lundi 5 mars 2012

mardi 6 mars - vous avez dit world music...

Je me suis souvent interrogé sur la signification de l'expression "world music" et, plus précisément, sur la nature des disques que l'on classe sous cette étiquette. Les réponses, que j'ai pu trouver, m'ont toujours paru floues, incertaines, insatisfaisantes. Mais, ce matin, en parcourant la dernière livraison de la revue "Sciences Humaines" [Les grands dossiers des S. H. - Trimestriel, n° 26] consacrée aux cultures pop, j'ai lu un article tout à fait éclairant, pages 68-69, intitulé "Dans le grand tiroir de la world music". L'auteur est Nicolas Journet, qui signe tout le dossier "Musique", pages 56-70. L'ensemble est excellent, mais pour l'heure je m'en tiens à la seule question de la world music.

En résumé, l'auteur de l'article nous dit ceci :

- En première analyse, la world music, ce sont les disques que les disquaires des années 80 ne pouvaient ranger ni en pop, ni en rock, ni en jazz, ni en classique. Définition négative donc. Ces disques "ni... ni... ni...", en fait, c'est tout ce qui venait de loin : Afrique, Asie, Amérique latine. Bref ! La musique non occidentale. Mais, problème ! Que faire alors des ballades irlandaises, du fado, du rebetiko, de la musique cajun et autres cornemuses ?

- Si l'on approfondit l'analyse, on trouve sous cette étiquette trois genres de musique :

1.- les musiques traditionnelles ou folkloriques. Souvent inscrites dans des collections musicologiques ouvertes aux traditions savantes de l'Inde, de l'Extrême-Orient et de l'Europe centrale. Des oeuvres à forte connotation culturelle. Souvent sans auteur identifiable. Jouées avec des instruments de facture locale.
2.- des musiques populaires, de création récente ou non, jouées avec des instruments et des moyens modernes par des musiciens locaux, auxquels la mode a donné une réputation et une diffusion mondiale. L'auteur cite ici le zouk, les sons cubains, les gnawas marocains, etc... Et il se demande, eu égard à leur diffusion et à leurs croisements avec d'autres genres musicaux, pourquoi elles sont tenues à l'écart ds variétés, de la pop, du rock, du jazz, du rap.

Dans cette classe ou, si l'on veut, dans ce tiroir, le critique Etienne Bours, cité par Nicolas Journet, distingue deux profils :
2.1.- les styles "défolklorisés" qui ont séduit un public international en rectifiant leur orchestration sans renier leurs références traditionnelles. Exemples - je cite - : le chant soufi électrifié du Pakistanais Nusrat Fateh Ali Khan ou la musique celtique de Tri Yann, etc...
2.2.- les musiques "métropolisées", qui traduisent le brassage et  le métissage culturel qui prennent corps dans les villes. Exemples : le jazz balkanique de Goran Brégovic, le raï maghrébien, la salsa new-yorkaise, etc... Musiques qui accompagnent souvent un désir ou une affirmation d'ouverture et de tolérance, en tout cas qui manifestent une volonté de coexistence culturelle.

3.- Le troisième volet serait représenté par la reprise de mélodies ou de sonorités autochtones retravaillées par des musiciens étrangers aux régions d'origine. Exemples : Peter Gabriel et Paul Simon pour les musiques africaines, etc... L'auteur parle ici de musiques estampillées world beat ou global fusion. Il ajoute qu'elles ont plutôt mauvaise presse, qu'elles sont d'abord, pour leurs critiques, destinées à séduire les adeptes du new age. Pour enfoncer le clou, il dit même que pour les musicologues cette troisième voie, si je puis dire, est à la musique traditionnelle ce que la musique d'ascenseur est à la musique classique. Mais, lui-même, est moins sévère ou moins rigoriste en rappelant que ces transpositions ont déjà été pratiquées par des musiciens tout à fait respectables, comme les compositeurs romantiques ou certains jazzmen. Pour finir, il cite d'ailleurs le travail de Jan Garbarek, ajoutant toutefois que s'il travaille depuis plusieurs décennies sur des thèmes de musique du monde, il joue sur scène avec des instrumentistes indiens, pakistanais, tunisiens... et des chanteurs traditionnels suisses.

Bien sûr, je suis loin d'avoir rendu compte de la richesse de cet article, mais déjà, pour ma propre information, je le trouve très éclairant. Disons qu'il met de l'ordre dans cette nébuleuse qu'était pour moi jusqu'ici la world music.   
 

   

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