attentes. Et puis, j'en suis conscient, il y a, outre le plaisir de l'écoute et de la vue, je le répète, qui sont des sens à distance, et en ce sens abstraits, le plaisir du toucher, de l'index sur le déclencheur. Qui n'est pas sans ressembler à celui du chasseur, le doigt sur la gachette. Le concert comme une partie de chasse ? J'avoue que je n'y avais pas pensé d'abord, mais à la réflexion, le rapprochement ne me parait pas si absurde : chasser comme assister à un concert, c'est bien une affaire d'instant crucial à ne pas rater. L'instant perdu ne se retrouve pas ! La photographie de concert comme pratique épicurienne...     

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