lundi 9 février 2015

mardi 10 février - jacques trupin : parfum d'écume

"Parfum d'écume" est un cd tout récent de Jacques Trupin avec un quintet à cordes. Jacques Trupin joue du bandonéon ; le quintet est composé de deux violons, d'un alto, d'un violoncelle et d'une contrebasse, auxquels se joint parfois un piano.

Si l'on voulait définir le style de cet album, on pourrait dire d'une part que c'est un album de compositeur, en ce sens que de morceau en morceau on perçoit clairement une unité d'inspiration, et d'autre part que c'est aussi un disque de tango contemporain. Quinze morceaux à la gloire, si l'on peut dire, de l'eau dans tous ses états. Un seul morceau a été composé par un autre musicien, Alfredo Zitarrosa ; il est intitulé "El Violin de Becho". Il est admirable et s'inscrit bien dans l'ensemble des pièces de cet opus.

"Parfum d'écume", c'est un beau titre, poétique, qui donne bien la tonalité de l'album. "Parfum" d'abord : quelque chose d'impalpable, de quasi immatériel et cependant obsédant. Quant à l'"écume", c'est un phénomène que l'on pourrait qualifier de polysensoriel, alors même qu'il semble presque sans forme ni densité. C'est un phénomène qui en effet sollicite tous les sens : la vue certes, qui n'arrive pas à en saisir la forme, mais aussi l'ouïe, quand l'écume explose en s'effilochant comme de la soie froissée, mais encore le toucher qui l'expérimente impalpable et trompeuse ou l'odorat ou le goût quand elle s'incruste salée sur les lèvres.

Cet album, j'en ai eu connaissance par un entretien de F. Jallot avec J. Trupin dans le dernier "Accordéon et accordéonistes". Un excellent article, qui m'a donné envie d'écouter l'album. Jacques Trupin y explique en effet on ne peut plus clairement ses intentions et, disons, ses idées qui ont donné lieu à cette création. Il dit par exemple que "chaque morceau illustre un des deux états de l'élément [l'eau]" : la violence de la mer, ses sombres abîmes, le fracas des vagues, les hurlements de la tempête versus la beauté des eaux claires, le mouvement apaisant du flux et du reflux, etc... "C'est, en quelque sorte, une ode à la mer où la représentation de l'eau en est le leitmotiv".

Plus loin, il explicite cette idée que sa musique est, pour ainsi dire, visuelle en ce sens qu'il la construit comme un peintre avec sa palette. Il parle à ce sujet de palette musicale pour décrire sa manière d'organiser au niveau harmonique et rythmique son idée directrice ou même fondatrice de ses œuvres. Plus loin encore, il précise sa pensée en définissant ses morceaux comme des saynètes. Musique, peinture, théâtre...

Enfin, il définit son tango comme concertant et ajoute - ce qui forcément me plait - que "bien sûr, les aficionados de la danse peuvent s'y retrouver. Mais c'est une musique pleine d'images. Il est plus important pour moi de danser dans sa tête. Toutefois, chacun fait comme il veut".

C'est dire que l'on a affaire à un musicien qui "sait ce qu'il veut "faire et qui le fait avec un immense talent. En tout cas, c'est un tango tel que je l'aime avec une orchestration fluide et subtile. Un album qui contribue à faire vivre une tradition en la renouvelant.

... Et, pour la route, un YouTube d'environ onze minutes :

 https://www.youtube.com/watch?v=batDGmmqTVk

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